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Britannia, the Failed State - fiche de lecture

MessagePosté: Lun 09 Mar, 2009 0:20
de Agraes
J'ai enfin pris le temps de rédiger une fiche de lecture consacrée à cet excellent ouvrage (auquel je faisais référence dans certains de mes derniers messages), qui apporte son lot de théories intéressantes même si l'on peut trouver à y redire pour certaines.

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Britannia, the Failed State
Tribal Conflicts and the End of Roman Britain
Stuart Laycock, 2008.

Fiche de Lecture par Benjamin Franckaert - Mars 2009

Index
Introduction
1. The Tribes
2. The First of Rome
3. 60-61
4. 155-211
5. 367-369
6. The Last of Rome
7. The First of the Anglo-Saxons
8. The First of the English
Conclusion
Notes
Bibliography

Plutôt que d'analyser l'histoire de la Grande-Bretagne romaine de manière classique, Stuart Laycock la présente d'une manière très audacieuse, en suivant ce qu'il appelle le "scénario bosniaque". Malgré 300 ans de paix romaine supposée, les vieilles inimités entre tribus bretonnes qui existaient avant la conquête sont demeurés vivaces, et ont même été entretenues sous l'empire. Ce sont ces conflits qui ont motivés les interventions de Rome, puis les grands soubresauts de l'histoire de la Britannia après la conquête, l'éclatement du diocèse après le départ des Romains vers 400, l'implantation des Saxons et pour finir la création des royaumes post-romains, vieilles résurgences des peuples de l'âge du fer. L'auteur fait donc l'analogie avec ce qui a pu se passé il y a quelques années en Bosnie et plus récemment en Irak : des peuples rivaux, placés sous une même autorité et entité politique, et à la disparition de celle-ci un éclatement des structures étatiques dégénérant en conflits. On est bien loin de la vision traditionnelle de l'histoire de la Grande-Bretagne, avec des guerres de grande envergure opposant les Bretons aux envahisseurs romains ou germaniques - une vision conditionnée en partie par les conflits qui marquent le plus notre mémoire d'hommes du XXIe siècle, à savoir les deux guerres mondiales du siècle dernier. Le "scénario bosniaque" s'est appliqué à de nombreux autres peuples, ayant cohabité parfois pendant plusieurs siècles comme les peuplades des Balkans sous l'empire Ottoman, et n'est donc pas incohérent si appliqué à la Britannia. La conception d'une "identité brittonique" n'est pas non plus incohérente dans un tel scénario, on se rappellera les guerres sans fin entre cités grecques, se reconnaissant bien les unes et les autres comme "Hellènes".

Voici donc un résumé des idées directrices du livre, chapitre par chapitre.

Les Tribus
Avant la conquête romaine, les noms d'une partie des tribus de Grande-Bretagne nous sont connus grâce à Ptolémée. La répartition de leurs monnaies permet, pour une partie d'entre elles de préciser les limites de leurs territoires, se chevauchant fréquemment et évoquant les échanges, mais aussi potentiellement des zones géographiques disputées. On notera au passage les contacts déjà soutenus entre peuplades du sud-ouest de l'île, Durotriges et surtout Dumnonii, et les Armoricains occidentaux sur le continent, avec dès cette époque de probables migrations d'une rive à l'autre de la Manche. Quant aux peuples, les derniers arrivés sur l'île sont les Belges, dont les Atrébates et leur roi Commios. C'est la menace que représente le roi Cassivellaunus, des Catuvellauni, envers ses voisins comme les Trinovantes et les Icènes qui motivera en partie l'intervention de César en 55 avant JC, intervention qui se soldera par un retrait rapide. L'expansion des Catuvellauni, avec l'union ou l'annexion du territoire des Trinovantes se poursuit, notamment sous les chefs Cunobelin et Tasciovanus, avec des opposants demandant l'aide des empereurs Auguste, Caligula puis enfin Claude. Le soutien de tribus bretonnes comme celle des Atrébates expliquerait le succès de l'invasion de 43, en fait une intervention dans les affaires entre tribus bretonnes contre le quasi impérialisme menaçant des Catuvellauni, ces derniers se soumettant d'ailleurs sans trop de problème après la mort ou la fuite de leurs chefs.

La révolte de 60-61
Les années 50 voient la pacification des peuples de l'actuel Pays de Galles, et une relative paix par la suite. Mais en 60, la nouvelle province connaît un événement majeur, la révolte de Boudicca, reine des Iceni. Tacite est la principale source sur l'affaire, et il a largement contribué à la perception que nous avons de la souveraine icène, se soulevant contre le joug cruel de Rome, héroïne guerrière qui n'hésitera pas à saccager Londinium, Verulamium et Camulodunum. Mais s'agît il d'un réel mouvement offensif contre l'autorité romaine ? Stuart Laycock fait ici remarquer que ce ne sont pas directement les intérêts de Rome (comme ses forces militaires) qui sont attaqués par les Icènes, mais bien trois villes situées dans le territoire de leurs ennemis ancestraux, la confédération des Catuvellauni et Trinovantes, ce qui semble confirmé par l'archéologie. On est loin d'un soulèvement national majeur comme d'aucuns ont voulu le croire, mais bel et bien encore face à un conflit tribal entre Bretons. Les Romains interviennent pour aider les Catuvellauni, devenus de fidèles partenaires, et des camps semblent avoir été installés par la suite pour surveiller les limites du territoire des Iceni. Les années qui suivent voient l'attribution du statut de civitas à certains peuples bretons, et certaines limites territoriales sont redessinées favorisant les alliés de Rome. Ainsi l'Atrébate Togidubnus se voit confié le contrôle des cités des Atrébates, des Regni et celle des Belgae (crée par les autorités romaines) augmentée de la partie est de celle des Dobunni, ce qui aura des conséquences insoupçonnées à très long terme. On remarque aussi la tendance chez les Bretons, partout dans l'empire, à se désigner comme issu de telle ou telle tribu, et les cultes voués à telle dynastie ou telle divinité variant d'un peuple à l'autre.

Les événements de 155-211
La fin du Ier siècle et le début du IIe voit l'expansion romaine vers le nord, chez les Brigantes, puis la stabilisation de la frontière en 122 avec la construction du mur d'Hadrien, sur la ligne Tyne-Solway. Le problème est que cette ligne de défense coupe le territoire brigante en deux, s'attirant l'hostilité des autochtones. Les Brigantes sont restés hors de l'influence de Rome, au contraire total des Bretons du sud, et il est possible que le vallum ou fossé établi en retrait du mur soit un ouvrage défensif contre les autochtones. Une solution temporaire surviendra sous Antonin avec la construction du mur éponyme entre Forth et Clyde, incluant l'intégralité du territoire brigante et les voisins nordiques dans l'empire vers 142. La nouvelle frontière ne persiste cependant pas très longtemps, et dès 158 le mur d'Hadrien est remis en garnison, ainsi que de nombreux forts dans tout le Peak District, en territoire brigante. Les sources historiques mentionnent plusieurs attaques de Bretons et une situation de crise armée entre 161 et 206, restant peu précises mais mentionnant déjà une offensive des Brigantes en 155. Les événements semblent cependant avoir largement dépassé leur territoire. L'archéologie apporte à nouveau davantage de précisions. Des fortifications sont érigées autour des villes du centre et de l'est de l'actuelle Angleterre à la fin du IIe et au début du IIIe siècle, un phénomène bien propre à la Britannia pour la période. Il est intéressant de noter que les villes se dotant de murs se trouvent souvent loin du centre des civitates, près des frontières, et ne sont pas nécessairement les plus grosses, il s'agît sans doute d'ouvrages de défense, pourtant loin d'être des zones supposées être militarisées à l'époque. On rencontre aussi pour la fin du IIe siècle de nombreuses traces d'incendie le long des bordures occidentales et septentrionales du territoire des Catuvellauni, et de nombreux enfouissements monétaires témoignant d'un certain état de crise. Les attaques ne semblent pas être venues seulement des Brigantes, mais aussi des Iceni et des Dobunni.
On retrouve aussi associées aux fortifications des fibules militaires, qui ont éventuellement pu appartenir à des milices urbaines plutôt qu'à des soldats de l'armée régulière. Au IIIe siècle, on note la désaffection de nombreux châtelets du mur d'Hadrien, la frontière devenant peut-être plus poreuse ce qui est possiblement lié aux liens tissés entre garnisons et locaux. Quant aux premiers forts du littoral saxon, peut-être furent ils construits davantage pour contrôler une menace interne (les Iceni) qu'externe, vu l'absence totale de preuve d'un péril saxon au début du IIIe siècle.

La crise de 367-369
Le IIIe siècle voit l'apparition des Pictes dans les sources romaines. Il est possible que les Brigantes aient aussi été considérés comme tels, en tout cas des forts sont établis dans le sud des Penines en limite de leur territoire à l'époque de l'expédition de Constance Chlore, à fin du IIIe siècle.
En 367 survient d'après le témoignage d'Ammien Marcellin la fameuse barbarica conspiratio à propos de laquelle on aura beaucoup écrit. La Britannia aurait été ravagée par les Pictes et les Irlandais, ses cadres militaires tués ou faits prisonniers. L'intervention du comte Théodose rétablit la situation, et celui-ci restaure les fortifications de l'île. Cependant le manque de données archéologiques correspondant à cette crise a fait réfléchir quant à sa réalité. On retrouve quant même dans le centre du sud de l'Angleterre actuelle des enfouissements monétaires importants correspondant à ces années, témoignant bien d'un chaos généralisé dans la région et d'une dévalorisation monétaire. Théodose est décrit combattant des bandes de pillards près de Londres, il est possible qu'il s'agisse bien de Pictes et de Scots, mais on peut tout à fait supposer des raids brigantes, voire provenant de civitates voisines. Ammien mentionne tout de même un trouble interne, une rébellion motivée par un certain Valentin, haut-fonctionnaire impérial en exil dans le diocèse.
Les preuves archéologiques des conséquences des événements de 367-369 semblent bien plus nombreuses. On retrouve de nombreuses boucles de ceinture militaire datant de la fin du IVe en Britannia, productions locales dérivées d'un style probablement importée par les soldats de Théodose. Ces pièces de bouclerie sont présents en trop grande quantité pour qu'elles aient été restreintes aux fonctionnaires civils romains, et sont parfois associés à des couteaux militaires. Les styles des boucles sont propres à chaque civitas, têtes de chevaux et plaques à motifs abstraits pour les Dobunni, têtes humaines chez les Iceni, oiseaux chez les Corieltauvi et ont donc eu pu être un symbole de reconnaissance de milices locales, plutôt que des pièces équipant systématiquement l'armée régulière. Les variations à l'intérieur d'un même style font en effet penser davantage à une production locale à l'échelon artisanal plutôt qu'à une fabrication de masse dans des usines d'état. Quelques exemplaires sont retrouvés sur le continent, associés au passage des armées bretonnes de Maximus et Constantin III, et les dédicaces tribales du mur d'Hadrien au IVe siècles tendent à faire penser que ces milices épaulèrent l'armée régulière romaine. Le fait que l'on manque de preuves archéologiques quant au renforcement des fortifications britanniques avec l'intervention de Théodose doit nous faire penser à une autre forme de réorganisation des défenses. Le comte est peut-être celui qui a réarmer les civitates bretonnes, leur permettant de se défendre plus efficacement contre les périls extérieurs, Gildas mentionne d'ailleurs les Romains réarmant les Bretons dans son De Excidio Britanniae au VIe siècle. Mais les conséquences de ce réarmement n'étaient pas toutes envisagées.

Le départ des Romains
En 410, le rescrit d'Honorius aurait autorisé les Bretons à s'armer pour assurer leur propre défense. Si la lettre est bien adressée aux Bretons elle s'inscrit dans la continuité d'une politique d'auto-défense démarrée bien avant. Pour la même année Zosime évoque les cités de Britannia chassant l'administration romaine et les Bretons s'armant pour libérer leur pays des barbares. Les dernières décennies du IVe siècle et le début du Ve voient le déclin du commerce et de différentes industries dont celle des céramiques en Britannia. Si on ne peut pas rejeter la réalité d'une menace allogène, de raids barbares sur l'ancien diocèse, les causes du malaise sont encore plus profondes. Avec l'effondrement du pouvoir central, les vieux conflits tribaux se sont probablement à nouveau réactivés. L'archéologie, via les enfouissements monétaires, les incendies notamment de villae, la répartition de bouclerie spécifique et la construction d'ouvrages défensifs tels que le Wansdyke fournit des preuves des dissensions entre civitates. Ainsi la civitas des Belgae, crée par Rome à partir d'une partie des territoires dobunni et atrébate éclate, les deux tribus entrant en conflit, avec un effet direct sur la prospérité d'une des régions les plus riches de l'île. Les Dobunni semblent l'avoir emporté, récupérant l'intégralité de leur ancien territoire, mais les Durotriges au sud semblent en avoir profité pour gagner du terrain - c'est le Wansdyke qui marquera la frontière entre les deux civitates, avec des différences culturelles claires de part et d'autre. D'autres indices permettent d'avancer des hypothèses quant à d'autres conflits, entre Atrébates et Catuvellauni ; dans les Fenlands, confins entre territoires icènes, catuvellauni et corieltauvi, où encore là où se rencontrent ceux des Brigantes, Corieltauvi et Catuvellauni. Les arguments sont très nombreux, et ne seront pas détaillés dans ce résumé. Plus à l'ouest, Kenneth Dark a mis en évidence des modifications territoriales certes plus tardivement, et Gildas nous renseigne bien sur les conflits entre royaumes bretons du VIe siècle. On peut tout à fait transposer ces guerres intestines au début du Ve siècle.
Le chaos qui s'ensuit permet de rendre compte de la crise économique majeure du début du Ve siècle. Les voies commerciales sont coupées, les monnaies perdent leur valeur et on n'ira pas récupérer les enfouissements, les industries céramiques et autres s'effondrent. La présence de terre noire dans les villes (dark earth) peut s'expliquer par la construction hâtive de bâtiments de terre et de bois destinés à abriter des flots de réfugiés. Des villae présente des traces de "squattage". Ces types d'occupation sont provisoires, et c'est là qu'il faut peut-être réinterpréter le caractère anglo-saxon de villages de la période, malgré leur peu de caractères communs avec ceux du continent, comme étant occupés par une population bretonne revenue à une vie rurale.
L'analogie avec ce qui s'est passé à la dislocation de la Yougoslavie est flagrante, si l'on consent à suivre ce "scénario bosniaque" qui semble bien expliquer le devenir de la Britannia au Ve siècle. Quoi qu'il en soit, les dirigeants des civitates bretonnes avaient à faire face à de sérieux problèmes, et une solution s'ouvrait à eux, faire intervenir de nouveaux acteurs comme ce fut le cas avant la conquête romaine.

Les premiers Anglo-saxons
Malgré quelques mentions dans les sources dès le IVe siècle, les Saxons ne semblent pas avoir été un péril majeur pour la Britannia à l'époque. Le rôle du Litus Saxonicum a été d'ailleurs révisé depuis quelques années. Le témoignage de St Gildas constituerait notre principale source sur l'arrivée des premiers Saxons dans l'île, dans les années 440-450, invités comme foederati dans le Kent pour se rebeller et subjuguer leurs anciens employeurs... Or il semblerait que dès 425-450 des implantations anglo-saxonnes existaient en territoire catuvellauni. Le récit de Gildas, de l'invitation des Germains par un Superbus tyrannus se rapporterait à l'arrivée d'un autre groupe, qui auraient fini par prendre le pouvoir sur place. Un processus identique a pu avoir lieu dans d'autres civitates sans que les Saxons ne se révoltent. Ceci explique notamment la présence de groupes anglo-saxons très à l'intérieur des terres, à Dorchester on Thames, peu de temps après leur arrivée. Ces groupes autour de Dorchester sont d'ailleurs parfaitement placés pour défendre le territoire catuvellauni des incursions des Dobunni. Ici et ailleurs, l'archéologie montre une image de continuité entre établissements britto-romains et anglo-saxons, ou des implantations bien trop proches pour qu'elles se soient faîtes dans un cadre d'hostilités, comme à Mucking ou West Stow ailleurs le long des frontières des Catuvellauni. Un tel processus s'inscrit dans la continuité de l'histoire britannique, c'est ainsi que les Romains sont arrivés et c'est probablement en de telles circonstances que se fit l'installation des dernières tribus celtiques de l'île. Il s'inscrit aussi dans la politique romaine d'engager des foederati barbares pour assurer la défense de l'empire. Certains cimetières saxons ont d'ailleurs révélés des boucles britto-romaines, preuve probable de l'engagement militaire des nouveaux venus. Des implantations de même nature, le long des limites des civitates et près des points stratégiques se retrouvent chez les Corieltauvi ou à Winchester.
La chronique anglo-saxonne est un document difficile qui a été beaucoup décrié, datant du Xe siècle et élaboré pour la propagande des rois du Wessex. L'arrivée des Anglo-saxons y est présentée comme une conquête violente, avec des récits quasi-mythiques, mais tout n'est peut-être pas à rejeter. Les batailles présentées sont loin d'être des campagnes linéaires d'expansion à l'intérieur des terres tels que pourraient l'être des récits inventés de toute pièce, mais sont livrées dans des régions périphériques ou loin dans les terres, près des frontières de civitates et des implantations anglo-saxonnes révélées par l'archéologie justement. Il est bon de réexaminer quelques cas de figures présentés par cette source, par Gildas ou encore dans l'Historia Brittonum galloise.
L'arrivée des Saxons dans le Kent aurait eu lieu pour se défendre des "nations nordiques" nous dit Gildas, et on pense inévitablement aux Pictes dont parle beaucoup l'auteur comme l'une des menaces principales pesant sur l'île. Le Kent est pourtant loin d'être la région la plus stratégique pour lutter contre les Pictes. Les ennemis "nordiques" les plus proches, ce sont les Catuvellauni... Et leurs alliés germaniques. L'implantation saxonne dans le Kent semble aussi s'être faite près de la frontière avec la civitas voisine, et les victoires attribuées à Hengist, chef légendaire des Jutes du Kent, par la chronique anglo-saxonne ont précisément eu lieu en territoire catuvellauni. Quant à la prise de pouvoir des nouveaux venus, peut-être s'est elle faîte de manière assez pacifique. L'archéologie montre une continuité entre les Cantii et les implantations germaniques du Kent, et une certaine fusion culturelle. Le cas de figure du Sussex d'Aelle, chez les Regni, est quelque peu similaire quant à la localisation de ses batailles et à la réalité de la colonisation saxonne sur place.
Vient le cas du Wessex, avec là encore l'absence de solution de continuité mais au contraire une fusion culturelle progressive entre établissements bretons et saxons dans la civitas des Atrébates. Des installations germaniques sont situées aux points stratégiques pour repousser Dobunni ou Durotriges, et les combats livrés par les célèbres premiers "rois" du Wessex, Cerdic et Cynric - aux noms étrangement bretons - peuvent toujours s'expliquer par la même optique.
Enfin, on remarquera l'arrivée d'un nouveau type de boucle en Britannia au début du Ve siècle, avec des modèles très similaires à ceux du continent et retrouvés fréquemment en contexte anglo-saxon. Il s'agit des boucles romaines à têtes de dragons, peut-être la preuve d'un antécédent de contact avec l'armée romaine des fédérés anglo-saxons, et de leur connaissance d'un tel statut au service de peuples romanisés.

Les premiers Anglais
Kenneth Dark a bien démontré comment les civitates de l'ouest de la Bretagne insulaire se sont transformées en royaumes, avec au passage certaines se fragmentant en plusieurs entités, sans doute à l'origine déjà des sous-divisions territoriales, en cela l'archéologie nous fournit des indices pour l'est.
Gildas nous décrit les ravages des Saxons au Ve siècle comme un véritable fléau divin, et les réfugiés traversant en masse la Manche vers des terres plus accueillantes, une telle vue doit être relativisée. Certains analysent toujours l'arrivée des Anglo-saxons comme une immigration de très grande échelle, supplantant la population locale, par massacres, déplacement ou ségrégation ethnique. Le changement de langue dans ce qui deviendra l'Angleterre peut s'expliquer par une occupation anglo-saxonne plus ancienne qu'ailleurs, et une perte de prestige du latin au niveau local. Les récentes analyses génétiques qui tendent à prouver un apport germanique majeur au Ve siècle sont à temporiser, elles n'ont en effet ni pris en compte l'arrivée ultérieure des Danois, ni celle des Belges avant la conquête, deux peuples proches au niveau génétique des Saxons et Angles continentaux, et encore moins la part des origines communes aux temps préhistoriques entre l'est de la Grande-Bretagne et les régions bordant la mer du Nord. Quant à l'adoption de la culture anglo-saxonne, elle peut s'expliquer par la baisse de popularité de la culture romaine et la perte des référentiels romains, et elle est aussi une culture qui s'adaptait sans doute mieux aux besoins locaux des populations des Ve et VIe siècles. Qui plus est, il ne faut pas éluder les similitudes entre cultures anglo-saxonne et bretonne, avec par exemple le développement de fibules saxonnes basées sur des modèles britto-romains, des conditions de vie modeste semblables à celles des Germains pour de nombreux Bretons, ou encore l'éventuelle persistance d'un paganisme breton suggéré par l'archéologie et là des similitudes entre panthéons britto-romain et anglo-saxon.
Le Tribal Hidage, document élaboré au VIIe ou VIIIe siècle, liste l'ensemble des petites entités anglo-saxonnes de l'île. On avance souvent que la construction des royaumes anglo-saxons s'est faîte par regroupement de ces petites entités. Cependant la plupart de ces royaumes existaient dès la fin du VIe siècle, ce qui laisse seulement 150 pour qu'ils aient pu se construire en réunissant de si petites unités territoriales. Les royaumes reprennent souvent de près, en partie au moins les limites des civitates britto-romaines, et il est beaucoup plus logique de les envisager comme à l'ouest comme les successeurs de ces civitates. On retrouve aussi un cas de figure approchant en Gaule, où les anciennes civitates se retrouvent dans la démarcation des évêchés, avec au passage les villes reprenant souvent le nom de l'ancienne tribu gauloise en abandonnant leur nom romain. Il ne s'agît pas de remettre en question l'arrivée d'un nombre significatif d'Anglo-saxons en Britannia, mais de souligner l'importance de leur collaboration avec les Bretons dans la transformation politique et culturelle des civitates en royaumes anglo-saxons. Les anciennes tribus ont traversé les temps romains, et de la même manière elles ont pu survivre à l'implantation anglo-saxonne, pour mieux repartir sur les conflits tribaux de l'âge du fer. Il est temps d'examiner certaines de ces transitions.
Le Kent - qui conserve son nom breton d'après la civitas des Cantii - a peut-être vu un coup d'état de la part des chefs saxons, et l'identité jute des nouveaux venus semble attestée. Il ne faut pas oublier l'influence franque avec peut-être - comme avant la conquête romaine - un contrôle politique de la région par des souverains continentaux. Des conflits semblent avoir eu lieu avec le Wessex et les Regni, comme il y en eu avec les Atrébates par le passé. Le Wessex finira d'ailleurs par en prendre le contrôle.
Les premières batailles de Cerdic dans la chronique anglo-saxonne peuvent se rapporter à des combats livrés dans le Hampshire, une région avec des établissements jutes attestés archéologiquement et par la toponymie locale, et donc peut-être à une prise de pouvoir des Gaewissae sur ces Jutes. Salisbury aurait été le centre du futur royaume du Wessex, continuant la civitas des Atrébates. Des offensives victorieuses sont menées contre les voisins, avec si l'on se fie à la chronique anglo-saxonne une victoire à Dyrham en 577 contre les Dobunni et en 571 en territoire Catuvellauni à Bedcanford.
Les Catuvellauni sont un cas de figure à part. On a vu la précocité et l'importance de l'implantation germanique sur leur territoire, et le Ve siècle semble leur avoir réussi. Pourquoi alors une entité anglo-saxonne unique ne leur a pas succédé ? Le facteur déclenchant semble avoir été la défaite de Bedcanford, ainsi que des différences culturelles entre une partie des auxiliaires germaniques des Catuvellauni, plutôt angles au nord et saxons au sud. Ceci résultant en la création de différentes unités politiques, à savoir le Middlesex, la Middle Anglia, le Surrey et l'Essex, avec pour ce dernier un "relais" assez tardif entre autorités bretonnes et saxonnes.
La transition entre les Iceni et l'East Anglia est assez évidente, mais on note la probable arrivée d'une nouvelle dynastie différente des premiers venus, celles des Wuffingas à laquelle appartenait le célèbre Raedwald, avec des liens avec la Scandinavie.
Le nom de la Mercia évoque la marche, la frontière, et on peut être tenté de le relier aux premiers anglo-saxons arrivés en territoire Corieltauvi, avec une importante concentration dans une région frontalière des Brigantes et des Dobunni. Un des rois de Lindsey portait un nom à consonance brittonique, Caedbaed ; et on se rappellera que Penda était le fidèle allié des Bretons du Gwynedd au VIIe siècle. Plus tard, l'Offa's dyke rappelle bizarrement plus les ouvrages défensifs britanniques que quoi que ce soit qui ait pu existé dans les terres natales des Anglo-saxons. Si l'on en croit les généalogies, Mercia et Lindsey se réfèrent à un roi unique à la fin du VIe siècle. La répartition des céramiques à cuisson au granit suit de près celle des monnaies Corieltauvi d'époque pré-romaine. Quant à la division entre Mercia et Lindsey, on en ignore l'origine mais les deux furent au final réunies.
La Deira suit de près l'ancienne civitas des Parisii et porte un nom brittonique, elle inclura vers 600 la moitié est du territoire brigante, sans doute après la fragmentation de ce dernier, l'ouest, qui fut toujours moins romanisé, devenant le Rheged. La Bernicia plus au nord peut être analysée comme un royaume brittonique ayant adopté une culture anglo-saxonne, peut-être suite à l'arrivée d'une petite élite guerrière ayant pris le pouvoir. On remarquera les nombreux liens développés avec les peuples celtiques du nord, avec l'église de Iona, l'utilisation de hillforts brittoniques comme Bamburgh ainsi que la réunion au VIIe siècle avec la moitié septentrionale de l'ancien territoire des Votadini, le Gododdin.

Conclusion
Si Rome n'avait jamais conquis l'île, peut-être que les Catuvellauni seraient parvenus à en unifier une grande partie. Ironiquement, la période post-romaine verra la victoire de leurs anciens ennemis, les Atrébates devenus le royaume du Wessex. L'arrivée des Vikings peut-être vu dans la continuité de l'invitation d'étrangers dans les guerres tribales de Grande-Bretagne, mais elle change aussi la donne avec l'évolution des pratiques guerrières. Avec les Vikings, la Grande-Bretagne entre dans l'ère féodale.

Commentaire de l'ouvrage
Stuart Laycock a ici accompli un travail majeur qui ne pourront qu'apprécier ceux intéressés par l'histoire des origines de la Grande-Bretagne. Ses théories sont ingénieuses et bien argumentées, ses explications sont claires (plus sans doute qu'elles ne le paraissent via le résumé ci-dessus) et ses analogies avec la Bosnie ou l'Iraq que l'on pourrait croire osées à première vue, aident à la compréhension. On n'adhérera pas nécessairement à toutes les idées de l'auteur, mais le tableau qu'il dresse suit très bien les renseignements fournis par les sources historiques et l'archéologie. Loin de s'emballer sur des théories farfelues, son argumentaire reste prudent et mesuré, et s'inscrit dans la lignée des derniers travaux sur le sujet.
On appréciera sa description des crises secouant l'histoire de la Grande-Bretagne romaine, une vision d'une Boudicca nettement moins romantique et nationaliste que celle des livres d'histoire, une description des troubles "derrière la frontière" advenant entre les différentes civitates et contribuant à maintenir vivaces les vieilles rancœurs tribales. L'idée d'un réarmement des Bretons après la visite de Théodose l'Ancien ne convaincra pas tout le monde, et on peut penser à une autre explication à la production locale de bouclerie, comme par exemple la nécessite d'équiper le comitatus, l'armée de campagne de la Britannia en garnison dans les villes en l'absence de fabricae attestées dans l'île, même si envisager ces boucles aux styles régionaux bien définis comme équipant les milices tribales est intéressante et peut-être corroborée par le récit de Gildas.
On adhérera plus facilement au "scénario bosniaque" et au chaos généralisé de la Grande-Bretagne du début du Ve siècle, un chaos et une situation de crise auxquels participèrent les barbares mais qui est loin de leur être strictement du, une Britannia qui au final s'auto-détruit après le retrait du pouvoir impérial. L'Adventus saxonum trouve dans ces conflits entre civitates une source beaucoup plus rationnelle que la conquête sanglante trop souvent évoquée. La transition entre les entités britto-romaines et les royaumes anglo-saxons fut de fait beaucoup plus douce et naturelle. On mentionnera au passage un point moins solide des théories de Stuart Laycock, sur le passage du latin à l'anglais, avec comme fait supposé une disparition du brittonique dans les régions où s'implantèrent les Anglo-saxons, peu cohérente au demeurant au moins pour une partie d'entre elles avec les noms justement brittoniques de certains rois germaniques insulaires, et une analyse de la syntaxe de l'anglais présenté par certains auteurs comme une langue germanique avec la syntaxe d'une langue celtique, c'est-à-dire travestie par des locuteurs qui avaient l'habitude de parler le brittonique.
La tentative de réhabilitation de la chronique anglo-saxonne est par contre assez convaincante, sans sombrer dans l'excès.

On regrettera peut-être le manque de développement de certains points. L'ouvrage est pour l'essentiel consacré aux régions où s'implantèrent les Anglo-saxons, délaissant la partie occidentale de l'île il est vrai moins documentée au niveau archéologique que ce soit pour la période pré-romaine, l'ère romaine ou la période post-romaine, et Stuart Laycock compense en partie cela en renvoyant aux excellents travaux de Kenneth Dark sur les régions de l'ouest insulaire, pour lesquels Dark a déjà bien démontré la transition de la civitas au royaume. On aurait aimé plus de développement sur les questions identitaires, au demeurant difficiles à aborder mais il existe tout de même un sentiment "nationaliste" breton dans les écrits de Patrick et Gildas. Ne sont pas non plus abordés les personnages d'Ambrosius, ou d'Arthur (quant Hengest et Horsa, tout aussi mal attestés historiquement, sont évoqués comme ayant pu exister), ou la victoire majeure de Badon, ou encore les campagnes des rois nordiques comme Urien - on s'attend à de plus amples détails sur ces problématiques dans le prochain ouvrage de Stuart Laycock, Warlords: The Struggle for Power in Post-Roman Britain .

Enfin, l'ouvrage ouvre des perspectives très intéressantes pour des études futures, si l'on se fie aux théories de son auteur. On pourrait ainsi être amené à envisager les migrations bretonnes vers le continent d'une autre manière, comme des flux de réfugiés fuyant les guerres entre civitates et les crises qui en découlent, ou dans une politique d'alliance de certaines civitates bretonnes et gauloises armoricaines, d'ailleurs suggérée par Zosime pour les événements de 410, et pouvant remonter elle aussi à l'époque pré-romaine.

En complément :
Ditches, Buckles & a Bosnian End to Roman Britain - article de Stuart Laycock
http://www.wansdyke21.org.uk/wansdyke/w ... aycock.htm

A daring view about a time of change.
A review of Stuart Laycock: Britannia - The Failed State: Tribal Conflicts and the End of Roman Britain, The History Press Ltd (2008)
- critique de Robert Vermaat du livre de Stuart Laycock
http://www.fectio.org.uk/articles/review1.htm

Late Roman Buckes in Britain - Stuart Laycock & Chris Marshall - 2005 - site consacré aux boucles romaines tardives retrouvées en Grande-Bretagne

Britannia: the Failed State sur Amazon - http://www.endofromanbritain.co.uk/

MessagePosté: Mer 11 Mar, 2009 14:36
de Agraes
Aucune réaction ?

Pour ma part le livre m'a ouvert de nouvelles perspectives plus qu'intéressantes sur les migrations bretonnes, en les envisageant (ce n'est pas forcément nouveau mais une persistance d'identités tribales fortes renforce l'idée) comme la continuité d'un processus initié depuis l'âge du fer voire bien avant et aussi comme une alliance entre certaines civitates d'Armorique et de Bretagne insulaire, les Osismes et les Dumnonii pour ne citer que l'exemple le plus flagrant.
La persistance de telles identités en Gaule est peut-être envisageable à une moindre échelle, en tout cas on a là aussi quelques pistes sur l'origine des "royaumes" bretons armoricains et la fragmentation de la civitas des Osismes.

J'invite tous les intéressés par le sujet à la lecture de ce livre. Qui plus est Stuart Laycock est assez facilement joignable par e-mail pour des discussions ultérieures.

MessagePosté: Mer 11 Mar, 2009 18:27
de Muskull
Bonjour Agraes,
"Fiche de lecture" des plus intéressantes et même passionnante qui n'est plus une fiche de lecture mais une remarquable synthèse.

Je pense que ce genre de "lecture décalée" de l'histoire ancienne (crise bosniaque, guerre civile...) est plus fructueuse que celle des "grandes invasions".
De la même façon une "nouvelle histoire" voit la conquête romaine comme au début, une intervention dans une guerre civile en Gaule et non pas comme une invasion d'un peuple unifié ; vision toute idéologique.
De la même vision idéologique cette "invasion saxonne" de la Bretagne insulaire dont les éléments celtiques auraient été repoussés vers l'Ouest puis sous "l'oppression terrible de ces païens", les derniers survivants seraient venus se réfugier en Armorique et "enfin fait vivre leur culture martyr" librement.

Tous les conflits naissent de raisons économiques, on utilise après l'idéologie pour les justifier.

MessagePosté: Mer 11 Mar, 2009 21:13
de Alexandre
Muskull a écrit:Tous les conflits naissent de raisons économiques, on utilise après l'idéologie pour les justifier.

Hors de toute considération sur le cas précis cité plus haut, voilà bien une de ces affirmations péremptoires qui étaient défendables au XIXe siècle, mais plus maintenant. Les plus acharnés parmi nos propres ennemis n'ont aucun intérêt économique à vouloir nous exterminer : ils entendent pourtant bien le faire, mais pour des raisons strictement idéologiques ou pour des raisons sociales internes à leur société (un phénomène bien illustré chez les Pachtounes).

Ce n'est pas une simple remarque anachronique : il n'y aurait rien de surprenant à trouver des peuples celtiques chez qui la guerre aurait eu une fonction sociale strictement interne, comme l'exploit guerrier condition nécessaire à l'accession aux droits civiques. Hérodote relate de semblables faits chez les Scythes.

MessagePosté: Jeu 12 Mar, 2009 17:37
de Muskull
Alexandre a écrit:Ce n'est pas une simple remarque anachronique : il n'y aurait rien de surprenant à trouver des peuples celtiques chez qui la guerre aurait eu une fonction sociale strictement interne, comme l'exploit guerrier condition nécessaire à l'accession aux droits civiques. Hérodote relate de semblables faits chez les Scythes.

Salut Alexandre,
Je suis d'accord sur le fait culturel mais ne pas non plus en faire une théorie uniste.
Les analyses sociologiques sur le phénomène "guerre" sont complexes et l'un des aspects est aussi "l'économie/démographie"
selon Gaston Bouthoul, la principale fonction sociale de la guerre serait d'être, en même temps qu'un exutoire aux impulsions collectives, un processus de « rééquilibration démo-économique ».

Mais la guerre "ludique" dite "en dentelle" à aussi existé.
Quant aux effets de la hiérarchisation sociale sur la conception de la « guerre courtoise », ils sont visibles dans les sociétés féodales, aussi bien dans le Moyen Âge européen que dans que la Chine classique, où les codes militaires prescrivaient non seulement l'économie du sang, mais toutes sortes de conventions entre adversaires sur le choix du temps et du lieu de la bataille. Il convient toutefois de rappeler que dans la guerre courtoise, comme ensuite dans la « guerre en dentelles », de telles règles ne s'appliquaient qu'aux nobles, alors que l'on se privait peu de massacrer les manants et de piller leurs biens.


Sinon tous les pachtounes (peuples de culture tribale vivant au sud afghan et nord Pakistan) ne sont pas des talibans. Attention aux amalgames. Mais même là-bas c'est plus la culture du pavot qui fait fonctionner la société que le Jihad qui permet de conserver cette aubaine économique par des organisations de type mafieux.

MessagePosté: Jeu 12 Mar, 2009 17:47
de Alexandre
Muskull a écrit:Je suis d'accord sur le fait culturel mais ne pas non plus en faire une théorie uniste.

Voilà qui est déjà beaucoup plus proche de la réalité.

Muskull a écrit:Sinon tous les Pachtounes ne sont pas des talibans. Attention aux amalgames.

Là encore, tout à fait d'accord, même si par ailleurs, une idéologie sera éventuellement utile pour encadrer une pratique culturelle.

MessagePosté: Jeu 12 Mar, 2009 18:49
de Muskull
Alexandre a écrit:Voilà qui est déjà beaucoup plus proche de la réalité.

Parce que tu te sens proche de la réalité ? :shock:
Là encore, tout à fait d'accord, même si par ailleurs, une idéologie sera éventuellement utile pour encadrer une pratique culturelle.

Comme si une pratique culturelle ou cultuelle n'était pas soumise à une idéologie. Il ne s'agit pas "d'encadrement" mais de source, de faits acceptés par tous pour construire une cohésion sociale.

MessagePosté: Jeu 12 Mar, 2009 19:00
de Alexandre
Muskull a écrit:Comme si une pratique culturelle ou cultuelle n'était pas soumise à une idéologie.

Désolé d'avoir été maladroit dans ma formulation : je parlais bien sûr d'une idéologie formulée comme telle.

MessagePosté: Sam 14 Mar, 2009 16:50
de Thierry
Eh bien merci Agraes pour ta fiche de lecture qui nous donne un solide aperçu...

Ma réaction et d'ordre historiographique justement et rejoint un peu le débat entre Muskull et Alexandre....

Manifestement l'ouvrage décrit a un objet essentiellement "événementiel". Ce n'est pas péjoratif du tout dans mon propos, puisque l'événementiel est fondamental à connaître, même s'il est insuffisant pour comprendre. Manifestement nous avons là une longue succession d'événements essentiellement guerriers réinterprétés à l'aune des entités culturelles de la Bretagne insulaire. En soi, c'est intéressant, surtout pour quelqu'un qui comme moi ne connaît pas ou juste à grand traits, l'histoire ancienne de nos perfides voisins. Il est étonnant par contre de constater que le propos ne semble pas du tout s'attacher à des données économiques ou sociales (par exp, l'état des villes, la démographie, les productions, le commerce....etc;....)

Par contre, et de façon inverse, l'exposé du propos attire immédiatement l'attention car je me dis qu'un tel propos, un tel objet d'étude, n'a jamais été mené de façon compléte dans un ouvrage spécialement dédieé concernant la Gaule Romaine.

Il y a d'excellents ouvrages sur les gallo-romains mais ils sont conçus de façon radicalement différente, voir opposée puisque dans ces ouvrages le propos est toujours sorti ou pratiquement toujours du contexte événementiel. C'est tout juste si on effleure à peine la mention des Bagaudes ou de l'empire de Posthumus....

A l'inverse de cet historien anglo saxon, on ne s'attache en France qu'aux phénomènes de civilisation comme si le temps ne s'était pas écoulé pendant plus de quatre siècles et comme si l'espace était concentré dans une sorte de ville idéale. La représentation socio-économique, objet central du propos y est généralement tout simpelement fausse car le phénomène urbain y est représenté généralement de façon disproportionné - en omettant de s'étonner de la disparition de la moitié des villes au III° Siècle et de la réduction drastique des autres - et surtout, il y a cet horrible vocable gallo-romain qui n'a strictement aucune signification historique autre que d'être un vague repère qui camoufle toute la réalité, la diversité des peuples des gaules sous l'empire romain.

Comme le souligne cet ouvrage à propos des Bretons, on retrouve en Gaule aussi l'idée majeure selon laquelle, les peuples, les civitates n'ont jamais cessé d'être le cadre politique majeur des populations concernés.

En ce sens, au delà de l'histoire des peuples qu'il évoque, cet ouvrage doit pouvoir servir d'exemple, surtout que comme le souligne Agraes, les peuples des deux côtés de la Manche ne sont pas sans liens....

Ca me fait penser qu'une des rares inscriptions portant mention d'un marchand Veliocasse a été retrouvé à......York.

En tout cas, il y a sur cette période un énorme chantier, car en dépit de la richesse des sources, des documents, des découvertes archéologiques, sans compter les monuments et ensembles urbains connus, c'est depuis toujours l'apparence et il faut bien le dire une relative absence de curiosité qui dominent cette période de l'histoire dans les provonces reculées de l'Empire.

MessagePosté: Sam 14 Mar, 2009 17:38
de Sedullos
Salut à tous,

Agraes a fait du bon travail comme toujours.

Je suis surtout sensible à la synchronie avec la guerre des Gaules.
Ainsi qu'à cette idée de guerre "civile" endémique qui se solde toujours par une intervention étrangère sollicitée par un des partis en présence, et qui débordant vite les limites du contrat, instaure à terme sa domination sur la presque totalité des territoires des belligérants.

Ou comment faire entrer volontairement le loup dans la bergerie...

MessagePosté: Sam 14 Mar, 2009 18:13
de Muskull
Bonjour,
"L'évènement" des Saxons en Bretagne insulaire s'inscrit comme un épiphénomène dans le mouvement des "grandes invasions" essentiellement germaines que les historiens préfèrent maintenant nommer "les grandes migrations".
Migrations certainement dues à des ressorts démo-économiques provoqués par un refroidissement climatique qui a fait que des populations essentiellement du Sud Baltique ont profondément bouleversé culturellement et économiquement l'empire romain mourant d'Occident.
Dans ce contexte de migrations parfois hallucinantes comme par exemple celle des Wisigoths qui vont s'établir au Nord de la Mer Noire avant de revenir vers la Gaule et l'Espagne ; il y a cette migration "plus pépère" des Saxons qui vont chez leur proxime voisin avec qui ils commerçaient certainement de manière étendue.
On les connait dans l'île et dans la guerre civile naissante on leur demande un coup de main. Eux, logiques, prennent le bras et le reste avec leurs alliés et font venir leurs colons en pays ouvert.
Curieusement ils dédaignent l'Écosse dont les terres moins fertiles n'ont pas cet "effet d'aubaine".

Tout cela est donc bien économique avant tout cher Alexandre. Je n'ai pas l'habitude de lire des livres d'histoire du XIX° siècle. :D
Mais tu voulais sans doute parler de Marx et de sa vision des ressorts économiques dans l'histoire ?
Sa théorie est bien assumée par les historiens contemporains qui la prennent sérieusement en compte tout en l'équilibrant suivant les contextes.
Par exemple: La folle épopée d'Alexandre le Grand, mené par une idée des plus mystiques, il s'appuyait tout de même sur l'intérêt économique de sa "folie" dans l'esprit des "satrapes" qui lui fournissaient armes, hommes, et subsides.

MessagePosté: Sam 14 Mar, 2009 19:37
de Agraes
Merci à vous tous pour ces commentaires :wink:

Il est étonnant par contre de constater que le propos ne semble pas du tout s'attacher à des données économiques ou sociales (par exp, l'état des villes, la démographie, les productions, le commerce....etc;....)


Peut-être est ce davantage du à mon résumé qu'au texte original, l'auteur évoquant bien ces différents aspects sans forcément rentrer dans les détails.

MessagePosté: Dim 15 Mar, 2009 11:17
de ejds
Agraes a écrit:Les premiers Anglo-saxons

La chronique anglo-saxonne est un document difficile qui a été beaucoup décrié, datant du Xe siècle et élaboré pour la propagande des rois du Wessex. L'arrivée des Anglo-saxons y est présentée comme une conquête violente, avec des récits quasi-mythiques, mais tout n'est peut-être pas à rejeter.

Il n’est pas évident de condenser en quelques phrases ou chapitres l’arrivée des premiers Saxons, et qui s'étale sur quelques décennies ou siècles.

Dans ce schéma d’idées et période de l’histoire qu’il serait intéressant de creuser, on peut, comme autre exemple, rapprocher les liens d’intérêts économiques, sociaux et politiques qui se sont tissés au fil des siècles, puis qui se sont accélérés entre les 9ème et 13ème siècles, par la venue de nouvelles incursions nordiques ou immigrations progressives dans les îles britanniques.

Assez difficile à quantifier et évaluer dans le temps et l’espace, se retrouve ainsi une colonisation plus ou moins forcée, puis coexistence paisible, intégration somme toute relative des populations vikings parmi les anciennes peuplades autochtones, celles d’origines continentales celtiques ou anglo-saxonnes.

Une étude est menée à ce sujet sur les envahisseurs scandinaves en Grande-Bretagne : :?

telegraph.co.uk a écrit:Vikings lived 'harmoniously with our ancestors'

Viking warriors who raided and colonised Britain in the 11th century went on to form harmonious relationships with our ancestors, scientists claim.

http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/ ... stors.html