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Migrations marines

MessagePosté: Mer 29 Déc, 2004 17:40
de Muskull
LES VÉNÈTES

"Peuple que les Grecs nomment Hénètes, et dont Homère parle dans L’Iliade, les Vénètes forment une des branches indo-européennes des grandes migrations du XIIIe siècle B.C. Certains d’entre eux ont même essaimé jusqu’à Vannes et en Grande-Bretagne. On les retrouve aussi en Baltique, et dans le bassin de la Vistule. Leur langue était un dialecte indo-européen qui est connu par quelque deux cents inscriptions. Elle avait de grandes affinités avec le latin."

A partir de ce très court extrait d'un article de Joël Schmidt dans l'E.U. , je vous invite à considérer ou a reconsidérer ce "serpent de mer" de l'archéologie protohistorique...
1- Les Vénètes italiotes sont-ils issus d'une migration d'un peuple balte ?
Après tout Kruta atteste la migration des Boïens sur une trajectoire à peu près similaire qui correspond en fait à la vieille route de l'ambre / sel.
2- Ces mêmes Vénètes italiotes sont-ils à l'origine de la thalassocratie armoricaine ?
Là les signes archéologiques semblent plus probants, créations de "comptoirs" dans le golfe du Morbihan, la baie d'Audierne et les abers du Léon dans un premier temps puis prise en mains du commerce hauturier vers les îles.
3- La diffusion culturelle chez les Osismes où cette même systématique de protéger les biens les plus précieux dans des îles est similaire à celle utilisée par les Vénètes italiotes, les Vénètes du Morbihan.
Les dernières recherches archéologiques à Ouessant qui définissent clairement une surpopulation par rapport aux ressources écologiques de l'ïle est patent en ce sens.

MessagePosté: Jeu 30 Déc, 2004 12:23
de Patrice
Salut,

Sur le sujet, il faut lire l'article de Jean Loicq, "Sur les peuples de nom 'Vénète' ou assimilé dans l'Occident européen", Etudes Celtiques, 2003, XXXV, p. 133-166.

Voici la liste qu'il donne (sans les détails, pour ne pas piller l'article):
- Wan-na-at-ti-ja-ta, nom hittite d'une source en Syrie du Nord
- Les Vénètes (Vénèdes) d'Europe centrale et orientale: localisation variable selon les auteurs antiques (sur la Vistule, entre les Germains et les Sarmates, golfe de Gdansk...)
-Les Enetoi de Paphlagonie, cités par Homère
-Les Vénètes des Balkans. On connaît en fait seulement la forme Enetoi, comme en Paphlagonie. C'est une tribue illyrienne
-Les Vénètes italiques, ceux qui ont donné "Venise". Les Grecs les désignent sous le nom de Enetoi.
-Les Venetulani, petit peuple du Latium
-Les Veneti d'Armorique
-Les Venetonimagenses, mentionnés sur trois inscriptions découvertes dans les environs de Vieu, dans l'Ain, sur le territoire des Ambarres. Correspondrait à un pagus de *Venetones.
-Un pagus Vennectis, chez les Rèmes: la région de Laon.
-Les Pictes Venicounes, mentionnés par Ptolémée
-Les Venicnioi, dans le Donegal irlandais, toujours mentionnés par Ptolémée.
-La Venedotia (Gwynedd), dans le Nord-Ouest du Pays de Galles, probable souvenir de Venedi ou Venedoti.
-Les Vennones / Vennonetes / Vennonenses, peuple rhétique des Alpes.
-Les Veneni, du Piémont italien
-Les Venisami, communauté des Alpes cottiennes
-Les Venostes, des Alpes
-Le Venetus Lacus, nom donné à une partie du lac de Constance par Pomponius Mela
-Les Vennenses, peuple de Tarraconaise.

Voilà, c'est l'inventaire le plus exhaustif à ce jour. C'est en définitive très hétéroclite sur le plan étymologique.
Je vous laisse le soin de consulter l'article pour voir les détails linguistiques. Il y a peu de chance pour qu'il s'agisse d'une origine commune. Il est plus probable de voir là un vieil étymon indo-européen appliqué à des peuples différents.

A+

Patrice

MessagePosté: Jeu 30 Déc, 2004 13:35
de Gwalchafed
Et les Wends baltes ?

MessagePosté: Jeu 30 Déc, 2004 15:49
de Orgenomeskos
On les retrouve aussi en Baltique, et dans le bassin de la Vistule. Leur langue était un dialecte indo-européen qui est connu par quelque deux cents inscriptions. Elle avait de grandes affinités avec le latin."


Si il y a un linguiste dans le coin, il serait interessant de voir s'il est possible de rapprocher cette langue de la langue ni celtique, ni germanique de Belgique et d'Allemagne de l'Ouest que B. Sergent rapproche également du Latin (cf. fil étymologie du mot menapii)

MessagePosté: Ven 31 Déc, 2004 2:34
de Patrice
C'est là que le bas blesse dans cet article de l'Encyclopédia Universalis...
Jamais tous ces "Vénètes" n'ont parlé la même langue.
Les Vénètes de l'Adriatique ont parlé une langue incontestablement italique, les Vénètes d'Armorique sont des Gaulois. Ceux l'Illyrie, ma fois l'Illyrien, qui est une mosaïque de langues dont certaines sont italiques
Ceux des Alpes se partagent entre les Rhètes (que les auteurs antiques rapprochent des Etrusques) et les Celtes.
On ignore la langue des Enetoi de Paphlagonie.

Bref, c'est indo-européen. Mais à part ça, pas de langue commune. Donc il y a peu de chance qu'on ait une filiation entre ces peuples.

A+

Patrice

MessagePosté: Sam 01 Jan, 2005 17:04
de Muskull
Je pense qu'il y a effectivement très peu de chance...

Mais Strabon et Pythéas nomment les Osismii "Ostimiens" or il semble y avoir aussi des Estes ou Oestii dans les régions baltes et les Estes d'Italie du Nord et à chaque fois ils sont voisins.
Coïncidences troublantes...

Dans le cas de l'installation de seulement quelques familles il est probable que l'impact linguistique soit mineur, les migrants utilisant la langue indigène en leurs échanges, seuls quelques termes associés à de nouvelles technologies (en ce cas maritimes) passant dans cette langue.

L'archéologie (P-R Giot) signale l'arrivée de quelques populations exogènes qui a culminé vers - 450 et il les qualifie "d'alpines".
Différentiel d'inhumations sur les mêmes nécropoles littorales, copies en céramique puis en métal de situles (seaux votifs typiques des italiotes), introduction dans les symboles décoratifs du cercle pointé...
Tout cela ne révèle pas une migration de masse mais la temporaire installation de petits groupes (techniques ?) sur un lieu crucial de la route de l'étain.

Un site très intéressant sur la navigation de Pythéas :
http://marseille.pytheas.free.fr/navig/ ... etagne.htm

MessagePosté: Dim 02 Jan, 2005 14:45
de Sogoln yg Ysca
Patrice a écrit:les Vénètes d'Armorique sont des Gaulois.

Il me semble que César ne comptait pas les Vénètes et les Namnètes parmi les Gaulois (je dis ça de mémoire, il faut que je relise mes classiques) ce qui a été un argument avancé par les tenants d'une relation entre Vénètes d'Adriatique, Vénètes d'Armorique et Wendes de la Vistule.

La Vénétie armoricaine aurait été une étape à mi-chemin de la route maritime de l'ambre (la route terrestre passant par le col du Brenner et débouchant en Vénétie adriatique).

Alors évidemment, il doit y avoir moyen de cerner le problème avec quelques questions basiques :
    • Si cette migration a effectivement eu lieu, à quand remonterait-elle ? Et dans quel sens aurait-elle eu lieu (de la Baltique vers l'Adriatique ou l'inverse) ?

    • S'agirait-il d'une migration ou d'un simple établissement de "comptoirs" avec échange culturel mais sans réel mouvement de population ?

    • A-t-on jamais trouvé trace de bijoux comportant de l'ambre en Vénétie armoricaine ?

    • Que nous disent les traces épigraphiques en Vénétie armoricaine sur la langue locale avant la conquête romaine ?

MessagePosté: Dim 02 Jan, 2005 18:52
de Muskull
L'apparition de l'ambre de la Baltique chez les Etrusques date du 8° siècle (before of course) ce qui pourrait correspondre à l'ouverture de la première route commerciale Sud / Nord en occident...
En Bretagne armoricaine on a retrouvé un "bracelet d'archer" en ce même ambre à Kernonen en Plouvorn daté d'environ - 1500 mais les routes maritimes dans la Manche sont attestées dès le campaniforme.

Il semble y avoir déplacement de populations dans le sens Nord / Sud suite à une rupture climatique vers - 800, - 700 (sources à vérifier de ma part :? ) mais de simples "comptoirs" en Bretagne armoricaine (apogée - 450).

L'épigraphie est des plus rare en Armorique à cette époque et la plus connue ne présente rien d'italique pour les linguistes et est bien gauloise.
Message de Sedullos "piqué" à Arémorica :wink:
Salut à tous,

Eburo,l'inscription est étudiée aux pages 177-181 du RIG II, Fascicule 1.

Il s'agit bien d'un texte gaulois,et la stèle selon Michel Lejeune a été érigée par les Vénètes du Morbihan.
Giot a été le premier à suggérer qu'il s'agissait de gaulois. Gildas Bernier est le linguiste qui a publié l'édition princeps dans les Annales de Bretagne LXXVII, 1970, p.655-667, suivie d'une notice de Michel Lejeune, p. 669-672.
Les relevés sont conjecturaux : Lejeune parle d'un "notable coefficient d'incertitude".

Voici le relevé :

1 VABROS
2 [---] AT ou ...ANT ou ....AVT
3 ATREBO
4 AGANNTO
5 BODURN ou ...RIV
6 EOGIAPO

Michel Lejeune évoque aussi l'inscription en onciale carolingienne destinée selon lui à exorciser un monument païen.

MessagePosté: Lun 03 Jan, 2005 0:00
de Tectosage
Muskull a écrit:
Il semble y avoir déplacement de populations dans le sens Nord / Sud suite à une rupture climatique vers - 800, - 700 (sources à vérifier de ma part :? ) mais de simples "comptoirs" en Bretagne armoricaine (apogée - 450).

[/quote]

Bonsoir Muskull,
Ces "comptoirs" évoluerons suffisamment pour former une population identifiable et assez considérable pour constituer une force commerciale et guerrière, semble-t-il. C'est une population côtière de marins n'est-ce pas ? J'essai parfois de me représenter ce peuple celto-vénète tel qu'il vivait sur nos côtes bretonnes.
Que sait-on des ports ?
Je suppose (sans aucune réfrence archéologique) qu'il devait y avoir des embarcadaires faits de poteaux en bois enfoncés dans les fonds marins ? A moins qu'ils aient utilisé des ports naturels mais il y en a peu dans la régions de Vannes. Je pense à la Roche Bernard, y a-t-il des informations sur ces hypothèses ?

Cordialement Tecto.

Venétie

MessagePosté: Mar 04 Jan, 2005 11:49
de ejds
Ah bravo Muskull de relancer ce fil piraté à Thierry, mais qui de toute façon partait à la godille (le fil, je veux dire :lol: ) : Migration Vénète ? :

http://forum.arbre-celtique.com/viewtopic.php?t=1679

Il faut surtout lire les commentaires proposés par Lallemand dans ses
Noctes Gallicanae, Campagne de César dans la Venétie armoricaine : :?

http://www.noctes-gallicanae.org/Lallem ... emand5.htm

Arrêtons-nous ici et constatons d’un regard les résultats de notre périple à travers les siècles pour rechercher l’origine des Venètes et de leur puissance commerciale. Fraction de ce peuple primitif qui donna à la Gaule comme aux îles Britanniques et à celles de la Baltique leurs premiers habitants, ceux qui s’y disaient autochthones. Nous avons reconnu que l’identité des langues comme celle des monuments établissait leur origine commune et justifiait le nom de celtique donné à leur langue comme à leurs monuments. L’origine celtique et armoricaine des Venètes de l'Adriatique, malgré les préjugés contraires, nous a été prouvée comme leur établissement contemporain de celui de la Vil-Ombrie par les vieux Gaulois antérieurement à l’invasion de Bellovèse de 587 ; ces Venètes armoricains initiés à la navigation commerciale par les Phéniciens ainsi que le prouve le type macédonien de leurs monnaies celtiques, leur succédèrent dans cette navigation sur les côtes occidentales et septentrionales de l’Europe peu après les voyages d’Himilcon et de Pythéas et n’attendirent même pas pour s’en emparer la ruine de Carthage et de ses colonies ibériennes ; enfin nous avons reconnu la route que suivaient par terre leurs convois, depuis Corbilon ou Venetia, leur entrepôt vers l’embouchure de la Loire jusqu’à Marseille et Narbonne ; celles que les progrès de la navigation fluviale firent adopter par la Garonne et par la Loire, jusqu’à ce que César vînt tout frapper au cœur en détruisant chez les Venètes la puissance maritime et commerciale des Gaulois et transporta de chez les Celtes gaulois chez les Belges, jusqu’alors étrangers au commerce, le transit des îles Britanniques. Ces résultats sont assez importants pour nous faire pardonner, nous l’espérons du moins, l’extension donnée à cet article malgré l'intention contraire de nous renfermer dans de plus étroites limites, exprimée par nous en le commençant.

Vannes, le 1er Février 1861.

MessagePosté: Mar 04 Jan, 2005 20:21
de Muskull
Hello ejds ! :)

Avant d'essayer de répondre à Tecto, voici un fil chez Luern :wink: :
mais comment k'c'est'y que l'on va sur l'eau en ces temps là ?
http://www.gaulois.org/forum-aremorica/ ... m=1&page=0

Très intéressant, et à "éplucher" (voir les liens) jusqu'au bout, il y a aussi des dessins de vaisseaux vénètes...

Adrias

MessagePosté: Mar 04 Jan, 2005 23:38
de ejds
Embarquement demain matin, quelques surprenantes découvertes livresques en vue. Passez pas quand même la nuit à papoter au bord de l'eau, Muskull et Tecto ! :lol: :lol:

Polybe de Mégalopolis (vers 200 – 125/120 av JC), Histoires, livre premier, parlant des Vénètes italiotes du côté de l’Adriatique (Adrias) :
XVII. Les contrées qui se rapprochent de l’Adrias étaient occupées par une autre nation tout à fait ancienne, les Vénètes, comme on les nomme, différant peu des Celtes par les coutumes et le vêtement, mais parlant une autre langue. Les faiseurs de tragédie ont fait sur ces peuples maints récits avec maints détails merveilleux.

e.

MessagePosté: Mer 05 Jan, 2005 10:19
de Muskull
Cesar dixit, Livre III :
"Ce dernier peuple est le plus puissant de toute cette côte maritime. Les Vénètes possèdent un grand nombre de vaisseaux sur lesquels ils commercent en Bretagne et surpassent leurs voisins dans l’art de la navigation. Ils occupent d’ailleurs sur cette mer vaste et orageuse, le très petit nombre de ports qui s’y trouvent et rendent tributaires presque tous les navigateurs étrangers."

Très petit nombre de ports donc et parmi ceux-ci, Groix, Locmariaquer et Vannes semblent attestés.
La particularité des coques à clins est de pouvoir naviguer sur les hauts fonds et aussi de résister au roulis en pleine mer. Les abris ne manquent pas sur la côte bretonne, estuaires, rias et autres abers permettent l'accès à marée haute et le "stationnement" sur béquilles à marée basse.

De plus, leurs bons termes avec les autres peuples de la péninsule devaient leur ouvrir les ports de ceux-ci en cas d'intempéries ou pour le commerce.

Par ailleurs, les vénètes baltes semblent considérés comme slaves ou proto-slaves par les historiens :
"Aujourd’hui, on admet généralement que le berceau des Slaves se situe entre la Vistule, le Dniepr (Dnepr) et les Carpates. Cela s’accorde assez bien, d’une part, avec les quelques indications les concernant (sous le nom de oidinoi ou Venètes) fournies par les auteurs anciens, Ptolémée, Pline et Tacite, d’autre part, avec la tradition polonaise ancienne qui veut que les Polonais aient évolué sur le même territoire depuis les origines, et enfin avec les données de l’archéologie. Ces dernières attestent l’existence d’une puissante civilisation lusacienne dont on ignore en fait les créateurs, mais qui incontestablement s’est trouvée en rapport avec les Slaves, soit qu’elle ait été leur œuvre, comme le pensent les savants polonais, soit qu’elle ait été l’un des facteurs décisifs dans leur formation, comme le croient les savants russes ; civilisation qui a été, sinon anéantie, du moins fort ébranlée au Ve siècle avant J.-C. par l’invasion des Scythes, dont on peut reconstituer la marche à partir des traces d’incendies et de ruines."
Denise EEckaute, maître assistant à l'institut des langues et civilisations orientales, E.U.

Je suppose donc qu'en cas de migration importante en Italie, les linguistes auraient retrouvé des traces "slaves" en Vénétie...

Trafic

MessagePosté: Mer 05 Jan, 2005 12:25
de ejds
Trafic
Le trafic intercontinental, longues distances, du commercial en gros implique le principe d’un acheminement structuré et fiable, d’une lente mise au point de moyens de transport et contrôle permanent de comptoirs routiers ou marins, principaux et secondaires, de l’échange, du troc d’abord puis de la monnaie.
Selon Tacite, les Vénètes frontaliers avec la Germanie, aux mœurs primitifs de coureurs à pied et de brigands, font preuve de piètre compétence dans l’art du commerce et de la voile.
Par contre, les entreprenants Vénètes italiotes, par leurs imprégnations méditerranéennes, leurs savoirs-faire et leurs héritages séculaires, possédaient, d’abord, une réputation de dresseurs de chevaux en renom dans l’Hellade et d’éleveurs de mules et mulets, indispensables pour le transport terrestre. L’on trouvera d’ailleurs trace de ces longues caravanes sur les légendaires routes de l’étain lorsque la navigation fait défaut par voie fluviale en Gaule.

Petit trot. Faisons parler les textes tout d’abord ! :shock: :shock:

MOEURS DES GERMAINS.
De ces voyages en terres germaniques à la fin du premier siècle après JC, Tacite mentionne les Vénètes ou Vénèdes…:

http://remacle.org/bloodwolf/historiens ... rmains.htm

XLVI. Les Peucins, les Vénèdes et les Fennes (1), sont-ils des nations germaniques ou sarmates ? je ne saurais le dire. Toutefois les Peucins, que quelques-uns nomment Bastarnes, ont le langage, l'habillement, les habitations fixes des Germains. Tous végètent dans l'inertie et la malpropreté ; les principaux, en se mêlant par le mariage avec les Sarmates (2), ont contracté quelque chose de leurs formes hideuses.
Les Vénèdes ont pris beaucoup de leurs mœurs. En effet, tout ce qui s'élève de montagnes et de forêts entre les Peucins et les Fermes, les Vénèdes l'infestent de leurs brigandages. On incline cependant à les compter parmi les Germains, parce qu'ils se construisent des cabanes, portent des boucliers, aiment à se servir de leurs pieds et même se piquent de vitesse, différents en tout cela des Sarmates, qui passent leur vie à cheval ou en chariot. Quant aux Fennes, ils étonnent par leur état sauvage et leur affreuse pauvreté. Chez eux point d'armes, ni de chevaux, ni de foyer domestique. Ils ont pour nourriture de l'herbe, des peaux pour vêtement, la terre pour lit. Toute leur ressource est dans leurs flèches, qu'ils arment, n'ayant pas de fer, avec des os pointus. La même chasse nourrit également les hommes et les femmes : car celles-ci accompagnent partout leurs maris, et réclament la moitié de la proie. Les enfants n'ont d'autre abri contre la pluie et les bêtes féroces que les branches entrelacées de quelque arbre, où leurs mères les cachent. C'est là que les jeunes gens se rallient, que se retirent les vieillards. Ils trouvent cette condition plus heureuse que de peiner à cultiver les champs, d'élever laborieusement des maisons, d'être occupés sans cesse à trembler pour leur fortune et à convoiter celle d'autrui. Ne redoutant rien des hommes, ne redoutant rien des dieux, ils sont arrivés à ce point si difficile de n'avoir pas même besoin de former un vœu. Tout ce qu'on ajoute encore tient de la fable, par exemple, que les Helluses et les Osiones ont la tête et le visage de l'homme, le corps et les membres de la bête. Je laisserai dans leur incertitude ces faits mal éclaircis.


1. Les Vénédes, prés du golfe de Dantzik, au sud des Fennes.
2. Ce nom remplaça celui de Scythes, et fut appliqué, comme ce dernier, à un grand nombre de peuples divers, répandus entre les monts Karpathes, le bas Danube et le Pont-Euxin, s'étendant à droite vers le Caucase et le Volga, et à gauche dans tout le nord-est de l'Europe, jusqu'à la mer Baltique.


~ ° ~
Les Slaves, des origines aux premières principautés
Ces Vénètes ont fait l’objet d’étude par Michel Kazanski, chargé de recherche au CNRS au Centre d’histoire et civilisation de Byzance :

http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/Les_Sla ... pautes.asp

La question des origines : témoignages écrits…
Les témoignages écrits les plus anciens sur les Slaves, ou leurs ancêtres directs, semblent confirmer cette hypothèse. L’auteur romain Tacite mentionne, vers 98 après J.-C., des Vénèthes (Venethi), un peuple qu’il situe à la frontière entre le monde germanique sédentaire d’Europe centrale et celui des nomades sarmates de la steppe d’Europe orientale. Tacite ne savait pas à quel peuple rattacher ces Vénèthes : d’une part ceux-ci sont sédentaires et se battent à pied, comme les Germains, mais d’autre part ils ont un penchant regrettable pour le brigandage, comme les Sarmates. Pratiquement tous les chercheurs s’accordent sur le fait qu’il s’agit là du texte le plus ancien évoquant les Slaves, même si à l’époque antique existaient un certain nombre de peuples non slaves désignés par des noms semblables, comme les Vénèthes de l’Anatolie, ceux de la mer Adriatique ou encore ceux de la Bretagne. Cependant, Jordanès, auteur du VIe siècle de notre ère, confirme clairement que ces Vénèthes d’Europe orientale ne sont autres que les Slaves ; d’ailleurs, à l’époque médiévale, les Allemands et les Finnois donnaient encore ce même nom de Vénèthes à leurs voisins slaves.

…et vestiges archéologiques
Une série des sites archéologiques, dits de « la civilisation de Zarubincy tardive » – d’après le nom du village ukrainien près de Kiev, où l’on a trouvé ses premiers vestiges – ou « post-Zarubincy » sont attribués à ces Vénèthes dont parle Tacite. Ces sites ont été mis au jour dans le bassin du Dniepr, en Ukraine septentrionale, ainsi que dans les régions limitrophes de Biélorussie et de Russie. Il s’agit d’habitats non fortifiés, qui se caractérisent par une courte durée d’occupation. Ils comportent, en outre, de petits cimetières contenant des tombes à incinérations – avec les restes de crémation des défunts. Le caractère temporaire des sites de « post-Zarubincy », ainsi que les traces nettes de l’expansion de cette population vers le nord, dans la région du haut Dniepr, en Biélorussie, et de la haute Oka, en Russie centrale, confirment le témoignage de Tacite sur la grande mobilité des Vénèthes, comme sur leur capacité à mener des raids lointains.
Les données archéologiques montrent qu’au début de notre ère la civilisation des Vénèthes englobe différents éléments culturels, originaires de l’Europe centrale celtisée et germanisée, ainsi que d’autres, typiques des populations de la zone forestière de l’Europe orientale. Cette hétérogénéité prouve que la civilisation des ancêtres des Slaves est alors en pleine formation. Ce processus s’achève vers le IIIe siècle quand, dans le bassin du haut Dniepr apparaît une civilisation relativement homogène, dite de Kiev – car ses premiers sites se trouvent autour de la capitale ukrainienne – appartenant aux descendants directs des Vénèthes de Tacite, une population nombreuse ayant une mode de vie stable, basée sur l’agriculture. Leurs voisins au nord sont les peuples des zones forestières, finnois et baltes, et au sud les Sarmates et les Alains, deux peuples iranophones de la steppe russo-ukrainienne.

e.

MessagePosté: Mer 05 Jan, 2005 13:44
de Pan
Patrice a écrit:C'est là que le bas blesse dans cet article de l'Encyclopédia Universalis...
Patrice


Tu n'es décidément pas un âne, cher Patrice :D :wink: . Ce n'est pas la première fois que je t'y prends :x . Le bât que l'âne porte s'orthographie comme cela :roll: , du grec bastazein, "porter un fardeau".

Il y a les ânes culottes et les chercheurs qui portent des bas :lol: et qui se blessent avec (attention aux jartelles :P ), il faut de tout pour faire un monde :shock: .

Allez, sans rancune, et excusez-moi pour l'aparté.