Du miel et du ciel
Pour en revenir à Dionysos, Denys ou Denis, il est bon de rappeler, même si c’est sans intérêt, que les habitants qui habitent les lieux-dits, tel St Denis dans le 93, s’appellent à juste titre les Dionysiens, ça alors…
Pas si dément tout de même, car sous couvert d’offrir l’amertume du fiel, ce taquin de Dionysos qui, avec son art consommé et incisif de rendre comique ce qui est tragique, ridicule ce qui est important, passait pour avoir fait don du miel, symbole qui adoucit les mœurs et rapproche les hommes vers le ciel.
Aussi l’endroit et le moment propice de prendre pour exemple et effectuer les louanges de ce bon prince dont toute la
press people celtic s’en est fait l’écho. La fête récente, à laquelle fut convié quelque 2000 convives, libres à eux de déambuler comme bon leur semble en état d’ébriété et même de dire quelques grossièretés, donnée par ce prodigue Luernos et sa fière équipe:
http://www.aremorica.com/?p=calendrier&&ssp=pleu
Ce Luernos/Lugernos (?) qu’on pourrait très facilement identifier, même déguisé en porte-lance
, par quelques menus détails à Dionysos/Cernunnos, et l’élever au rang de grand roi solaire des Armoriques. Les lauriers ne lui suffisant pas, alors d’un petit couplet chanté nous lui tresserons bien un poème :
résonnez donc tambours, sonnez carnyx et buccins…
Cette fête, de ce fait, n’est pas sans rappeler celle que nous retrouverons traits pour traits dans les écrits de Posidonios d’Apamée qui vécu vers 135-50 av JC et tels qu’ils ont été traduits par EDM Cougny :
Extraits des auteurs grecs concernant l’histoire et la géographie des Gaules, tome 1, Editions Errance, 1986 (Une œuvre de référence fondamentale pour tous ceux qui s’intéresse à la Gaule. Les textes des auteurs grecs décrivant la Gaule et les Gaulois ont été rassemblés et traduits par un des meilleurs hellénistes du XIXè siècle. Devenu introuvable, cet ouvrage est une mine d’informations sur les Celtes, nous dit le synopsis).
Et auxquels je m’empresse d'ores et déjà de la vitesse de tous mes petits doigts réunis de vous en livrer, mot pour mot, quelques passages des plus connus :
CHAUD DEVANT!
Nous allons le voir, les Celtes d’alors avaient du savoir-vivre, de l’appétit et savaient déjà se tenir à table. Et que les flatteurs (gens d’arts et des spectacles de l’époque) savaient vivre déjà fort habilement et bien largement au dépend de ceux qui les paient :
HISTOIRES. LIVRE XXIII. Les Celtes emmènent avec eux, même à la guerre, de ses commensaux qu’on appelle parasites. Ces parasites célèbrent les louanges de leurs patrons et devant des assemblées nombreuses et même devant quiconque veut bien en particulier leur prêter l’oreille. Ces personnages qui se font entendre ainsi sont ceux qu’on appelle Bardes; ce sont aussi les poètes qui dans leurs chants prononcent ces éloges.
…Voici les repas des Celtes: on étend du foin, et sur des tables de bois peu élevées au-dessus du sol. Pour nourriture, des pains en petit nombre et beaucoup de viandes [cuites] dans l’eau, rôties sur des charbons ou à la broche. Ces mets, on les porte à la bouche proprement, mais à la manière des lions, en prenant à deux mains des membres entiers et en mordant à même. Si un morceau est difficile à déchirer ainsi, on en enlève des tranches avec un couteau-poignard placé dans une gaine spéciale adhérente au fourreau [du sabre]. On mange aussi du poisson chez les riverains des fleuves et des deux mers, intérieure et extérieure, et ce poisson est grillé avec sel, poivre et cumin. On met aussi du cumin dans la boisson. L’huile n’est pas en usage; elle est rare, et, faute d’habitude, on la trouve désagréable.
Quand les convives sont nombreux, ils s’asseyent en cercle, et la place du milieu est au plus grand personnage, qui est comme le coryphée du chœur : c’est celui qui se distingue entre tous par son habileté à la guerre, par sa naissance ou par ses richesses. Près de lui s’assied celui qui reçoit, et, successivement de chaque côté, tous les autres, selon leur rang plus ou moins élevé. Les servants d’armes, – ceux qui portent les boucliers, – se tiennent derrière, et en face les
doryphores* ou porte-lance, assis en cercle comme les maîtres, mangent en même temps.
Ceux qui servent font circuler la boisson dans des vases qui ressemblent à nos
ambiques* et sont de terre ou d’argent : les plats sur lesquels se placent les mets sont du même genre; quelques-uns en ont en cuivre; chez d’autres, ce sont des corbeilles en bois ou en osier tressé. Ce qu’on boit chez les riches, c’est du vin apporté d’Italie ou du pays des Massaliètes, et on le boit pur; quelquefois pourtant on y mêle un peu d’eau; chez ceux qui sont un peu moins à l’aise, c’est de la bière de froment préparée avec du miel; chez le peuple, c’est de la bière toute simple, on l’appelle
corma. Ils avalent petit à petit, à la même coupe, et pas plus d’un
cyathe*, mais ils y reviennent souvent. L’esclave fait circuler de droite à gauche : c’est ainsi que se fait le service, et pour adorer les dieux on se tourne aussi à droite*.
Posidônios dit que] ce prince (Luernios, père de Bityite), pour gagner la faveur de la multitude, passant en char à travers les campagnes, jetait de l’or et de l’argent aux myriades de Celtes qui le suivaient. Il faisait parfois enclore un espace de douze stades carrés, avec des cuves remplies de boissons d’un grand prix, et une telle quantité de victuailles que, plusieurs jours durant, chacun pouvait librement entrer dans l’enceinte et user des mets qui y étaient préparés et qu’on servait à tout venant sans interruption.
Une fois que ce même prince avait donné un grand festin à un jour fixé d’avance, un poète de chez ces barbares était arrivé trop tard. Il alla au-devant de Luernios avec un chant où il célébrait sa grandeur; mais en gémissant du retard dont il portait la peine. Le prince amusé par ces vers, demanda une bourse d’or et la jeta au barde courant à coté [de son char]; lequel la ramassa et fit entendre un nouveau chant disant que les traces laissées sur la terre par le char du prince étaient des sillons qui portaient pour les hommes de l’or et des bienfaits.
* - Doryphore:
* - Ambique: espèce d’amphore.
* - 1 cyathe = lit. 0,45.
* - Pline, XXVIII, v, 2, dit le contraire : In
adorando dexteram ad osculum referimus, totumque corpus circum agimus; quod in laevum fecisse Galli religosius credunt. (voir fil sur Ouessant: une Isle Ancienne).
ejds