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Le paganisme slave

MessagePosté: Mer 09 Mar, 2005 16:30
de Muskull
Non, non, pas hors sujet ! :wink:

En fouinant sur Léto, la mère des jumeaux hyperboréens Artémis et Apollon, je suis tombé sur un article bigrement intéressant sur le paganisme slave protohistorique qui peut éclairer sur certaines pratiques des celtes continentaux de même que le livre de Mme Guibert éclaire sur les celtes atlantiques.

Citations :
"Le matériel inépuisable qui touche au paganisme slave et qui a survécu presque jusqu'à nos jours, n'a pas trouvé toute sa place dans ce livre. L'exposition systématique que j'ai faite n'a été menée que jusqu'aux derniers siècles avant notre ère. Ni les croyances des Slaves au temps de Pline et de Tacite, ni le fond si riche des données sur le paganisme de la Russie kiévienne, n'ont trouvé la place qu'ils méritaient dans les pages de ce livre, même si l'auteur a, pour des raisons diverses, fait appel tantôt aux chroniques des Xe –XIIIe siècles tantôt à des idoles comme celle de Zbroutch, tantôt aux sermons contre le paganisme du XIe au XVIe siècles. Ces sources diverses ont été introduites pour donner une explication rétrospective à telle ou telle conception religieuse plus archaïque.

L'étude solide de Lowmianski, consacrée aux VIe –XIIe siècles de notre ère, et qui prolonge en quelque sorte chronologiquement ce livre peut compléter l'exposition inachevée que j'ai faite du thème du paganisme. "

"Selon toute vraisemblance le culte de Volos-Vélés remonte aussi à la profondeur du paléolithique. Il faut reconnaître comme juste l'hypothèse des linguistes comme quoi cette divinité s'identifiait à un ours. On peut penser que c'était primitivement un dieu du gibier, << dieu de la bête morte >>, qui a pendant longtemps gardé son lien avec le monde des morts."

"Le culte des deux rojanitsy, déesses protectrices de la fertilité/fécondité, a connu deux stades essentiels : le stade chasseur et le stade agricole. Nous pouvons reconstituer le premier grâce aux innombrables mythes des différentes tribus chasseresses. L'époque de l'apparition de ces conceptions est bien documenté par les sépultures de chamanes au mésolithique. Les Maîtresses Célestes du Monde étaient conçues comme mi-femme mi-élanes, elles se trouvaient au ciel, s'identifiaient avec deux repères astraux fondamentaux, portant les noms d'une Elane et de son faon : l'actuelle Grande Ourse ( en vieux-russe l'Elan) et la Petite Ourse."

Pour plus de détails :
http://www.rkp-montreal.org/fr/rybakov.html
Le livre :
http://www.puf.com/livres/22409466a.html

MessagePosté: Mer 09 Mar, 2005 20:30
de Hadañ drailh
point important à noter, je crois que la lituanie a été le dernier royaume païen d'europe, jusqu'au 14eme siècle il me semble, ce que l'on sait des croyances slaves devraient théoriquement être plus précis que pour les croyances celtiques et germaniques...

MessagePosté: Mer 09 Mar, 2005 20:38
de Snorri
Euh .. L'Islande vous la comptez en Europe ?

Si oui, la religion païenne est toujours légale et a toujours cours.

MessagePosté: Mer 09 Mar, 2005 22:41
de Hadañ drailh
Snorri a écrit:Euh .. L'Islande vous la comptez en Europe ?

Si oui, la religion païenne est toujours légale et a toujours cours.


oui, je l'avais oubliée celle-là! :) Mais j'ai cru comprendre que comme aux îles Féroé, il s'agit plus d'un paganisme folklorique qu'autre chose... non?

MessagePosté: Jeu 10 Mar, 2005 8:51
de Muskull
Heu :?

Attention de ne pas faire dériver le fil vers les paganismes contemporains, ce n'est pas le sujet et de plus, si vous avez lu le résumé de la conclusion du livre de Boris RYBAKOV, il n'y a aucun rapport entre ce qu'il évoque et l'odinisme. :wink:

MessagePosté: Jeu 10 Mar, 2005 10:30
de Orgenomeskos
La Russie est devenue afficiellement chrétienne au Xe siècle, bien qu'on y ait noté, tout comme en France, la permanence du culte des arbres, des sources, des forces de la nature, au moins jusqu'au XIIe siècle.

Et, effectivement, comme le soulignait Hadañ drailh, le grand-duc de Lituanie, Jagellon, ne se convertira (et encore pour des raisons politiques) qu'en 1386.

Quelques liens d'inégales valeur sur le paganisme slave:

http://es.geocities.com/sucellus23/931.htm

http://www.recherches-slaves.paris4.sorbonne.fr/Colloque_Solovki/Annonce.htm

http://hometown.aol.com/hpsofsnert/index.html (peut être moins intéressant)

MessagePosté: Jeu 10 Mar, 2005 14:16
de Snorri
A ce sujet, voici mon post dans 2 forums médiévaux:

La conversion des Rûs (peuple suédois établi dans la région de Kiev) au culte orthodoxe.

Vladimir de Kiev voulait doter son peuple d'une religion moderne. Il convoqua les 4 grandes religions de l'époque: l'Islam, le Judaïsme, et le Christianisme par les mouvements catholique et l'orthodoxe.

Il ne prit pas l'Islam, car boire de l'alcool (et manger du porc) est le propre des scandinaves, il ne prit pas le Judaïsme car si c'est le peuple élu pourquoi est-il rejeté de toute part, il ne prit pas le catholicisme parce que le culte est ennuyant. Il prit l'Orthodoxisme car: l'encens projeté vers le ciel par le balancement des lourds encensoirs, l'or des icônes, les hymnes célestes transportent d'enthousiasme les âmes slaves des envoyés du prince :"Nous ne savions plus si nous étions au ciel ou sur la terre ! c'est là que Dieu demeure avec les hommes !"


Hadan Drailh: ce n'est pas du paganisme folklorique. Certains rites comme Jól sont toujours pratiqués.

Muskull: L'Odinisme n'est qu'une partie du paganisme scandinave. Tout comme chez les Indous, les scandinaves ne 'raccrochent' plus à un dieu qu'à un autre.

MessagePosté: Jeu 10 Mar, 2005 18:06
de Patrice
Salut,

J'ai le livre de Rybakov. Une première remarque: il est probable que ce ne soit pas lui qui l'ait écrit. J'ai connu un prof russe qui me l'a clairement dit. Mais c'était pratique courante dans la Russie communiste. De plus l'édition française est considérablement tronquée: la traductrice avoue en préface avoir supprimé plus de 200 pages!

Sinon, ce livre traite beaucoup plus du folklore russe du XIXe-XXe siècle que du paganisme originel. On y trouve des études très intéressantes sur des motifs de broderies, des chansons.
De plus on peut critiquer la démarche de Rybakov qui tente de "dater" les mythes, en les classant en plusieurs chapitres: "l'âge de pierre", "l'énéolithique", les proto- et pré-Slaves (cultes agraires soit-disant pré-slaves).

Bref, c'est plus un équivalent de la Mythologie française de Dontenville et de la Deutsche Mythologie des frères Grimm que de la Mythologie grecque de Decharme. C'est une démarche datée, qu'on ne ferait plus en France.

Ce qui n'empêche que c'est très intéressant car cela contient beaucoup d'éléments peu connus, surtout sur le plan du folklore.

L'auteur dit avoir écrit un second livre: Le Paganisme dans la Russie ancienne, publié à Moscou en 1988. Malheureusement, je ne sais pas s'il a été traduit en français et même si en ce moment je me mets au russe, je crois que j'aurais beaucoup de mal à le lire.

A+

Patrice

MessagePosté: Jeu 10 Mar, 2005 19:55
de Hadañ drailh
Muskull a écrit:Attention de ne pas faire dériver le fil vers les paganismes contemporains, ce n'est pas le sujet


bah? un modérateur charitable divisera le sujet, et voilà! :D

MessagePosté: Dim 13 Mar, 2005 8:26
de Muskull
Merci Patrice pour ces précisions importantes. :)

Orgenomeskos, le second fil sur l'île sacrée est bigrement intéressant, je ne connaissais pas ce mythème dans les régions baltes. :idea:

Je pense que l'on peut retenir le culte d'une triade "proto-slave" continentale :
L'Ours, la Mère et la Fille.
"La petite Mère Russie", dans le folklore l'ours est aussi le "maître de l'hiver" et j'avais lu un article qui disait que dans les croyances populaires, c'est sa protection sous forme de deux hivers très rigoureux qui leur avait permis de vaincre les armées napoléoniennes et allemandes.
Dans le folklore slave il y a aussi la Baba Yaga, une sorcière terrifiante qui "aveugle" l'ours et lui prend son pouvoir. On la nomme aussi "la veuve". On retrouve ici le mythème de "la vieille femme de l'hiver" que l'on retrouve dans les contes de toute l'Europe et au delà.
Les rites de Carnaval doivent la chasser, voire la brûler, afin de libérer l'ours pour qu'il retourne vers le Nord et que la fertilité revienne.

La "Vieille" complète cette figure triadique féminine très présente dans les mythes celtiques et que l'on retrouve même tardivement sculptée sur des calvaires bretons comme celui de Braspart et que les chrétiens associent aux "trois Marie".

MessagePosté: Dim 13 Mar, 2005 8:48
de Muskull
Petit aparté ludique et sous entendus :wink:

L'histoire de l'ours en peluche :
http://www.oursement-votre.com/histoire.mv

MessagePosté: Dim 27 Mar, 2005 8:01
de Muskull
Une interview de Marija Gimbutas sur le sujet :
http://hommefemme.joueb.com/news/104.shtml

La culture de la "vieille Europe".

"Ces proto-Indo-Européens sont venus de Russie du sud en Europe, ont importé la culture indo-européenne et alors la culture européenne a été hybridée. C'était la vieille culture mélangée aux nouveaux éléments - la steppe, éléments pastoraux et patriarcaux. Déjà à ce moment-là, il y a trente ans, j'ai senti cela, en Europe là, il y avait autre chose avant les Indo-Européens. Mais je n'avais toujours rien fait au sujet de la déesse, des sculptures, ou de l'art, de la poterie peinte. J'avais juste su que cela avait existé mais je n'avais pas vraiment eu la chance de plonger dans le terrain."
.../...
"Quelques fouilles intéressantes ont été faites, particulièrement en Grèce et moi j'ai commencé à comprendre de plus en plus au sujet des sculptures. Je ne sais pas à quel moment cela s'est produit, mais j'ai commencé à distinguer certains types et leurs répétitions. Par exemple, l'oiseau et la déesse serpent. Ainsi j'ai lentement amassé de plus en plus d'informations. Le premier livre s'est appelé « Déesses et dieux de la vieille Europe »"
.../...
"Les systèmes symboliques sont très différents. Tout ceci reflète la structure sociale. La structure sociale indo-européenne est patriarcale, patrilinéaire et la psyché est guerrière. Chaque Dieu est également un guerrier. Les trois dieux indo-européens principaux sont le Dieu du ciel brillant, le Dieu des enfers et le Dieu du tonnerre. Les déesses féminines sont les jeunes mariées, les épouses ou jeunes filles sans pouvoir et sans créativité. Elles sont justes là, ce sont des beautés, ce sont des Venus, comme l'aube ou des jeunes filles au soleil.
Le système qui a existé dans la culture « matristique » avant que les Indo-Européens en Europe était totalement différent. Je l'appelle « matristique »et non matriarcal, parce que matriarcal réveille toujours des idées de domination et est comparé au patriarcat. Mais c'était une société équilibrée, les femmes n'étaient pas vraiment si puissantes qu'elles auraient usurpé tout qui ce qui était masculin. Les hommes étaient à leur position légitime, ils effectuaient leur propre travail, ils avaient leurs fonctions et ils ont également eu leur propre puissance. Ceci est reflété dans les symboles où vous trouvez non seulement des déesses mais également des dieux. Les déesses étaient créatives, elles créent d'elles-mêmes. Dès 35.000 B.c, des symboles et des sculptures, nous pouvons voir que les parties du corps féminin étaient les parties créatrices: seins, ventre et fesses. C'était une vue différente de la nôtre..."

MessagePosté: Lun 28 Mar, 2005 9:25
de Muskull
L'île et le sacré dans les mythes de la "vieille Europe".

En suivant un lien donné plus haut par Orgenomeskos / Ariane :D j'ai trouvé moultes choses fort intéressantes :
http://www.recherches-slaves.paris4.sor ... mmaire.htm

Quelques fragments picorés dans les articles : :94:
" Il est temps maintenant de faire quelques remarques d’étymologie pour souligner le lien intrinsèque qui existe entre l’île et le sacré. À la limite, on pourrait presque parler de pléonasme lorsque l’on rapproche les deux termes. Il s’agit en effet d’un même registre de pensée et donc d’expression. L’origine des mots « île » et « sacré » nous le montre clairement.

• L’île est un des symboles majeurs de la géographie sacrée : elle est ce bout de terre qui est séparé, isolé par la mer qui forme ses limites naturelles (ïle/isle, même racine que l’italien isola, l’anglais island, Islande…).

Par son isolement même, « l’île est un monde en réduction, une image du cosmos, complète et parfaite », justement parce qu’elle représente « une valeur sacrale concentrée », la notion rejoignant par là même celle du temple13.

• le temple : radical i-e tem- (couper, délimiter, partager), que l’on retrouve dans le grec temenos, qui signifie domaine séparé, espace réservé au culte : « l’endroit réservé aux dieux, l’enceinte sacrée entourant un sanctuaire et qui est un lieu intouchable » [cf. la tempe ? zone de la tête que l’on ne doit pas toucher = temple au XIe siècle]. Sur la même racine, nous trouvons le latin tem-plum, qui désignait à l’origine un lieu bien précis : « Le secteur du ciel que l’augure romain délimitait à l’aide de son bâton et dans lequel il observait, soit les phénomènes naturels, soit le passage des oiseaux ; il en est venu à désigner le lieu, ou l’édifice sacré, où se pratiquait cette observation du ciel »14.

• le sacré : là encore, d’un point de vue étymologique, le terme sacré désigne ce qui appartient à un domaine séparé, interdit et inviolable (enceinte sacrée) ; puis par dérivation ce qui fait l’objet d’un sentiment de révérence religieuse.

Or nous savons qu’en manifestant le sacré, un objet ou un lieu deviennent autre chose, sans cesser d’être eux-mêmes : ils participent au milieu cosmique environnant mais prennent en même temps une dimension très différente. En effet, le sacré est saturé d’être ; il devient la réalité essentielle et, pour ceux qui croient, la seule réalité véritable. "
Francis Conte

"1. L’île Bujan n’est pas seulement la première des îles, mais aussi la première terre et c’est pourquoi elle est le foyer du sacré. Le nom même de Bujan, outre les multiples significations que l’on attribue à la racine buj, contient un sens révélateur et tout à fait caractéristique de la sémantique de l’île dans toutes ses significations celui de hauteur (Vieux-russe buj : colline, montagne, hauteur) ;

2. À l'origine de l’île (ou bien sur elle) se trouve le rocher (bel-gorjuč kamen', kamen'-alatyr'). Le motif du rocher est essentiel. L'île est en fait un rocher au milieu de la mer (cf. les dénominations fréquentes : kamennyj ostrov, kamen’-ostrov, i.e. « l’île de pierre » ou l’« île-pierre »). L’idée très répandue selon laquelle les rochers poussent contribue à renforcer le motif de l’apparition de l'île comme première terre. Tout aussi essentielle est l’idée que le rocher incarne la stabilité et la force dont l’île, entourée par les eaux, ne peut se passer. Le rocher-alatyr', le « père de tous les rochers », est le premier rocher. On rencontre cette image non seulement dans les conjurations, mais aussi dans les poèmes spirituels (en particulier dans le Stix o golubinoj knige, qui est lui-même gravé sur ce rocher), et dans les bylines, où il symbolise le monde étranger. Sous le rocher se trouve une force puissante. Et c'est par la force du rocher que se fixent les paroles de la conjuration ;

3. les objets se trouvant sur cette île primitive se définissent à leur tour en tant que premiers ou aînés. On y trouve une église, une colonne ou un chêne, et, en-dessous, un buisson d'osier blanc, sous le buisson, un rocher, sur le rocher, une toison, sur la toison, un serpent. Dans un ordre différent, on y trouve un tombeau (à l'intérieur, une sainte femme ou une belle jeune fille), sur le tombeau, une planche, sous la planche, le chagrin. Ou bien encore: on y trouve trois forges dont les forgerons sont des démons ; ils forgent une épée ou des flèches destinées à l'ennemi. C'est là encore que vivent les maladies ;

4. de nombreux personnages habitent l'île: le Christ, la Mère de Dieu, les saints, les sages, les démons, le serpent, l'oiseau, l'animal sauvage. En général, il n'y a pas de vivants parmi eux. Et si un jeune homme ou une jeune fille apparaissent sur l'île, ils sont soit morts, soit prisonniers. Les personnages teriomorphes sont les ancêtres primitifs des animaux (chacun dans son espèce) : le serpent est l'aîné de tous les serpents, l'oiseau, le père de tous les oiseaux, l'animal sauvage, le père de tous les animaux sauvages ;

5. comme l’a déjà fait remarquer A.N. Afanas'ev, les représentations attachées à l'île Bujan sont liées aux représentations de l’irie (irija, vyrija), contrée chaude en bordure de mer ou sur une île, où se rendent les oiseaux et les serpents pour l’hiver. Le motif du serpent sur l'île est récurrent. Dans les conjurations, le serpent est couché sous le chêne, sur une toison, et lèche un rocher blanc. Ce n'est pas un hasard si de nombreuses îles s'appellent « île du serpent » (zmeinyj). "
A. Bajburin

"C’est dans cette affirmation de sa centralité que le microcosme insulaire retrouve l’universel. C’est dans cette affirmation qu’il traduit son caractère sacré. En effet, Gilbert Durand n’affirme-t-il pas que « si la notion de centre intègre rapidement des éléments mâles, il est important de signaler ses infrastructures obstétricales et gynécologiques : le centre est nombril, omphalos du monde. C’est pour ces raisons utérines que ce qui sacralise avant tout un lieu c’est sa fermeture : îles au symbole amniotique, ou encore forêt dont l’horizon se clôt lui-même. Le lieu sacré est bien une cosmisation. »
.../...
"Cette idée de l’île comme nombril du monde existait déjà dans la Grèce antique. Les Grecs anciens, s’ils n’avaient apparemment aucun terme pour désigner l’insularité, l’ont cependant figurée par des expressions métaphoriques comme « l’omphalos », mais aussi « le bouclier » ou « la coupe ». En réalité, l’omphalos est aussi le point central et le plus haut du bouclier. Et l’image de l’île s’élevant, montagne au-dessus des eaux, qu’Homère, dans l’Odyssée, évoque à plusieurs reprises constitue aussi, selon Sylvie Vilatte, « le trait d’union naturel entre le ciel et la terre, entre le monde des Olympiens et celui des hommes »
.../...
"Mais une autre figure va retenir notre attention, pour construire notre image de l’île sacrée, c’est la figure de « l’île labyrinthe ». Comme figure de l’espace insulaire, le labyrinthe remplit deux fonctions : celle de l’allongement des itinéraires, d’agrandissement d’un espace limité ; celle de protection de l’espace menacé et envahi, parce que le labyrinthe retarde et rend plus difficile la pénétration de l’espace insulaire. Mais c’est aussi, en tant que figure de la pensée humaine, une métaphore de la connaissance."
A. MEISTERSHEIM

Le parallèle est évidemment frappant entre les mythes slaves et celtiques sur le mythème de l'île sacrée... :105:

"... il y a un estuaire de l’océan, habité par les Guiones, un peuple germanique, nommé Metuonis, de six mille stades de long. De là, l’île d’Abalus est à un jour de voyage où (l'ambre) est transporté par les flots au printemps et généré par la mer congelée. Les habitants locaux l’utilisent comme du bois et le vendent à leurs voisins Teutons. Timée aussi croit (Pythéas) mais appelle l’île Basilia ".
Pline
Image

MessagePosté: Mer 12 Oct, 2005 18:55
de Muskull
Je continue sur ce fil pour ne pas en créer un autre sur les "îles au Nord du monde". Nous sommes dans la continuité et cette fois c'est Régis Boyer qui s'y colle. :wink:
Je vous le propose brut dans un premier temps, le temps de trouver le temps pour "éplucher" son texte et de faire ressortir un concept fondamental très important de la tradition celtique, que l'on retrouve dans d'autres traditions de façon tout aussi importante, dans les thèmes de navigatio entre autres mais aussi des mythèmes universels liés au vol, au coursiers volants, qui est à rapprocher du "chemin" vers la Jérusalem Céleste des alchimistes médiévaux.

Le texte :
http://www.recherches-slaves.paris4.sor ... /Boyer.htm

MessagePosté: Jeu 13 Oct, 2005 19:03
de Muskull
C'est trop long ?
Résumé

R. BOYER

(Université Paris-Sorbonne )

« Miracle islandais » : miracle insulaire ?

On connaît le « miracle grec ». Il y a de même un « miracle islandais ». Comment cette population très réduite, composée de Scandinaves, certes, mais aussi, ce qui est non moins important, d'apports celtes, a-t-elle pu donner à la civilisation ces merveilles que sont les deux Eddas, puis la poésie scaldique, les sagas, puis une extraordinaire littérature savante couvrant tous les domaines du savoir du temps ? Autant de trésors en regard desquels l'Occident de la même époque ne présente rien de comparable. Avant de suggérer une réponse, l'A. rappelle les multiples traits de la singularité islandaise : traits politiques et sociaux, avec la mise en place de structures originales (ploutocratie solidement fondée sur la loi et qui, pendant plus de trois siècles, ne connut ni roi ni jarl ni prince) ; raisons intellectuelles, avec l'essor prodigieux de l'écriture, dès le baptême chrétien, en 999 ; raisons « mythiques », enfin : recherche d'Ultima Thule et de l'« l’Île verte » par les Celtes (la découverte de l'Amérique du Nord par Eirikr le Rouge s'inscrit directement dans cet espace), et d'abord quête intellectuelle du savoir, quête qui conduit le héros mythique islandais à aller jusqu'au bout de sa propre puissance. L'A. fait appel aux couples « circularité/globalité » (l'île est un résumé de l'univers et a vocation à embrasser la totalité) et aussi « isolement/distance », pour mettre finalement en valeur les notions clés de compensation et d'équilibre. Les Islandais ont compensé la restriction spatiale en créant un espace culturel et littéraire complet : « poignées d'hommes et de femmes circonscrits par force, mais ouverts sur l'infini [...] ». L'Islande a non seulement recueilli et conservé l'héritage culturel dispersé de la Germania, mais elle a su le replacer dans son équilibre, le remettre en ordre. Le miracle islandais serait-il d'abord un miracle insulaire ?


Un phénomène très proche de celui qui s'est passé en Irlande, vous ne trouvez pas ?
Indice : Et si le "miracle irlandais" était 'aussi' une concentration / sublimation des différentes facettes "des" traditions celtiques continentales...
Pas se bousculer hein ? :lol: