Bonjour à tous !
concernant la tripartition, il me semble quand même qu'on ne passe pas directement des druides aux chansons de geste : le schéma des trois ordres fonctionnels est établi dès l'époque carolingienne par des milieux ecclésiastiques (école de Laon et d'Auxerre) fortement influencés par les moines irlandais. Et, comme le disait René Louis, "l'épopée française est carolingienne", c'est-à-dire que les principaux héros des chansons de geste renvoient à des personnages historiques de l'époque carolingienne : Guillaume, comte de Toulouse sous Louis le Pieux, par exemple.
On remarque que ces personnages historiques viennent en majorité du nord de la Francie (en gros d'Austrasie) et se voient confier des postes de comtes un peu partout dans l'Empire. La famille de Guillaume, austrasienne d'origine, a reçu un commandement en Bourgogne (Thierry, père de Guillaume, à Autun), puis en Aquitaine et en Marche hispanique.
D'autre part, il y a certainement eu des récits en occitan sur les exploits de Guillaume, Aimeri, ou Raynouart (qui ressemble énormément au Dagda). Mais rien ne permet de penser que tout ce qui est celtique dans ces épopées est une survivance gauloise, surtout dans une région (Narbonnaise) romanisée très tôt.
En fait, toutes ces chansons de geste émergent et sont mises par écrit à une époque bien précise : celle de la Reconquista et des croisades. La mise par écrit des chansons de geste est également postérieure à la conquête de l'Angleterre par les Normands et donc à la rencontre entre ces derniers et le monde celtique insulaire. Or, ces Normands sont très présents partout où s'affrontent guerriers chrétiens et musulmans : Terre Sainte, Sicile, Espagne. Ils combattent en Espagne aux côtés des Aquitains. Un peu plus tard, les Plantagenêts, dans leur volonté de mettre la main sur le comté de Toulouse, vont s'intéresser de près aux affaires politiques de la vicomté de Narbonne et du royaume d'Aragon.
En bref, je verrais bien deux vagues celtiques venir imprégner l'épopée française : la première dès sa naissance, sous les Carolingiens, par l'influence de moines irlandais ; la seconde, venant plutôt du monde brittonique (Bretagne et Galles) et transmise par les Anglo-Normands. On remarquera par ailleurs que les plus anciens manuscrits des chansons de geste sont écrits en anglo-normand.
Enfin, dès la fin du 12ème siècle, on voit arriver dans les chansons de geste des personnages de la légende arthurienne (ex. : la Bataille Loquifer). Mabon en est peut-être un exemple : il est déjà présent chez Chrétien de Troyes dans le nom de Mabonagrain, ou dans le Lanzelet, où il est le magicien Mabuz.
Quant au géant Corsolt, il s'agit sans doute de l'éponyme de la ville de Corseul dans les Côtes-d'Armor.
En tout cas, on remarque une évolution de la chanson de geste, de l'épique guerrier au merveilleux, de la Chanson de Roland à Huon de Bordeaux, par exemple, et cette évolution est due plus certainement à l'infusion arthurienne apportée à l'épopée française, plus qu'à une résurgence d'un fonds ancien.