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MessagePosté: Lun 16 Jan, 2006 15:33
de Marc'heg an Avel
Comme promis concernant le périple du clan de Cunedda, de Gododdin au Nord Galles :

http://marikavel.org/personnes/cunedda/cunedda.htm

Ce qui rendrait à dire que les noms de certains pays gallois ne sont pas gallois d'origine.

Page en cours d'élaboration.

JCE :)

MessagePosté: Lun 16 Jan, 2006 17:49
de Taliesin
Le terme "gallois" est totalement inapproprié à l'époque de Cunedda, que ce soit pour désigner la langue ou le peuple.

Gallois signifie "étranger" et correpond au saxon "wealas/Welsh". De plus, les "Gallois" eux-mêmes se nommaient "Cymri", mais ce nom ne remonte pas au-delà du 9ème siècle. C'est un nom de guerre que se sont donnés les Bretons de l'Ouest encore en lutte contre les Saxons. Même au moyen âge central, les écrivains emploient plus fréquemment le mot "Breton" et non "Gallois" pour désigner les Gallois.

Au 5ème siècle, il vaut mieux parler des Brittons du Nord et des Brittons de l'Ouest, qui parlaient la même langue : le brittonique

MessagePosté: Lun 16 Jan, 2006 18:07
de Muskull
Juste pour dire que Katell doit être un peu dépassée pas les évènements...
dez-mat ! je suis nouvelle !


Et bien Katell, tout ce que l'on peut dire c'est que tu as inauguré un fil passionnant. :wink:
Il en est souvent ainsi sur ce forum, ne t'inquiètes pas... :D

MessagePosté: Lun 16 Jan, 2006 22:10
de Thierry
Et merci à Taliesin pour son apport en matière d'histoire de la langue.... :D

Il reste que la formation du Breton reste bien mystérieuse et que l'explication sociale ne me paraît pas entièrement satisfaisante car après tout la Bretagne n'est pas la seule contrée à avoir connu un apport extérieur important avec implantation d'une nouvelle classe guerrière dominante. Partout ailleurs Francs, Wisigoths, Burgondes, Sarmates.....et plus tard Scandinaves se fondent dans la "masse" en quelques générations alors qu'une langue différenciée s'épanouit avec les Bretons.

Si on ajoute à ça l'idée que le brittonique antique est très proche du Gaulois qui lui même est très proche du Latin, il y a comme un chaînon manquant :shock:.

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 2:18
de Taliesin
Ben, je dirais que les Francs ont d'abord tout fait pour récupérer l'héritage de Rome et entrer dans les bonnes grâces du clergé gallo-romain. Le baptème de Clovis est d'abord un acte politique, il conduit à l'alliance des Francs et du clergé contre les Wisigoths ariens. La christianisation impliquait sans doute une certaine latinisation. De plus, les Francs ont été amené à dominer des territoires de plus en plus vastes et des populations de plus en plus nombreuses, de ce fait leur langue était en minorité sur le territoire qu'il dominait : ne pouvant imposer leur langue, ils ont adopter celle des peuples sur lesquels ils régnaient. Il me semble qu'il y a quand même un substrat franc (germanique) dans la langue française.

Pour les Scandinaves, c'est vrai qu'ils ont eu une étonnante aptitude à se fondre dans la culture des peuples qu'ils colonisaient. C'est vrai aussi bien en Normandie, en Irlande ou en Ecosse. C'est peut-être du au fait que la mère patrie était éloignée (bien qu'il y ait eu des contacts). La coutume scandinave du bannissement (toujours en vigueur sous Guillaume le Conquérant), qui est à l'origine d'un certain nombre d'exils, impliquait aussi un non retour, et donc une intégration forcée (mariages mixtes) parmi les peuples colonisés.

Concernant la Bretagne, il y eut une implantation bretonne très forte à l'ouest, c'est-à-dire dans la Basse Bretagne actuelle. Un point important à retenir : l'extension vers l'est du pouvoir breton au 9ème siècle (région de Rennes, Nantes, la moitié de l'Anjou, l'Avranchin, le Cotentin) n'a pas été suivie d'une extension linguistique de même ampleur : la langue bretonne ne va pas au-delà de la ligne Loth, qui s'arrête à l'ouest de Rennes et de Nantes.
Autre point important : la Manche se traversait en une journée à la rame, et les contacts sont incessants d'une rive à l'autre pendant tout le moyen-âge. Jusqu'au 8ème siècle, il a existé des royaumes doubles entre la Domnonée insulaire et la Domnonée bretonne, même chose entre les deux Cornouailles. Il y a aussi ce qu'on appelle les chrétientés celtiques. Pendant les invasions normandes, de nombreux bretons se réfugient en Angleterre, accueillis par Athelstan, mais en fait, ils vivaient en Cornouailles et au Pays de Galles. Sans parler de l'hagiographie, de la littérature et de la langue.
Pourtant, la Bretagne est loin d'être renfermée sur elle-même : la notation musicale bretonne est connue au 10ème siècle du nord de la France jusqu'en Poitou, et même en Italie, où l'on a retrouvé une Vita de saint Gwenolé.

A partir du 9ème siècle, mais surtout à partir du 10ème-11ème siècle, la Bretagne commence vraiment à se tourner vers l'est et les liens avec l'île de Bretagne se distendent. Et l'influence romane, puis française, va alors se faire sentir de plus en plus.

Il ne s'agit pas non plus de l'implantation d'une aristocratie guerrière peu nombreuse dans un pays surpeuplé de gallo-romains : c'est une véritable émigration, avec des populations civiles, et dans l'ouest, la balance démographique a du être très vite favorable aux nouveaux venus. Il me semble qu'il y a là une différence avec les Scandinaves, qui ont émigré sans femmes ni enfants. Il a subsisté tout de même quelques enclaves romanes, vers Morlaix par exemple.

Et le chaînon manquant, c'est cinq siècles de romanisation en Gaule, avec un changement de langue effectif de l'aristocratie gauloise, alors qu'on a un bilinguisme de l'élite dans l'île de Bretagne, avec une majorité de la population qui conserve l'usage du britonnique.
Avant même la conquête romaine, une partie de la Gaule (au sud) était déjà romanisée, et la clientèle gauloise des marchands romains était peut-être déjà bilingue (c'est une supposition, je ne connais pas trop cette période-là). Enfin, si le latin est proche du gaulois, il n'y avait pas pour cela intercompréhension, sinon César n'aurait pas eu besoin d'interprètes.

En fait, la formation du breton ne pose pas problème : c'est une langue brittonique. Il y a deux questions à résoudre, qui sont liées : 1/la différence dialectale du vannetais (due au roman, au gaulois, autre ?) ; 2/La survivance et l'éventuelle influence de parlers bas-gaulois sur le breton.

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 8:50
de Jacques
Taliesin a écrit: Un point important à retenir : l'extension vers l'est du pouvoir breton au 9ème siècle (région de Rennes, Nantes, la moitié de l'Anjou, l'Avranchin, le Cotentin) n'a pas été suivie d'une extension linguistique de même ampleur : la langue bretonne ne va pas au-delà de la ligne Loth, qui s'arrête à l'ouest de Rennes et de Nantes.
Selon F. Falc'hun, la concavité de la ligne vers Nantes et Rennes indique plutôt un recul du celtique sous l'influence romanisante de ces deux villes.
D'autre part, et c'est une lois qu'on peut encore vérifier aujourd'hui, deux populations d'origines géographiques différentes communiquent dans la langue qu'ils ont en commun, et c'est cette langue qui finit par l'emporter.
Si la péninsule armoricaine n'était pas vide au moment de l'immigration bretonne, l'intercommunication a dû se faire en celtique, sinon ce serait le roman qui aurait subsisté.

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 10:04
de Patrice
Salut,

Ce que dit Jacques en faveur de la thèse de Falc'hun est très sensé. Dans un territoire multilingue, seule la langue commune subsiste.
Si on prend l'exemple de la Dacie, à la conquête romaine ce pays est officielle peuplé de Daces, un peuple d'origine thrace. Mais d'autres peuples thraces ont existé là auparavant (la conquête dace est elle-même récente) mais aussi des Gaulois et des Germains. Bref, un bordel ethnique et linguistique.
Les Romains ne sont restés que 125 ans. Et pourtant les Roumains parlent toujours une langue latine: la langue commune sous l'Empire!

A+

Patrice

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 12:05
de Marc'heg an Avel
" ... la concavité de la ligne vers Nantes et Rennes indique plutôt un recul du celtique sous l'influence romanisante de ces deux villes".

-------------------

Qu'il y ait eu une influence romanisante, cela est incontestable.

Mais cette courbure est dûe à autre chose, à savoir aux modifications territoriales de la cité des Riedones au bas Empire.

Les Riedones ont perdu leur façade maritime sur la Manche au profit des Curiosolites, et une partie de leur territoire sud, au-dessus du confluent de l'Oust et de la Vilaine, au profit des Vénètes.

Donc, comme par la suite, le territoire "breton" s'est accru de celui des Curiosolites (cf Fleuriot, op.cit), cette zône est devenue mixte ... jusqu'aux limites de cette cité curiosolite du Bas-Empire : Feins, Bazouges, etc . Ille et Vilaine.

Ce n'est donc pas, à cette époque, un recul, mais une fixation, dont la puissance a été inversement proportionnelle à l'attachement des classes dirigeantes bretonnes ... à la langue romane :roll: , suite à leur désintérêt pour la Basse Bretagne, au profit de Rennes et de Nantes, et à leur soumission aux ducs de Normandie. Pouah !!!!!!!!! :lol:

JCE :wink:

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 13:25
de Taliesin
salut les gens ! :D

admettons que cette concavité indique un recul du breton, il aurait été parlé jusqu'où le breton ? sur tous les territoires conquis par Nominoé, Erispoé et Salomon ?

sinon, à part la ligne Loth, il y a une autre ligne qui s'appelle "frontière linguistique"

en quoi ça pose un problème que la Bretagne ait été bilingue dès l'origine ?
quasiment tous les chercheurs, depuis Joseph Loth, s'accordent pour dire que le roman a toujours été parlé dans la zone mixte

la toponymie est très parlante à ce sujet, notamment l'évolution de la finale -ac , différente en zone romane et bretonnante

inversement, si la théorie de la langue commune se vérifiait en Bretagne, le breton ne devrait plus exister depuis très longtemps, or, au milieu du 19ème siècle, il y avait encore 80% de monolingues bretonnants en Basse-Bretagne, 15% de bilingues, et 5% de monolingues francophones

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 13:28
de Sedullos
Patrice a écrit:Salut,

Ce que dit Jacques en faveur de la thèse de Falc'hun est très sensé. Dans un territoire multilingue, seule la langue commune subsiste.
Si on prend l'exemple de la Dacie, à la conquête romaine ce pays est officielle peuplé de Daces, un peuple d'origine thrace. Mais d'autres peuples thraces ont existé là auparavant (la conquête dace est elle-même récente) mais aussi des Gaulois et des Germains. Bref, un bordel ethnique et linguistique.
Les Romains ne sont restés que 125 ans. Et pourtant les Roumains parlent toujours une langue latine: la langue commune sous l'Empire!

A+


Patrice

"mais aussi des Gaulois et des Germains",
les Gaulois en question sont les Boïens de Pannonie ? Si c'est le cas, ils sont censés avoir été exterminés par les Daces du Roi Buribaste.

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 14:52
de Patrice
Exterminés, je veux bien...
Mais il n'empêche qu'il y a plein de théonymes gaulois sur les territoires des actuelles Roumanie et Bulgarie (moins en Bulgarie) et que certains sont propres à ce secteur, donc ils ne sont pas du à une implantation de légionnaires d'origine gauloise.
Et il n'y a pas eu que les Boïens, après tout.

A+

Patrice

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 16:47
de Marc'heg an Avel
Je vous ai mis en ligne la planche 13 de l'étude :

La civilisation des Riedones.

par Anne-Marie ROUANET-LIESENFELT

2è suppl. à Archéologie en Bretagne. Directeur : R. SANQUER. Brest. 1980.

Fig. 13 : la frontière occidentale des Riedones.

- pointillé : frontière du Ier siècle
- croisillé : frontière du IVè siècle.

http://marikavel.org/personnes/riedones/civilisation-t13.jpg

Ca permet de comprendre beaucoup de choses.

Si vous l'utilisez, veuillez en indiquer la provenance. Merci.

JCE :)

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 20:11
de Pierre
Marc'heg an Avel a écrit:Ca permet de comprendre beaucoup de choses.



Très intéressant Jean-Claude. Au vu de cette carte, il est évident et incontestable que le Mont Saint-Michel est en Normandie :lol: :lol:


@+Fourbos

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 20:15
de Jacques
Marc'heg an Avel a écrit:Mais cette courbure est dûe à autre chose, à savoir aux modifications territoriales de la cité des Riedones au bas Empire.
Soit. Mais pour la zone d'influence de Nantes ?

MessagePosté: Mar 17 Jan, 2006 20:26
de Taliesin
ça correspond exactement à la ligne Loth, mais celle-ci est par endroit légèrement décalée vers l'ouest.
Points remarquables :
- la ligne Loth suit le Couesnon
- on retrouve le même décrochement vers l'intérieur au niveau de Bazouges-la-Pérouse, en direction de Bazouges-sous-Hédé
- la ligne Loth rejoint le Meu au sud de Cintré, vers Mordelles, elle suit cette rivière jusqu'à la Vilaine, qu'elle rejoint à hauteur de Bruz. (pile-poil comme la frontière des Riedones)

Ensuite, la ligne suit la Vilaine jusqu'à Pléchâtel, pour s'en écarter vers l'est, en direction de Bain-de-Bretagne et Lusanger.

Il y a une autre carte qui est très parlante, c'est celle de Jean-Yves Le Moing sur les pourcentages de toponymes bretons en Haute-Bretagne