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Re: Alésia

MessagePosté: Mer 11 Juin, 2014 19:26
de Patrice
Salut,

Pour prendre un autre exemple de distorsion entre des sources écrites quasi-unanimes et des sources épigraphiques, j'ai noté dans mon tableau le cas de la cité des Silvanectes.
On a en effet: Silvanectes (textes latins) = Sulbanectes (inscription) = Ulmanectes (Pline) = Subanectes (Ptolémée).
Or la ville de Senlis dérive elle-même de la forme écrite latine (VIIe siècle: Sinletis), et non de la forme notée par l'inscription, ni des formes notées par les géographes (Pline et Ptolémée). Est-ce là un argument pour penser que la plaque de Martialise ne mentionne pas Alésia? Non. Car l'inscription portant la forme Sulbanectes a bien été découverte à Senlis.

Enfin, j'ai moi-même apporté récemment un argument majeur en faveur d'Alise-Sainte-Reine, avec cet article:
https://www.academia.edu/1951171/Ucueti ... e_en_Gaule
L'argument tient à la correspondance entre Ucuetis, à Alise, et le dieu irlandais Uchadan (*Ukatanos).
Les bronziers honorent à Alise un dieu nommé Ucuetis. Ces bronziers produisent des objets, l'un d'entre eux a eu pour propriétaire Pline. Ce même Pline indique que les bronziers d'Alesia sont les premiers à appliquer à chaud de l'argent sur des objets de bronze. Une technique massivement attesté à Alise, et nulle part ailleurs.
Or comme de fait exprès, selon les Annales des Quatre Maîtres, Uchadan, un artisan de Culann, fut le premier à travailler l'or. Ce fut par lui que les gobelets et les broches furent en premier couverts d'or et d'argent en Irlande.

Mais j'imagine que Danielle Porte ne connaît pas Uchadan?

A+

Patrice

Re: Alésia

MessagePosté: Mer 11 Juin, 2014 21:10
de Yann Gleek
C'est très très intéressant.
Ces corrélations constituent effectivement des indices potentiels en faveur d'Alise.
Mais tout cela reste encore très largement bâti sur des suppositions... s'appuyant elle-mêmes sur les suppositions des autres: je ne vous le reproche pas car c'est tout le travail de l'historien et de l'archéologue d’émettre des hypothèses à partir d'indices diffus.
Ainsi, par exemple, toute votre hypothèse est bâtie, entre autres, sur le postula que l'Alésia de César et celle de Pline sont un même oppidum. C'est possible... mais pas certains... guère plus que l'inverse.
César assiège l'Alésia des mandubiens mais ne pipe mot sur leur artisanat du bronze. Pline évoque les bronziers d'Alésia sans préciser s'il s'agit de l'oppidum des mandubiens. On peut certes établir une corrélation. Mais confondre corrélation et causalité est, dans certaines sciences, une erreur rédhibitoire... qu'on s'efforce de limiter en multipliant les expériences contradictoires.
L'archéologie peut difficilement se le permettre aussi les chercheurs doivent-ils conclure sur la base de peu de cas. Je suis tout de même toujours surpris de la quantité d'affirmations bâties sur des hypothèses personnelles pas toujours démontrables, lesquelles sont reprises par les uns ou les autres pour monter de nouvelles constructions hypothétiques... présentées comme des certitudes! Quelle honte y a-t-il a reconnaître qu'une hypothèse, bâtie sur des hypothèses demeure une simple hypothèse?
Pour moi, Alise est, archéologiquement, l'hypothèse fournissant le plus d'éléments à ce jour... mais, M. Reddé l'écrit lui-même, aucun ne constitue une preuve suffisante: on a donc des indices...dont beaucoup sont eux-mêmes bâtis sur des conjectures. Sur des indices, encore moins sur des indices issus de suppositions, on ne bâti pas une vérité scientifique certaine mais juste une conviction personnelle, juste une opinion.
Enfin, en tous cas, c'est mon opinion :wink:

Re: Alésia

MessagePosté: Mer 11 Juin, 2014 21:38
de Patrice
Salut,

Ainsi, par exemple, toute votre hypothèse est bâtie, entre autres, sur le postula que l'Alésia de César et celle de Pline sont un même oppidum. C'est possible... mais pas certains... guère plus que l'inverse.

Evidemment, si on multiplie les Alesia comme JC multipliait les poissons, on ne risque plus guère de progresser...

César assiège l'Alésia des mandubiens mais ne pipe mot sur leur artisanat du bronze. Pline évoque les bronziers d'Alésia sans préciser s'il s'agit de l'oppidum des mandubiens. On peut certes établir une corrélation. Mais confondre corrélation et causalité est, dans certaines sciences, une erreur rédhibitoire... qu'on s'efforce de limiter en multipliant les expériences contradictoires.

César rédige un rapport militaire. Son excursus ethnologique est au livre VI, et uniquement au livre VI. Jamais, par ailleurs, il ne mentionne les activités artisanales et économiques des oppidums qui prend. Sinon, sur le fait que Pline ne parle pas des Mandubiens, Diodore non plus. Ca ne l'empêche pas d'y coller la victoire de César, ainsi qu'un drôle de mythe sur Héraclès qu'on ne trouve nulle part ailleurs que chez lui...

Pour moi, Alise est, archéologiquement, l'hypothèse fournissant le plus d'éléments à ce jour... mais, M. Reddé l'écrit lui-même, aucun ne constitue une preuve suffisante: on a donc des indices...dont beaucoup sont eux-mêmes bâtis sur des conjectures.

En effet, il nous faudrait une jolie plaque en bronze marquée, en latin et en gaulois: "Ici, le vieux Jules a mis la pâté à Vercingétorix". En attendant, on se contentera en effet des masses de choses déjà découvertes à Alise et que nulle autre site ne donne. Et tant pis pour les complotistes.

A+

Patrice

Re: Alésia

MessagePosté: Mer 11 Juin, 2014 23:36
de Sedullos
lopi a écrit:Hello Sedullos
peux-tu développer un poil?


Salut, oui, je vais le faire d'ici la fin de semaine.

En attendant : les sources concernant l'armement sont dans cet ouvrage : http://jeanpaulbrethenoux.fr/site/wp-content/gallery/armesguerriersantiquite/alesiavol2reddeschurnbeinlt.jpg

Re: Alésia

MessagePosté: Jeu 12 Juin, 2014 9:39
de lopi
Merci Patrice pour cet article sur le dieu bronzier!!

Re: Alésia

MessagePosté: Jeu 12 Juin, 2014 13:54
de Yann Gleek
lopi a écrit:Merci Patrice pour cet article sur le dieu bronzier!!


Je plussois: l'article est vraiment très intéressant, merci pour le partage

Re: Alésia

MessagePosté: Jeu 12 Juin, 2014 15:31
de André-Yves Bourgès
Patrice a écrit:Evidemment, si on multiplie les Alesia comme JC multipliait les poissons, on ne risque plus guère de progresser...


Bonjour Patrice,

Mais il faut bien admettre l'hypothèse de la présence en Gaule à l'époque de la rédaction du DBG de différents lieux désignés Alesia, toponyme prononcé tantôt avec un e long, dont les correspondants actuels sont plutôt à chercher du côté des formes du type Aloise/Alaise (racine *lesa, «escarpement»), tantôt avec un e bref, dont le nom actuel d'Alise incarne le prototype (racine *alis, «cours d’eau» qui est à l'origine de nombreux hydronymes. Cf. la source consacrée à Alise-Sainte-Reine).

En l'état actuel de la question, il faut reconnaître que le dossier archéologique d'Alise-Sainte-Rennes est bien documenté, surtout à partir du Ier siècle ; mais cela n'exclut pas a priori l'intérêt que peuvent présenter d'autres sites, en dehors de toute polémique sur la localisation d'Alesia.

Pour s'en tenir aux aspects philologiques, Heiric d'Auxerre qui donc désigne Alise sous le nom d'Alesia transcrit ce dernier nom avec un e long, forme qu'il a empruntée à la tradition littéraire, mais qui ne correspond pas à Alisi(i)a. La littérature hagiographique fourmille de chausse-trappes historiographiques.

Bien à toi,

Re: Alésia

MessagePosté: Jeu 12 Juin, 2014 16:58
de Patrice
Bonjour André-Yves,

Je ne peux qu'approuver tes remarques. Il y a bien sûr plusieurs toponymes du même nom, c'est une évidence (et d'ailleurs je préfère le faire dériver du nom de l'alisier). Mais combien était des oppidums?
Sinon, il me semble que c'est Heiric d'Auxerre lui-même qui a "redécouvert" le DBG: rien d'anormal donc à ce qu'il lui ait emprunté le nom d'Alesia.

Amicalement,

Patrice

Re: Alésia

MessagePosté: Jeu 12 Juin, 2014 21:18
de DT
Salut à tous,
Un petit essai
Et de plus j'ai toujours eu un drôle d'humour :
Image
A+

Re: Alésia

MessagePosté: Jeu 12 Juin, 2014 23:03
de Sedullos
Salut,
Pour l'anecdote, un ouvrage récent sur les éditions de César à la Renaissance : Jules César à la conquête des éditions parisiennes et vénitiennes

Re: Alésia

MessagePosté: Ven 13 Juin, 2014 14:14
de Gwalchafed
Moi j'ai du mal à comprendre l'évolution linguistique d'Alesia en Chaux :D C'est un a court ou un au long ??? :s49:

Re: Alésia

MessagePosté: Ven 13 Juin, 2014 14:47
de Alexandre
Je ne sais pas où tu as lu ça, mais je suppose que l'idée est que Chaux (de *calc- = pierre, comme dans latin calx) serait la traduction romane du gaulois alesia = rocher.

Re: Alésia

MessagePosté: Sam 14 Juin, 2014 22:17
de Sedullos
Salut à tous,

L'ouvrage scientifique qui fait autorité sur Alésia, Alise-Sainte-Reine, est le suivant :

Alésia2lematériellight.jpg


Tome XXII.Alésia.Fouilles et recherches franco-allemandes sur les travaux militaires romains autour du Mont-Auxois (1991- 1997) sous la direction de REDDÉ (M.) et SCHNURBEIN (S.von).Ouvrage en 3 vol.: 1-Les fouilles XVI-576 p.,298 fig 22 pl.h.t.dont 3 en coul.,1 CD Rom. 2-Le matériel 390 p.,25 fig.,116 pl. 3-pochette contenant 19 pl.en dépliant,2001.

La question de l'armement et du matériel militaire est traitée dans le volume 2. Le matériel, par deux articles :

- Les armes d'Alésia par Susanne Sievers, p. 121-209.
- Catalogue des armes par Susanne Sievers avec la collaboration de Véronique Brouquier-Reddé et Alain Deyber, p. 211-291, ce catalogue inclut des planches, de la planche 40 à 98.
Les armes étudiées et/ou mentionnées sont des : casques, éléments de boucliers, épées, fourreaux, poignard romain (pugio), lances, javelots, pila, pointes de flèches, de traits de catapultes, boulets de baliste, balles de fronde avec inscription, stimuli (pièges).

L'article inclut une étude des sources, du matériel et des comparaisons avec les sites de Port, Wederath, Osuna et des armes de la Saône.
S. Sievers discute de la question des attributions : armes celtiques , romaines, germaniques ? Pour certaines, la réponse est claire : les pila, les balles de fronde en plomb sont romains, un certain type d'umbo pourrait être germanique. Pour les flèches, l'attribution semble plus difficile gauloise ou romaine. Depuis Matthieu Poux dans sa synthèse de Sur les traces de César, penche pour une attribution aux auxiliaires romains, de même qu'il a contesté l'hypothèse de Sievers sur le remploi d'armes de chasse dans le cas des fers de lances à ricasseau.
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Venons-en aux épées.
S. Sievers écrit page 147 : "Sur les 31 épées mentionnées par les documents du 19e siècle, une quinzaine seulement sont dans un état de conservation suffisant pour permettre un examen précis.
C'est frustrant mais c'est surtout honnête. En gros, il s'agit d'épées gauloises de La Tène finale (D1), avec des lames d'une longueur variant entre 70 et 85 cm.
Deux au moins posent problème : si la première, 132, inventaire 10060+10061 (fourreau), planche 47, découverte dans la plaine des Laumes, est datable de La Tène C2 , la seconde, 135, pas de numéro d'inventaire, pl. 48 est datable de La Tène B2 ce qui en fait une arme beaucoup trop ancienne pour l'horizon d'Alésia. Sievers n'exclut pas un objet provenant d'autres sites, mélangé au matériel d'Alésia, au 19e siècle.
Sievers conclut sur les épées, p. 150 : "Celle-ci [132] montre néanmoins que des armes anciennes ont été encore utilisées en 52 av. J.-C."

Ce type de conclusion me convient, me convainc, malheureux que je suis.

Re: Alésia

MessagePosté: Sam 14 Juin, 2014 23:05
de Sedullos
Mais il ne convient pas à madame Danielle Porte.

Alésia, la supercherie dévoilée sous la direction de Danielle Porte, présentation de Franck Ferrand, Pygmalion, 2014, 425 p.
Dans le chapitre Fouilleurs du sol, fouilleurs du texte, au sous chapitre Le mystère des pila, Danielle Porte écrit page 127 :

"Pour les temps napoléoniens, admettons les ignorances. Mais, un siècle et demi après eux, l'aventure se reproduit à l'identique1. [(1) Voir Sievers, Rapport de fouilles..., p. 124)]. L'unique (!) épée dont on connaisse la provenance découverte, avec son fourreau, dans la plaine des Laumes fut datée de La Tène moyenne (entre 320 et 260 av. J.-C.), selon les critères de la typologie. Elle remonte donc bien plus loin dans le temps que le siège d'Alésia.
Il est impossible de rajeunir ce type d'arme. Mais elle a été trouvée autour d'Alise : c'est qu'elle a servi en 52 avant. J.-C. Il nous faut donc imaginer qu'un Gaulois contemporain de César décrocha du mur en bois de sa hutte l'épée de son arrière-arrière-arrière-arrière*-grand père afin de pourfendre l'envahisseur."


L'épée en question, c'est l'épée, 132, dont j'ai parlé plus haut, que S. Sievers date de La Tène C2, (de 220 à 100 av. J.-C.).
Sievers prend en considération une quinzaine d'épées. Il y a une marge de 15 (Sievers) à 1 (Porte), me semble-t-il.

*J'avais oublié un arrière, toutes mes excuses. :?

Re: Alésia

MessagePosté: Sam 14 Juin, 2014 23:22
de Sedullos
Mais laissons Danielle Porte nous entretenir page 127 des épées et de la chronologie. :s44:

"Les épées ibériques, avec leurs lames longues de 0,60 mètre et non du 0,40 mètre que postule le modèle romain habituel, sont typiques de celles qu'a décrites Végèce pour l'armement en usage sous les Flaviens, au IIIe siècle après J.-C. Mais l’entêtement n'a pas de limites."

Végèce ayant vécu au IVe et Ve siècles après J.-C., aucune virgule mal placée ne saurait justifier les Flaviens au IIIe siècle après J.C. :oops: