IX [1] Les consuls romains, avant de marcher au combat, sacrifièrent. L'haruspice, dit-on, fit voir à Decius que, dans la partie familière, la tête du foie était mutilée: la victime d'ailleurs était agréable aux dieux. Le sacrifice de Manlius avait réussi. "Je suis content, dit Decius, puisque mon collègue est bien avec les dieux." [2] Les troupes disposées comme on l'a dit plus haut, on s'avança au combat. Manlius commandait l'aile droite, Decius la gauche. [3] D'abord, à forces égales de part et d'autre, l'action se soutint avec même ardeur. Bientôt, à l'aile gauche, les hastats romains, ne supportant plus le choc des Latins, se replièrent sur les principes. [4] Dans ce trouble, le consul Decius appelle à haute voix M. Valerius: "Il nous faut ici l'aide des dieux, Valerius. Allons, pontife suprême du peuple romain, dicte- moi les paroles dont je dois me servir en me dévouant pour les légions.» [5] Le pontife lui ordonna de prendre la toge prétexte, et, la tête voilée, une main ramenée sous la toge jusqu'au menton, debout et les pieds sur un javelot, de dire: [6] "Janus, Jupiter, Mars père, Quirinus, Bellone, Lares, dieux Novensiles, dieux Indigètes, dieux qui avez pouvoir sur nous et l'ennemi, dieux Mânes, [7] je vous prie, vous supplie, vous demande en grâce, et j'y compte, d'accorder heureusement au peuple romain des Quirites force et victoire, et de frapper les ennemis du peuple romain des Quirites de terreur, d'épouvante et de mort. [8] Ainsi que je le déclare par ces paroles, oui, pour la république des Quirites, pour l'armée, les légions, les auxiliaires du peuple romain des Quirites, je me dévoue, et avec moi les légions et les auxiliaires de l'ennemi. aux dieux Mânes et à la Terre." [9] Après cette prière, il donne ordre à ses licteurs de se retirer près de T. Manlius, et de lui annoncer sans délai que son collègue s'est dévoué pour l'armée. Lui, ceint à la façon de Gabies, il saute tout armé sur son cheval, et se jette au milieu des ennemis. [10] Il apparut un instant aux deux armées revêtu d'une majesté plus qu'humaine, comme un envoyé du ciel pour expier tout le courroux des dieux, pour détourner de sa patrie les revers et les reporter sur l'ennemi. [11] Aussi la crainte et l'épouvante passant avec lui dans l'armée latine, troublèrent d'abord les enseignes, et pénétrèrent bientôt par tous les rangs. [12] On put aisément remarquer que, partout où l'entraînait son cheval, l'ennemi, comme atteint par un astre malfaisant, demeurait saisi d'effroi. Enfin quand, accablé de traits, il tomba mort, les cohortes latines évidemment consternées prirent la fuite et disparurent au loin dans la plaine. [13] En même temps les Romains, affranchis de leurs terreurs religieuses, s'élancent comme au premier signal du combat, et recommencent une lutte nouvelle. [14] Les "rorarii", accourus dans les rangs des "antepilani", ajoutaient aux forces des hastats et des principes; et les triaires, le genou droit en terre, n'attendaient pour se lever qu'un signe du consul.