Page 6 sur 8

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 20:44
de Jacques
Taliesin a écrit:admettons que cette concavité indique un recul du breton,
Falc'hun pense à un recul du gaulois
Taliesin a écrit:quasiment tous les chercheurs, depuis Joseph Loth, s'accordent pour dire que le roman a toujours été parlé dans la zone mixte
et sans doute aussi dans la zone bretonnante : Fleuriot cite des toponymes qui n'ont pas suivi l'évolution normale du breton, entre autres Taulé, La Feuillée (an Folled du XIIème au XIVème siècle), Rédéné...
Taliesin a écrit:inversement, si la théorie de la langue commune se vérifiait en Bretagne, le breton ne devrait plus exister depuis très longtemps, or, au milieu du 19ème siècle, il y avait encore 80% de monolingues bretonnants en Basse-Bretagne, 15% de bilingues, et 5% de monolingues francophones
La loi s'applique en période troublée et en situation mouvante (guerres, invasions, immigrations). Pour les siècles d'occupation de la Bretagne par l'administration française et ses à-côtés (bourgeois, commerçants francophones), chacun a vécu dans sa sphère sans trop fréquenter l'autre. Je pense à l'exemple de Pont-l'Abbé où s'est installée une bourgeoisie d'origine auvergnate, entre autres (et de mémoire) ; des intermédiaires bilingues permettaient de régler les affaires entre l'administration et la bourgeoisie, d'un côté, et les artisans et paysans de l'autre. Les enfants de la bourgeoisie se mettaient au breton au contact de leurs petits camarades, mais l'inverse n'était pas vrai. (voir, je crois, les monographies de Serge Le Duigou sur Pont-L'Abbé)

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 21:24
de Taliesin
"Falc'hun pense à un recul du gaulois"

c'est bien de le préciser, ton premier post indiquait simplement "celtique" , et je parlais de la limite linguistique au 9ème siècle.

L'influence de Rome ne s'est pas fait sentir seulement à Rennes et à Nantes, mais aussi à Vannes et sa région, à Carhaix, à Douarnenez,...etc.

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 22:22
de Jacques
Taliesin a écrit:"Falc'hun pense à un recul du gaulois"

c'est bien de le préciser, ton premier post indiquait simplement "celtique" , et je parlais de la limite linguistique au 9ème siècle.
Falc'hun précise que cette ligne a été dessinée d'abord par Aurélien de Courson, et qu'elle est déduite des noms de lieux. Il doit s'agir des noms en -ac, non ? Est-ce au IXème siècle que la différenciation s'est produite entre les noms en -ac et ceux en -é à partir de la désinence -akon ou -acum ? (j'avoue mon ignorance dans ce domaine)

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 0:33
de Taliesin
Non, mais la limite actuelle des noms en -é correspond à peu près à la ligne Loth, qui est plus précise que celle d'Aurélien de Courson.

Les noms en -é indique une évolution romane complète à partir de -acum, sans aucune influence du breton :
-acum>ac>-y, -ay ou -é

Les noms en -eg/ec indique une évolution bretonne complète à partir de -acum :
-acum>-og/oc>-eug/euc>-eg/ec

cette évolution semblerait nous renseigner sur le recul du breton en Haute-Bretagne : à Cardroc (est de Bécherel), le breton se serait éteint plus tôt qu'à Caradeuc (ouest de Bécherel), car le passage à la langue romane aurait bloqué l'évolution normale bretonne -oc>-euc. Plus loin à l'ouest, on trouve Saint-Caradec, côté gallo, mais tout proche de la frontière linguistique, qui aurait conservé le breton suffisamment longtemps pour connaître l'évolution complète.
J'ai employé le conditionnel, parce que cette hypothèse exprimée par tous (Loth, Fleuriot, Jackson, Even) a été remise en cause récemment par Erwan Vallerie (traité de toponymie historique de la Bretagne).

Jusque-là c'est presque clair, les problèmes commencent vraiment avec les toponymes actuels qui ont conservé la terminaison -ac : les avis divergent. Comme les noms en -acum sont autant d'origine gallo-romaine que gauloise, on en revient au problème de la survivance du gaulois, et de sa localisation.
Si j'ai le temps, j'essaierai de faire un topo des différents avis, sinon, voir pour commencer : Fleuriot, les origines de la Bretagne, p. 81-85 et Chédeville, la Bretagne des saints et des rois, p. 103-111

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 12:23
de Marc'heg an Avel
Salut,

Comme un petit dessin peut aider à soutenir un discours, je fais remonter ici une carte déjà publiée sur le forum : Jean-Yves Le Moing : Noms de lieux bretons de Haute Bretagne.
Coop Breizh. 1990.

Image

Prière de citer les références si vous vous en servez ailleurs.

Ken ar c'hentan.

JCE :)

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 14:09
de Taliesin
Mont a ra tudoù ? :D

Et ben, voilà, même pas besoin de demander !

d'après Jean-Yves Le Moing, les zones en orange sont celles où on parlait encore breton vers 1200 (+ ou - 50 ans)
En Haute-Bretagne centrale, le breton semble s'être maintenu jusqu'au 14ème-15ème siècle, et jusqu'au milieu du 14ème siècle pour la Haute-Bretagne sud (parties en orange)
La zone Elven-Questembert (rouge) a perdu le breton entre 1700 et 1850 seulement.
Dans la région de Guérande, on parlait encore breton au début du 20ème siècle.

Pour embêter JC, à noter la position particulière de la forêt de Paimpont, à cheval sur la frontière linguistique du 12ème siècle, position idéale pour transmettre en roman les légendes qui s'y racontaient en breton.

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 15:04
de Marc'heg an Avel
Taliesin a écrit:Mont a ra tudoù ? :D
...
Pour embêter JC, à noter la position particulière de la forêt de Paimpont, à cheval sur la frontière linguistique du 12ème siècle, position idéale pour transmettre en roman les légendes qui s'y racontaient en breton.


--------------

Etre à cheval, pour un chevalier, quoi de plus normal ? :wink:

C'est une zone de contact, certes. Mais ça n'est pas l'épicentre !

Car Est l'épicentre à Carhaix, capitale de la Bretagne armoricaine avant l'extension sur les Curiosolites (c. 497), les Vénètes (c. 577), les Riedones et le Namnètes (c. 851). :wink:

Hoël de Cornouaille, c'est tout de même un nom évocateur de son pays d'origine. N'eo ket ? :roll:

Ken ar c'hentan.

JCE :)

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 15:35
de Taliesin
Carhaix, ville importante gallo-romaine, semble être un tas de ruines à l'époque de la seconde émigration bretonne, et elle n'a jamais été la capitale du royaume breton.
D'ailleurs, voici la liste des cours (aula) des rois et princes bretons au 9ème siècle, d'après Aurélien de Courson (prolégomènes au Cartulaire de Redon) :

-Nominoé : Aula Coitlouh
-Erispoé : Aula Bilis (Guérande), Aula Talansac
-Salomon : Aula Barrech (Piriac),Aula Campel, Aula Coilroit ou Lis-Colroit, Aula Hegodebert, Aula Penharth (region de Guérande), Aula Plebislan (Plélan), Aula Reester (Rhetiers)
-Pascweten : Aula Camplatr, Aula Clis (Guérande), Lis Penfau (Plélan)
-Alain le Grand : Castellum Reus (Rieux), castellum Seium (Plessé)

Pas de Carhaix, ni de Paule, mais un beau tir groupé dans la région de Redon-Plélan, et aussi à côté de Guérande (résidence d'été ? ou proximité des salines ? voire les deux). Salomon fut enterré à Plélan.

Au 9ème siècle, l'épicentre du pouvoir breton, c'est la région de Redon-Plélan.
Et si on remonte en arrière jusqu'à Judicaël (7ème siècle), on remarque qu'il est lié à l'abbaye de Saint-Méen/Gaël (au nord de la forêt de Paimpont) : c'est là qu'il se fait moine et qu'il finit ses jours.

Est-ce un hasard si au 9ème siècle, on trouve des Arthur, des Urien, des Uualmoal (> Gwalchmai> Gauvain), des Bran, des Mabon et des Merthin dans le Cartulaire de Redon ?

Quant à Hoël de Cornouaille, ses actes sont signés pour la plupart à différents endroits sur la côte sud, entre Quimper et Nantes, vraisemblablement là où il résidait, notamment en forêt ducale de Fouesnant ou de Quiberon, à Quimperlé, à Auray...

Point de Carhaix non plus

Son fils, Alain Fergant, avait l'habitude de tenir sa cour de Noël à....Redon, où d'ailleurs il se fit moine à la fin de sa vie.

Et le berceau des comtes de Cornouaille, c'est Kastell-Nin, Châteaulin.
Encore mieux : la résidence des vicomtes de Poher ne se trouve même pas à Carhaix, mais à Cleden.

N'en jetez plus, l'aula est pleine ! :wink:

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 16:09
de Marc'heg an Avel
OK

Quid des biographies de : Nominoé, Erispoé, Salomon, Pascweten, Alain le Grand.

Bretons ? Armoricains ? de Haute ou de Basse Bretagne ?

----------------

Quid de la bataille de Carnoët.

Quid de Tristan. (déjà évoqué ici)

Quid de la Chanson d'Aiquin.

Sachant que tout ce petit monde passe à Carhaix ... tas de ruines ! :roll:

----------------

Ca permettra au moins de savoir jusqu'à quel point nous sommes à jour de nos connaissances en la matière. :wink:

JCE :wink:

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 16:24
de Muskull
Si ils passaient à Carhaix c'était pour aller gouster le loup au garum à Douarnenez là où les tsars dînent à l'huile of course. :lol:
Qu'a-t-on à faire de vieilles charrues quand cette baie vous tend les bras avec son Menez Hom qui est comme le Fuji Yama (dixit Eric Orsena). :wink:

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 18:26
de Agraes
J'ai lu il n'y a pas très longtemps l'étude de Christianne Kerboul sur Conomore. Carhaix était l'une de ses capitales.

De mémoire, la ville elle-même est effictivement délaissée par les Bretons, qui s'installent non loin au Plouguer, venant de Pou-Caer qui aurait donné également le Poher.

Elle émet également une hypothèse sur l'origine du nom de Carhaix - l'une des résidences insulaires de Conomore étant 'Carhays'.

En tout cas, l'un des plus importants chefs bretons du VIe siècle aurait quand même fait de Carhaix sa capitale - à moins qu'on ne l'y est installé (Arthur ?..).

Et tant qu'à faire dériver le sujet.

'HIC IACIT CUNOMORI FILIUS DRUSTANUS CUM DOMINA OUSTILLA'

Inscription datant du VIe siècle, sur une pierre tumulaire, à Golant, non loin de Castle Dore (le territoire insulaire de Marc Conomore).

'Ci git Drystan/Tristan fils de Conomore avec son aîmée Oustilla/Iseult'.

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 21:34
de Taliesin
Pour Carhaix < carhays, voici ce que dit Nora Chadwick (la colonisation de la Bretagne armoricaine depuis la Bretagne celtique insulaire, p. 76) : "il me paraît extrêmement douteux que cette tradition identifiant entre elles plusieurs localités ait couru depuis le 6ème siècle. Compte tenu de la référence figurant dans la Vie de saint Paul de Léon, elle remonte vraisemblablement au 9ème siècle."

Et pour Paul-Yves Bourgès (Commor, entre le mythe et l'histoire) les seules résidences historiques de Conomor seraient Lantel à 8 kms de Brest (Gouesnou), Beuzit-Lanmeur (Boxidus) à 7 kms de Toul-Héry et Castle Dore.
Dans les plus anciennes vies de saints (Samson, Paul Aurélien, Malo, Tugdual), Conomor régne sur la Domnonée ou bien en Domnonée insulaire, pas en Poher.

D'ailleurs, concernant l'appellation "Poher" (dont Nominoé est originaire), voici de que dit Joëlle Quaghebeur (La Cornouaille du 9ème au 12ème siècle - mémoire, pouvoir, noblesse, p. 12-13) : "une tradition historiographique encore vive voudrait comprendre le Poher comme l'une des composantes de la Cornouaille. Sans que ces limites puissent être très nettement définies, semble-t-il, cette région aurait été située autour de Carhaix, enserrée par les Montagnes Noires et les Monts d'Arée. Pourtant, Hubert Guillotel, le premier, avança qu'à l'époque carolingienne, la Cornouaille était dénommée Poher. [...] Le nom de Poher fut ultérieurement donné à l'un des deux archidiaconés du diocèse de Quimper. [...] Rivelen (comte de Poher et frère de Salomon) est aussi qualifié par Clément, moine de Landévennec de rector Cornubiae. [...] Cornouaille et Poher ne font donc qu'un."

jusqu'à l'an mil environ, c'est le nom de Poher qui est le plus employé pour désigner la Cornouaille, ensuite c'est ce dernier nom qui s'impose.

donc Nominoé était originaire du Poher, c'est-à-dire de Cornouaille, ce qui est bien plus vaste que les alentours de Carhaix. Et si au lieu de Carhaix, on parlait de Locronan, qui fut aussi une résidence aristocratique au 9ème siècle ? Locronan, Douarnenez, autre région très riche en légendes (île Tristan, roi Marc'h)

me semble bien que Locronan et le Menez-Hom sont aussi mentionnés dans la Chanson d'Aquin.

MessagePosté: Mer 18 Jan, 2006 23:42
de Marc'heg an Avel
Et pour rajouter encore un peu plus de brouillard sur ce fatras : :roll:

- Commore, en Tréglamus, que l'on rattache localement à Conomore, compte tenu du concile/procès de Conomore au sommet du Menez-Bré;

- Plougonver : Plebs-Conomorus ?

Toutes deux en Trégor, et non en Poher / Cornouaille.

------------

Légende de la tombe du roi Marc'h au sommet du Menez Hom,

Confusions classiques entre Lokronan, en Cornouaille, et Lokournan (Saint-Renan), en Léon, ...

------------

Pour le Carhays de Cornwall, tu devrais trouver ça dans l'opuscule que je t'avais adressé. C'est un grand classique en la matière. :wink:

JCE :wink:

MessagePosté: Jeu 19 Jan, 2006 1:02
de Taliesin
je confirme pour Plougonver, qui en fait est Plougonveur = Plou-konveur = la niche du grand chien (ouais, ou presque :lol: )

on a aussi Tregomeur = Tregonveur, à l'ouest de Pordic, et à 5kms de Tremeloir = Tremelar. Comme quoi on peut apprendre les Vies de saints en traversant la Bretagne. Marrant que ces deux paroisses si rapprochées se trouve finalement à l'opposé de la résidence de Conomor (Lanmeur) où Mélar avait trouvé refuge : Lanmeur est à l'extrême ouest du Trégor, en Trégor finistérien, Tregonveur et Tremelar sont à l'extrême est.

Hormis la bataille de Tristan à Carhaix, il y a quand même une référence qui rattache Marc/Conomore à Carhaix, c'est le Tristan de Béroul, où le roi Marc jure par saint Tresmor de Caharés. Mais Béroul mentionne aussi l'histoire de Marc aux oreilles de cheval, et dans une autre version (une des Folies, je crois) Iseult jure par sainte Triphine.

l'opuscule ? Ah oui, le petit cahier qui se trouve sur mon bureau depuis plusieurs mois, enterré sous un tas de bouquins et de paperasse, et que je n'avais pas lu de suite parce que c'est en anglais et qu'à l'époque, je comprenais un mot sur dix de ce langage perfide. Mais depuis j'ai beaucoup progressé : je dois être à deux ou trois sur dix, je vais bientôt pouvoir m'y mettre !

post scriptum matinal pour Agraes : s'il y a eu un mélange Arthur/Conomor, il semblerait que ce soit plutôt Arthur qui ait pris la place de Conomor dans certaines traditions, notamment dans la Vie de saint Efflam, où l'action se déroule non loin de Lanmeur.

MessagePosté: Jeu 19 Jan, 2006 10:37
de Agraes
post scriptum matinal pour Agraes : s'il y a eu un mélange Arthur/Conomor, il semblerait que ce soit plutôt Arthur qui ait pris la place de Conomor dans certaines traditions, notamment dans la Vie de saint Efflam, où l'action se déroule non loin de Lanmeur.


C'est ce qu'indique Christianne Kerboul.

En fait je voyais plutôt Arthur - dans la conception que j'en ai, c'est-à-dire héritier d'Ambrosius et Amherawddyr ou Haut-Roi des Bretons - l'installer dans cette zone.

Même si c'est Childebert qui l'aurait nommé Praefectus Classis du Tractus Armoricain.