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MessagePosté: Ven 13 Jan, 2006 19:03
de Sedullos
Taliesin a écrit:Bon, soyons plus précis (eh, t'as vu l'heure matinale de mon post, j'allais pas faire un exposé détaillé)

[

Seul "fil rouge" entre les deux : la langue. Les langues néo-celtiques, tout comme celles qui sont éteintes depuis longtemps, dérivent d'un celtique commun. ça, c'est vrai en général, mais dans le détail, il faut faire attention quand on tente de rapprocher le breton moderne du gaulois, par exemple.

Et je voulais aussi revenir sur le post de Thierry qui a écrit :

"Bref le critère linguistique ne peut s'appliquer à l'histoire, la sociologie, la politique, au juridique"

On ne peut séparer la langue de l'histoire d'un peuple, ni de sa politique, ni de ses lois. Quant à la sociologie, une de ses branches s'appelle justement socio-linguistique.

"et ne saurait expliquer à lui seul, très loin de là, ce qu'est, ce que peut être une civilisation."

Tout à fait d'accord, la langue n'est qu'un élément d'une civilisation. C'est peut-être pas le plus important mais ce n'est pas le plus négligeable non plus. Au fait, comment définir une civilisation ?


"C'est contrinuer à nier la très réelle et très lente évolution du monde rural ouest européen qui dans son ensemble, y compris en Bretagne, tient autant de la politique et du juridique greco romain"

ça, c'est nier l'apport de l'émigration bretonne en Armorique. OK, c'étaient des britto-romains, mais ils ont amené leur particularités insulaires dans le droit, la religion et l'organisation politique.

"que d'un fonds culturel bien antérieur à la conquête ?" ça c'est clair, et c'est même le gros problème en Bretagne de savoir ce qui est brittonique ou pré-brittonique



Bienvenue à Katell !
"ça, c'est vrai en général, mais dans le détail, il faut faire attention quand on tente de rapprocher le breton moderne du gaulois, par exemple."

Tout à fait, les apports latin, roman et français sont importants, sans parler des articles et des mutations.

"ça, c'est nier l'apport de l'émigration bretonne en Armorique. OK, c'étaient des britto-romains, mais ils ont amené leur particularités insulaires dans le droit, la religion et l'organisation politique."

Et leur langue, qui à l'époque n'était pas si éloignée du gaulois que l'est le breton moderne, on connaît l'exemple du gaulois tigerno = prince qui est à rapprocher des breton tiern et machtiern = chef.

MessagePosté: Ven 13 Jan, 2006 21:03
de Taliesin
on a effectivement des filiations au niveau du vocabulaire, mais on ne sait pas de façon certaine si le brittonique du 5ème-6ème siècle était si proche que ça du gaulois à la même époque, d'abord parce qu'on n'a pas d'inscription gauloise contemporaine de l'émigration bretonne, on ne sait pas non plus où le gaulois se serait maintenu en Bretagne armoricaine : il y a plusieurs thèses sur le sujet : vannetais, centre, nord-ouest ? et on ne sait pas non plus dans quelle mesure il a eu une influence sur le brittonique (là aussi, plusieurs thèses en présence, en fonction de l'endroit où se serait maintenu des parlers gaulois)

Ce qu'on sait, c'est qu'au temps de la conquête romaine, les dialectes celtiques du nord de la Gaule étaient proches du brittonique insulaire, mais il y a cinq siècles d'écart, et pendant ces cinq siècles, l'influence de la langue du nouveau pouvoir s'est fait sentir, beaucoup plus que dans l'île de Bretagne, conquise plus tard, et où l'implantation romaine fut moins forte : le peuple, surtout dans l'ouest et le nord de l'île, ne connaissait que le brittonique. On ne peut pas dire non plus que la future Bretagne armoricaine fut peu romanisée : on a évoqué sur d'autres fils l'importance des sites de Carhaix et Douarnenez notamment, à l'époque gallo-romaine.

Ce qu'on sait aussi, c'est qu'entre le 5ème et le 7ème siècle, au moment de l'émigration, donc, le brittonique va perdre ses flexions et déclinaisons finales (qui existaient en gaulois comme en latin) à cause d'un déplacement de l'accent sur l'avant-dernière syllabe. Ceci va amener une modification de la syntaxe où c'est l'ordre des mots dans la phrase ainsi que le système des prépositions qui vont remplacer la flexion

Du coup, on peut se demander quel était le degré de compréhension entre un brittonique en pleine modification de structure et des parlers gaulois latinisés, ou inversement, du bas-latin galianisé (les deux langues étant proches l'une de l'autre, ça facilitait les emprunts). Compréhension possible, peut-être, facile, c'est moins sûr.

Il y a aussi un vocabulaire commun important entre le gallois moderne et le breton moderne, mais pas d'intercompréhension pour autant.

MessagePosté: Ven 13 Jan, 2006 22:26
de Rónán
Pour l'Irlande, j'aurais du parler aussi du ceili, équivalent de la gwerz bretonne, complainte à capella chantée en irlandais


:shock: Le céilí est un genre de soirée avec de la musique traditionnelle, l'"équivalent" du fest-noz breton... Les complaintes a capella irlandaises, ca s'appelle le sean-nós.

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 0:03
de Marc'heg an Avel
Salut,

" ... dans l'île de Bretagne, conquise plus tard, et où l'implantation romaine fut moins forte : le peuple, surtout dans l'ouest et le nord de l'île, ne connaissait que le brittonique".

Je m'excuse de faire fausse note, mais je demande à voir !

Sur les 36 unités listées composant la VIè Légion Victrix, sur le Mur, en positions arrières et en positions avancées, il y en a une seule portant un nom breton : la première cohorte Cornovienne, basée à Pons Aelius / Newcastle upon Tyne, sur la Mer du nord.

5 autres se distinguent par leurs fonctions : direction, défenseurs, explorateurs, sans indication de nationalité.

les 30 autres sont continentales : belges, gauloises, espagnoles, italiennes, dalmates, thraces...

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Plus tard, quand Gildas parle de 'la nostra lingua', il désigne la langue latine, langue de l'Eglise, et non la langue bretonne.

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Maxime était Espagnol !

De même qu'Ambroise Aurèle avait vécu un temps en Gaule.

Idem pour St Brieuc, qui a vécu son adolescence et au-delà dans le nord de la Gaule (Auxerre et Paris), avant de 'revenir' chez ses parents, du côté d'Aberystwyth.

JC Even :)

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 10:12
de Taliesin
Peseurt mod 'mañ kont ganeoc'h ? :D

ok, tu vas voir : voici ce que dit François Kerlouegan (les destinées de la culture latine dans la Bretagne du 6ème siècle. Recherches sur le De Excidio) :

"p. 6 : Kenneth Jackson reconstitue ainsi la situation linguistique en Bretagne insulaire sous l’Empire, c'est-à-dire juqu’au début du 5ème siècle : le latin était la langue des classes dirigeantes, de l’administration civile et de l’armée, de l’Eglise, du commerce et très largement des citadins. Les classes supérieures rurales étaient bilingues ; les paysans des Basses-Terres, qui constituaient la grande masse de la population, parlaient le breton et probablement un peu de latin. Quant aux Hautes-Terres, on y utilisait exclusivement le breton. Mais ce latin parlé n’était pas homogène. On peut supposer que les soldats, les commerçants, les citadins des classes moyennes et inférieures usaient d’un latin vulgaire semblable à celui du Continent. En revanche, ceux qui avaient fréquenté l’école, c'est-à-dire les membres des classes dominantes : riches citadins, clergé chrétien, aristocrates ruraux, parlaient ce latin particulier dont certains mots, par l’intermédiaire des propriétaires fonciers bilingues, passaient dans le breton des paysans et de la domesticité, latin marqué par des archaïsmes dus au conservatisme de l’école.

p. 7 : Le latin à certainement reculé comme langue parlée à partir de la fin du 4ème siècle. Quand, à la suite du départ des légions romaines, l’administration civile cède progressivement la place au type traditionnel du roi héréditaire et que les Saxons commencent à s’établir dans le Sud-Est, la civilisation latine se réfugie dans les Hautes-Terres.
Le latin parlé, sous l’Empire, ne concernait que les villes et l’aristocratie rurale, avec une tendance parmi les classes dirigeantes, à utiliser une prononciation conservatrice par rapport à celle du latin vulgaire standard. A l’époque de Gildas, le latin s’est réfugié dans l’Ouest et le Nord et n’est plus guère parlé que par le clergé. Mais c’est le même latin des gens bien nés, qui l’ont reçu par l’école."

Tu ne peux pas te baser sur une liste de légions pour savoir quelle langue était parlée par la population (le peuple n'est pas l'armée d'occupation). Tu ne peux pas non plus te baser uniquement sur la haute aristocratie militaire et le clergé : ceux-là étaient bilingues. De plus, Gildas est un mauvais exemple pour juger de la situation linguistique et de la place du latin dans l'île de Bretagne :

toujours Kerlouegan :
"p. 524 : Pour Gildas, la langue par excellence était le latin et, s’il parlait le breton, c’était pour l’usage le plus commun et pour s’adresser aux incultes.
p. 593 : Ainsi je pourrais définir le milieu de Gildas comme un milieu fermé, comme une tour d’ivoire : un milieu tourné vers Rome mais coupé de l’évolution de la Romania, un milieu coupé des autres Eglises bretonnes. Gildas donne l’impression d’un conservateur anachronique et de ce fait séparé. Il a lu des auteurs latins, mais il est coupé de la grande littérature classique. Il écrit un latin correct et même recherché, mais ce latin n’a pas de contact avec la langue vivante. Il reste fidèle à l’Empire, mais l’Empire a vécu et l’idéologie impériale est en sommeil. Il vit au milieu d’un peuple dont il n’accepte ni la civilisation, ni la culture."

Les dirigeants bretons qui ont organisé l'émigration n'avaient pas abandonné leur langue, comme l'a fait l'aristocratie gauloise après la conquête. Ils étaient bilingues. S'ils avaient adopté définitivement le latin, il n'y aurait pas eu de littérature galloise, et la langue bretonne n'existerait pas.
Le latin, pendant tout le moyen-âge, a conservé en Petite-Bretagne un statut officiel de langue écrite mais c'est tout. La langue parlée était le breton, même pour le clergé, ce qui explique les brittonismes dans les Vies de saints bretons en latin : les moines pensaient dans leur langue maternelle.

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 10:48
de Marc'heg an Avel
"Peseurt mod 'mañ kont ganeoc'h ? "

Mat awalc'h. Kement all d'it ! :wink:

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Il n'y a pas de contradiction entre nous. Mais il est indispensable de rappeler que la population britto-romaine n'était pas homogène comme tendent à le faire croire certains historiens bretons extrémistes.

Gildas fait bien triste figure dans ce tableau, et il n'a donc pas été inutile d'en parler, vu la 'publicité' qu'il a reçu et dont il bénéficie en P. Bretagne.

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On a tendance à oublier une chose, à savoir que Caernarvon, la métropole 'brittonante' du nord de l'actuel Pays de galles avait fourni un gros contingeant (Seguntienses) à Maxime en 383.

Beaucoup ont disparu lors de cette guerre, et une partie des survivants est restée sur le continent.

C'est pour combler ce vide que les responsables britto-romains ont fait venir dans ces contrées les fédérés (nord du Mur d'Hadrien) du clan de Cunedda : les Votadini / Manau Gododdin.

Ces gens, non citoyennement 'romains' avaient-ils conservé leur langue 'nationale' et l'ont ils importée en Galles du Nord.

... et ont-ils participé ensuite à une partie de l'émigration vers l'ouest de la Gaule armoricaine ?

Bon week-end bepred :wink:

JCE
:)

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 11:24
de Thierry
Taliesin a écrit:Ce qu'on sait aussi, c'est qu'entre le 5ème et le 7ème siècle, au moment de l'émigration, donc, le brittonique va perdre ses flexions et déclinaisons finales (qui existaient en gaulois comme en latin) à cause d'un déplacement de l'accent sur l'avant-dernière syllabe. Ceci va amener une modification de la syntaxe où c'est l'ordre des mots dans la phrase ainsi que le système des prépositions qui vont remplacer la flexion
.


Et bien voilà, comme quoi c'est bien de pousser des coups de gueule, on finit (enfin) par apprendre des trucs.

Peut on dès lors affirmer que le Breton naît de l'apport Brittonique sur un fonds de bas latin gallicisé dans le cadre d'un très fort phénomène de repli sur soi et d'une forte différenciation avec ce qui préesxistait entre le V° et le VII° siècle ?

N'y a t'il pas autre chose qui remonte plus loin ? Je vais sans doute dire une bêtise, mais comme tu le soulignes toi même, Taliesin, la région Bretagne n'est pas spécialement riche en traces d'occupation laténiennes - (apogée celte :roll: ) (même s'il y a Paule, même si les Osismes et les Coriosolites ont laissé en particulier de nombreuses pièces très intéressantes). Elle est par contre très riche en sites d'époques plus anciennes, signe d'une très riche culture préhistorique "atlantique" qui dépasse d'ailleurs sur le littoral européen le cadre de la péninsule.

Cette culture bien antérieure à l'expansionnisme celte est aujourd'hui confondue dans tous les clichés du celtisme moderne comme si tout ce qui était antérieur à l'écrit relevait des celtes.

Ma question est simple et sans doute bête pour un linguiste : n'y a t'il pas dans le breton, avec l'apport brittonique, les phénomènes postérieurs que tu décris et un fonds gallo-romain (malgré tout), des mots, des formules et des tournures empreints d'archaismes relativement inclassables qui pourraient tenir de la première culture atlantique relativement pregnante en Bretagne ?

Sinon, moi aussi, le soir, je préfère aller en concert qu'au musée, ça n'autorise personne à dire que la civilisation celte n'est pas la civilisation celte et qu'on peut se prétendre celte parce qu'on joue de la musique populaire bretonne.

Je vais te dire, les gens qui se prétendent celtes aujourd'hui, c'est comme chez moi les gens qui se prétendent vikings, ça me file des démangeaisons :twisted:

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 12:23
de Taliesin
Marc'heg an Avel a écrit:
C'est pour combler ce vide que les responsables britto-romains ont fait venir dans ces contrées les fédérés (nord du Mur d'Hadrien) du clan de Cunedda : les Votadini / Manau Gododdin.

Ces gens, non citoyennement 'romains' avaient-ils conservé leur langue 'nationale' et l'ont ils importée en Galles du Nord.

... et ont-ils participé ensuite à une partie de l'émigration vers l'ouest de la Gaule armoricaine ?


les Bretons du Nord avaient bien entendu conservé leur langue puisque la plus ancienne poésie galloise et les plus anciennes traditions brittoniques viennent justement de cette région.
Ils n'ont pas importé cette langue en Galles du Nord : elle y était déjà parlée. (différences dialectales, peut-être)
La majorité des émigrants venaient de Cornwall et du Devnon, seuls les chefs venaient de Galles, et surtout de Galles du sud pour le clergé (Llanwit Major).
Les principaux chefs de Galles du Nord, comme Maelgwn Gwynedd, ne sont à priori pas allés en Armorique. Si il y avait eu une émigration massive à partir de cette région, elle n'aurait sans doute pas pu rester indépendante jusqu'en 1284. Ce sont les princes du nord du pays de Galles (Merfryn, Rhoddry Mawr, Hywel Dda) qui vont reprendre l'héritage des Bretons du Nord au 10ème siècle, et l'utiliser pour légitimer leur pouvoir, en tant que descendants de Cunedda. Ce sont eux encore qui vont résister le plus longtemps à l'envahisseur normand.

Je vois à peu près où tu veux en venir : je ne suis pas non plus d'accord avec la thèse de Raude : il confond transmission de traditions (les traditions des Bretons du Nord étaient connues en Petite-Bretagne) et transfert de populations, comme d'autres confondent l'armée d'occupation et la population autochtone.

Au fait, à Caernarvon, on parlait aussi irlandais, si j'en crois ce que dit Guyonvarc'h dans "Les royaumes celtiques" (p. 58-59)

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Bonjour Thierry

Autre chose sur la naissance du breton : il n'y a pas de différences sensibles entre vieux-breton et vieux-gallois jusqu'au 11ème siècle : les gloses dans ces deux langues sont quasiment impossible à différencier, et il y a intercompréhension orale totale au 9ème siècle, quasi complète jusqu'au 12ème.
Ce qui veut dire que l'influence du bas latin gallicisé, ou du bas gaulois latinisé est resté somme toute bien faible.

Qu'est-ce que tu appelles "très fort phénomène de repli sur soi" ?
Dès le début de l'émigration (de la seconde vague), les Bretons s'installent dans le pays de Dol, et ils occupent une bonne partie de la Bretagne actuelle, sauf une enclave autour de Saint -Brieuc (d'où Judicaël délogera les Francs un peu plus tard), les régions de Rennes, Nantes et Vannes. Avant la fin du 6ème siècle, ils ont pris Vannes et commencent à s'installer dans la région de Guérande.
Dès le départ, ils sont en contact avec les Francs. Sans parler des moines bretons qui fondent des monastères dans le Nord (Josse) ou en Normandie (Samson), Tudual, évêque de Lisieux...


Pour la question d'un substrat pré-celtique dans la langue bretonne, là, je ne saurais trop te répondre.
Déjà, ce substrat devrait apparaître dans le gaulois (même s'il y a peu de traces par rapport aux monuments mégalithiques, les peuples gaulois occupant la future Bretagne sont quand même bien attestés) et dans le brittonique commun, c'est-à-dire dans les langues qui ont été en contact direct avec les langues pré-celtiques, aussi bien sur le continent que sur lîle de Bretagne.

Peut-être que Ronan en saurait un peu plus ? de toute façon, si je dis une ânerie, il va me corriger aussitôt :lol:

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 15:03
de Marc'heg an Avel
Re salut,

Personnellement, je ne cherche à en venir nulle part. Je ne cherche pas à faire du prosélythisme, ni vis a vis de personne, ni même vis à vis de moi même. j'observe ! ... et je t'observe. :wink:

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Pour ce qui concerne le clan de Cunedda, voici ce que j'ai glané concernant les noms de personnes :

Le nom de Cunedda est identifiable dans le nom de personne écossais Kenneth.

Les fils de Cunedda : Tybion, Osmael, Rumanus, Dunawd, Ceredig, Aflog, Einion Girth, Dogfael, Edern


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Certains de ces noms sont celtiques. D'autres sont d'inspiration latine, ou biblique, ce qui tend à indiquer que ce clan, non citoyen romain au départ, est en train de se 'romaniser' :

- Osmal : Ismael ?
- Rumanus,
- Dunawd : Donatus ?
- Edern : Aeternus ?

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En 1975, j'étais allé au Pays de Galles rencontrer William REES, auteur de l'ouvrage : An Historical Atlas of Wales, dans lequel il mettait en relation des noms de contrées du Pays de Galles avec les noms de personnes du clan de Cunedda :

- Osmaeliaun,
- Rhufuniog,
- Ceredigion,
- Edernion,
- Dunoding,
- Afloegion,
- Dogfaeling,

Je mettrai sa carte en ligne dès le début de la semaine prochaine.

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... pour lui parler d'une série de toponymes en Petite Bretagne, le long de la route rejoignant les fonds d'estuaires du Jaudy (La Roche-Derrien, mon pays natal), et le Léguer (Lannion, la ville où j'e travaille depuis 40 ans).

Il y a un groupe de toponymes près de Cardigan / Ceredigion : Llangoet-Mor, Llanyfillin, Llanddoch (= St Dogmael's).

Il y a, le long de la route gallo-romaine de La Roche à Lannion : Langoat, Coz Caradec, Lanvilin ( = Lanmérin), St Dogmael, en Rospez. Au nord de cette route, sur la crête opposée, il s'y trouve Coatreven.
Au sud, près de la grande route gallo-romaine de La Roche à Carhaix, il y a Pluzunet (Plebs i Dunet).

J'observe ! :wink:

JCE :)

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 15:20
de Thierry
"Très fort repli sur soi".

Ce qui m'inspire cette réflexion c'est l'idée qu'il n'y a que très peu de lien entre le Breton et les langues parlées des voisins, y compris bretons aussi.

Qu'est ce qui historiquement a pu générer une telle rupture ? l'apport Brittonique bien sûr, mais est ce suffisant pour comprendre, surtout justement que l'influence brittonique comme tu le soulignes s'étend bien au delà de la Cornouaille, du Trégor, du Léon et du pays vannetais, voire, comme tu le soulignes aussi a une véritable influence culturelle sur la Normandie et plein d'autres régions de l'occident médiéval (nos saints sont aussi vos saints) puisqu'en fait la véritable évangélisation dans nos campagnes est attribuée massivement à des Bretons qui ont laissé leurs noms un peu partout.

L'idée d'un repli n'est pas un élément d'explication, finalement tu as raison, car l'époque entière est au morcellement territorial et au repli politique jusqu'à la plus petite structure politique possible; ce phénomène n'étant pas spécifique à la Bretagne de l'Ouest ne doit pas être une explication de la structuration linguistique.....

Bon alors, l'apport Brittonique d'accord, un tronc commun avec le Gallois; le Pays de Galles générant pourtant peu de migrations, OK est ce suffisant pour expliquer une telle distanciation lingusitique alors que par exemple entre le Cénoman, parler du Maine, et le Gallo, je présume qu'il y a l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette ? :roll:

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 16:02
de Muskull
Se rappeler que la Bretagne armoricaine, densément peuplée à l'époque gallo-romaine avait vu sa population retomber au niveau de l'âge de fer suite aux piratages et aux bagaudes (P.R. Giot). Les bretons sont arrivés sur des terres libres pour la plupart où l'infrastructure sociale était à reconstruire. Ceci explique celà. :wink:

Qu'observes-tu Jean Claude, la Manche qui onduloit et les vaisseaux qui vogoient ? :D

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 17:42
de Taliesin
eh !!! vous allez me tuer à la tâche ! à chaque fois, il faut que je réponde à deux posts !!!

JC > la mode d'emprunter des noms étrangers n'indiquent pas forcément un changement de langue. Cela peut être une indication de bilinguisme, plus sûrement la marque du prestige lié à la langue et à la culture à laquelle on emprunte les noms.
De plus, les chefs brittons ont pendant une bonne période porté des noms "doubles" britto-romains, comme Marcus Aurelianus Chonomorus par exemple, sans pour cela abandonner leur langue maternelle. Le monolinguisme est un concept récent franco-françouais.

Quant aux toponymes gallois ou corniques communs à la Bretagne armoricaine, on pourrait en trouver des milliers.

Thierry > Je dirais que la distance est due à une différence de rang social entre les deux langues bretonne et romane sur le territoire de la Bretagne, et plus particulièrement dans ce qu'on appelle la "zone mixte" où breton et roman ont coexisté pendant plusieurs siècles. Cette zone se situe entre la ligne Loth (extension maximale de la langue bretonne au 9ème siècle) et la frontière linguistique après le recul du breton entre le 10ème et le 13ème-14ème siècle. Dans cette zone, la majorité de la population parle roman (gallo) mais le breton est la langue des dirigeants. Or, il semble qu'il y ait eu peu de contacts entre les deux. Au milieu du 9ème siècle, un chef breton d'Anast (auj. Maure-de-Bretagne, Haute-Bretagne, au nord de Redon), Anauuareth, se rend à l'abbaye Saint-Maur de Glanfeuil en Anjou pour y faire une donation de terre. Il est bien embêté, parce que, s'il sait le latin et le breton, il ne connaît pas du tout le roman, alors qu'il vit dans une zone de langue romane. A la même époque, à Bain, à côté de Redon, deux soldats bretons sont dénoncés au Francs par des habitants du secteur, Bretons de langue romane, qui considéraient les Bretons bretonnants comme des étrangers, et même comme des ennemis. Encore au 11ème siècle, dans une charte établie à Nantes sous Alain Fergant, le scribe fait bien la différence entre les témoins bretons et les Nantais (alors que Nantes est en territoire breton depuis le milieu du 9ème siècle). S'il y a eu au 10ème siècle des ducs bretons originaire des comtés de Rennes et de Nantes, ils n'ont jamais vraiment gouverné de fait sur l'ensemble de la Bretagne.
Mieux encore : lorsque les élites bretonnes ont commencé à se franciser à partir du 11ème siècle, ils ne l'ont pas fait en adoptant le gallo, mais les parlers romans d'Anjou, du Maine et de Normandie, c'est-à-dire les parlers de leurs suzerains (à l'époque, surtout dans les zones de marche, et en pleine montée du système féodal, il était fréquent de jouer la carte de l'un ou l'autre suzerain, breton ou normand, par exemple, pour acquérir de l'autonomie) et de leurs épouses. C'est à cette époque aussi que de nombreux seigneurs bretons sont partis en Angleterre et en Italie avec les Normands, ou se sont implantés en Maine, Anjou, Touraine.

D'un autre côté, et pendant très longtemps (16ème siècle pour le Cornwall), les contacts ont été constants avec la Grande-Bretagne.

Est-ce que le français a emprunté beaucoup de mots au breton et a été influencé par lui ? Non, car le français a toujours été langue dominante en Bretagne (je fais ici la différence entre "français" = langue standard unifiée au moins à l'écrit, et "parlers romans" = dialectes de la langue d'oïl - Et langue dominante = langue des élites et du pouvoir, et pas forcément langue la plus parlée).
Si on retourne la proposition pour le haut Moyen-Âge, où c'est le breton qui est la langue dominante en Bretagne (= la langue des élites et du pouvoir), avec le latin pour l'écrit, on comprend mieux pourquoi il y a si peu de liens entre le breton et le gallo.

Maintenant, peu de liens ne veut pas dire aucun lien, ni aucun emprunts ou influences. Sur le plan du vocabulaire, il y a des mots romans dans le cartulaire de Redon, à partir du 9ème siècle, mais il vont surtout être empruntés à partir du 11ème. Côté phonologie, il y a le problème du dialecte vannetais : influence romane, gauloise, évolution propre, la question reste en suspens. Mais le breton de l'est, le long de la frontière linguistique, a été influencé assez tôt (10ème siècle) dans sa prononciation par le gallo et cette influence s'est bien sûr renforcée ensuite, lorsque le breton a commencé s'éteindre dans la zone mixte. De même, il semble bien que le gallo de l'ouest ait lui aussi subi l'influence du breton, il y a d'ailleurs plusieurs dialectes gallos, je crois. Mais des influences sur la prononciation n'entraîne pas pour cela une intercompréhension.
Entre parenthèse, le gallo a été beaucoup moins étudié que le breton : il n'y a pas de département gallo à l'université de Rennes. ça n'intéresse pas les celtisants, parce que ce n'est pas une langue celtique, ça n'intéresse pas non plus les romanistes, puisque c'est une langue bretonne (de Bretagne).

Enfin, même si le roman comporte un substrat gaulois non négligeable, il n'en demeure pas moins que le breton est une langue celtique, alors que le gallo est une langue romane. Le brittonique a emprunté du vocabulaire au latin, mais c'est tout.
Encore une fois, il faut regarder la chronologie : le brittonique est encore proche du celtique continental (gaulois du Nord, et probablement aussi de l'Armorique : les Brittons sont alliés des Vénètes) vers 50 av. JC. A partir de cette époque, la situation est complètement différente des deux côtés de la Manche. Les Brittons émigrent cinq siècles plus tard. Quand on voit que la Basse-Bretagne a changé de langue en trois générations, cinq siècles c'est largement suffisant pour que le latin remplace le gaulois. Car là, il ne s'agit pas d'influence, mais d'un changement de langue, avec conservation d'une part de vocabulaire, de traits phonétiques, et de certaines tournures, un peu comme dans le français de Basse-Bretagne.
A l'arrivée, roman et breton sont donc deux langues différentes, parlées par des catégories sociales différentes, dont l'une domine l'autre. Et vice-versa à partir du 11ème siècle.

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 17:55
de Taliesin
Ah, v'là l'ami Muskull

si on va plus loin dans ta voie, on pourrait penser que la population civile s'est en bonne partie réfugiée à l'est, laissant l'ouest aux militaires chargés de garder les ports. (c'est à dire aux alliés britto-romains de Rome)
C'est clair que s'il y avait eu une population gallo-romaine importante, il y aurait eu aussi un clergé en rapport avec le nombre d'habitants, avec une organisation forte semblable aux évêchés de Rennes, Nantes et Vannes. Or, au moment de l'émigration, cette organisation n'existe plus, sinon, les paroisses bretonnes se seraient créées sur le modèle du clergé gallo-romain, et pas sur celui des chrétientés celtiques.

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 17:59
de Muskull
Ce à quoi je peux rajouter, bien qu'en étant aucunement linguiste, que la basse bretagne n'avait que peu d'intérêt économique, ce qui fait que les francs leur ont fiché la paix jusqu'au Front Populaire. :twisted:

C'est une joke, ne la prenez pas au sérieux. :wink:

Mais n'empêche, si la maladie était tombée sur la patate en Cornouailles comme elle est tombée en Irlande, les bretons seraient presque tous du côté de la Grande Pomme à's't'heure. A quoi tiennent les cultures.... :?

MessagePosté: Sam 14 Jan, 2006 18:12
de Muskull
Salut ami Taliesin, on s'est un peu croisé...
Les élites sont parties vers l'Est, c'est sûr, il en avaient les moyens, mais dans l'anarchie ambiante, les pillages, les plus vulnérables ont péris sur place, de faim ou de maladies dues à la faim...
Le "mauvais vent de Mai soufflait"...
On survécu les "autarciques", ceux à qui on avait rien à voler, les belles brebis des moines importés qui voulaient qu'un certain ordre revienne. Ils les ont beaucoup aimé pour celà, pour la sécurité qu'ils ramenaient...