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L'ancienne extension du breton et le suffixe -acum

MessagePosté: Mar 29 Déc, 2015 17:51
de Jeannotin
L'idée de se servir de l'évolution du suffixe toponymique -ACum pour reconstituer l'ancienne extension de la langue bretonne remonte à Joseph Loth. Elle s'appuie sur le fait que ce suffixe donne -é ou -ay en oïl de l'ouest et -ac, -euc, -oc ou -ec en breton. Il suffit donc de relever sur une carte l'évolution locale de -ACum pour connaître l'ancienne extension du breton. À l'époque de Joseph Loth, on considérait que ce suffixe servait à former designer des domaines gallo-romans et qu'il s'ajoutait au nom du propriétaire. L'évolution en -ac témoignerait donc d'une strate de peuplement gallo-romain ensuite submergée par des envahisseurs celtophones venus de l'île de Bretagne. On incline maintenant à penser qu'il s'agit en grande partie de toponymes descriptifs formés sur des racines gauloise, exactement comme les toponymes suffixés en -eg (-ec tel qu'écrit en français) du breton moderne.

J'ai tenté sur la carte ci-dessous de répertorier tous les toponymes en -ac, -euc et -oc des départements d'Ille-et-Vilaine et de Loire-Atlantique :
https://www.google.com/maps/d/edit?mid= ... lHg7M30Mpw
On trouve souvent des cartes semblables dans les ouvrages consacrés Bretagne. Cependant, il est ici plus facile de zoomer pour observer le contexte toponymique dans lequel apparaissent les noms en -ac (savoir si les autres marqueurs toponymiques de bretonnité sont abondants). Le grand avantage d'Internet est qu'il est plus facile d'ajouter les toponymes en avec que je n'ai pas vu (il y en a certainement !).

On remarquera certains micro-toponymes qui avaient échappé aux recherches de Loth car ils se trouvent à l'est de commune dont le nom a subi l'évolution romane en -é ou -ay. On a ainsi Sauzignac et Croisbrac à l'est de Nozay ; Marignac en Saffré ; ou Breillac et le Croisac à l'est de Savenay. Le fait que des chefs-lieux de paroisse présentent une évolution romane et des hameaux isolés une évolution bretonne suggère qu'alors que la langue d'oïl était déjà la langue des bourgs, l'idiome celtique se maintenait encore dans les campagnes.

Pour aller plus loin sur ce sujet, je pense que cet article de Bernard Tanguy est à lire :
http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... _87_3_3016

Re: L'ancienne extension du breton et le suffixe -acum

MessagePosté: Mar 29 Déc, 2015 23:45
de Kambonemos
Bonjour Jeannotin, bienvenue sur le forum de l'AC. :biere: (J'apprécie tes interventions toujours très pertinentes sur un autre forum en particulier)

@+

Re: L'ancienne extension du breton et le suffixe -acum

MessagePosté: Mer 30 Déc, 2015 16:07
de gérard
Sur le problème des noms de hameaux en -ac là où -é etc. prévaut dans les chefs-lieux:

je vois 2 possibilités ('lune n'excluant pas l'autre):

- survivance du gaulois (dans des domaines non soumis à une autorité gallo-romaine)

- ou implantation de colonies bretonnantes sur des domaines gallo-romains, avec ou sans l'accord du "latifundiaire".

Re: L'ancienne extension du breton et le suffixe -acum

MessagePosté: Jeu 31 Déc, 2015 0:57
de Alexandre
gérard a écrit:- survivance du gaulois (dans des domaines non soumis à une autorité gallo-romaine)

On se souviendra que dès l'Antiquité, la survivance d'un toponyme gaulois n'implique pas la survivance de la langue elle-même.

Re: L'ancienne extension du breton et le suffixe -acum

MessagePosté: Jeu 31 Déc, 2015 19:16
de gérard
Une remarque sur le point suivant:

"Il est un autre argument invoqué par Joseph Loth qui mérite d'être mentionné : la conservation dans plusieurs toponymes de k- initial devant a, conservation qu'il impute à la présence bretonne. La palatalisation de k- initial devant a, trait caractéristique de la langue d'oïl (exception faite du domaine normanno-picard), aurait commencé vers le milieu du VIe siècle pour s'achever vers le VIIIe siècle." (Bernard Tanguy, p. 448 Annales de Bretagne, 87, 1980)

On a Castres en Guémené-Penfao (44), à 7km de Castre en Pierric (44, à 400m du gué sur la Chère de la voie Blain-Rennes) et, à 12km au nord du précédent, Châtre en Messac (35).

Or Jean-Yves Le Moing dénombre dans sa thèse (éditée en 1990):
- 25% de toponymes bretons à Guémené
- 20% à Pierric
- 10% à Messac.
Ce qui laisserait supposer que l'intensité forte ou faible de la présence de la langue bretonne sur ces communes a influé sur l'évolution de castr-.

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Marignac en Saffré est noté Merignac sur la carte de Cassini.