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leuga, grande lieue gauloise

MessagePosté: Lun 19 Juil, 2004 21:03
de gérard
Bonjour à tous,

La recherche infructueuse de "lieue" et "leuga" avec le moteur de recherche me fait penser que le sujet de la "grande lieue gauloise" n'a pas encore été abordé sur ce site. Sujet éminemment celtique s'il en est pourtant, puisque ce mot serait, au conditionnel, d'origine gauloise (celtique continental) tout comme arpent d'ailleurs.
Quelqu'un a-t-il lu l'article de Jacques Dassié dans Gallia 56, 1999, p. 285-311?
J'ai fait depuis une dizaine d'années quelques recherches là-dessus, sorte d'essai posant des hypothèses et cherchant à savoir si elles se vérifient, essentiellement dans le Morbihan et le Limousin, mais je n'en tire pour l'instant que des soupçons, de plus en plus "soupçonneux" il est vrai depuis deux ans avec la mise en corrélation de faits nouveaux avec les résultats de travaux publiés récemment (je pense en particulier à l'Histoire rurale des Vénètes armoricains de Patrick Naas et à L'Arpentage romain, de Chouquer et Favory). J'obtiens des constats: dire qu'ils sont probants est exagéré pour l'instant.
Dans une communication personnelle datant de plusieurs années, Louis Pape avait jugé sérieux l'article de J. Dassié .
Un archéologue confirmé toutefois m'a fait personnellement part de son profond scepticisme.
Y aurait-t-il des spécialistes de la métrologie historique et des statisticiens qui fréquenteraient ce forum, leur avis serait le bienvenu.
Cordialement
GM

MessagePosté: Lun 19 Juil, 2004 21:50
de Pierre
Bonjour Gérard,

J'ai trouvé:

http://forum.arbre-celtique.com/viewtopic.php?t=859

Avec malheureusement un lien mort, mais j'ai retrouvé le nouvel URL:

http://www.archaero.com/archeo160.htm

Mais c'est de Jacques Dassié, retour au point de départ :?

@+Pierre

MessagePosté: Lun 19 Juil, 2004 23:03
de Marc'heg an Avel
Salut Gérard,

Je pense, au vu de tes questions, que nous allons nous croiser souvent !

Que cherches tu exactement concernant la lieue gauloise ?

Un aperçu de la page que j'ai ouverte il y a un moment concernant HILLION, où le site de Fortville, un camp de 400 x 400 mètres, se trouve à la distance exacte de Corseule requise par la Table de Peutinger.

http://marikavel.org/lieux-hillion.htm

Un auteur intéressant, même si déja ancien : Albert GRENIER.

A plus.

JC Even :)

MessagePosté: Ven 23 Juil, 2004 14:50
de Joël
Lieue gauloise, romaine ou gallo-romaine ?

Il existe à bourbriac une procession circumambulatoire appelée le Leo Dro, "le tour de lieue" ou "tour de la lieue", que la tradition orale estime à 4 km, qui mesure faite ne fait que 2510 m à partir du porche ouest de l'église ; le périmètre du circuit ferait aux environs de 2400 m. Ce qui reste proche des distances présentées précédemment.

Dans le Limousin nous trouvons la célèbre procession de 9 lieues, la distance du circuit variant de 50 à 54 km, ce qui nous fait une lieue entre 8,3 km et 9 km. Il existait autrefois dans la région de nombreuses processions en l'honneur de la Vierge appelée localement "procession de la lieue" dont le parcours ne faisait pas moins de 4 km.

Si vous avez des explications intéressantes, je vous en serais reconnaissant,

Joël

Mont Margatin Ceaucé "Lieue gauloise" Métrologie O

MessagePosté: Ven 23 Juil, 2004 20:00
de gérard
Bonjour celtisants et celtophiles!

Je vous livre en vrac un peu plus bas ce que j'ai rédigé il y a un ou deux ans, bien conscient qu'il y a là-dedans plus de questions que de réponses et aussi des erreurs et imprécisions.
Le cas de Bourbriac (que j'ignorais, merci JCE et Joël) est bien intéressant pour moi à cause de la longueur de la "lieue".
Le nom du mont contourné par la procession -le lundi de la Pentecôte- de Ceaucé (dpt Orne, 61), Margantin (merci Patrice) serait-il à rapprocher des monts "-gaud-" et "gargan"?
Remarquons qu'autour du Mont Margantin se rejoignent 4 communes: St-Brice, Torchamp, Ceaucé, Avrilly (quelles limites paroissiales?).
Le Mont M. est dans l'ancien évêché du Mans (doyenné du Passais?) et donc à 11 km à l'intérieur de la limite supposée de la cité des Diablintes au Bas-Empire (cf. carte p. 40 de "Recherches sur Jublains...", sous la direction de Jacques Naveau, éd; Documents archéologiques de l'Ouest, 1997). Au carrefour de voies anciennes, avec probable borne leugaire (2200m) gallo-romaine au N O du Mont M. : voie est-ouest (limite communale sud de St-Brice à 250 m au sud du sommet du Mont Margantin) et voie Jublains-Vieux. Cf. Carte archéologique de la Gaule. L'Orne 61, par Philippe Bernouis, 1999.

"MR, LG, LGR :
mille romain (1471-1481,5 m, selon la valeur du pied romain utilisé),
lieue gauloise hypothétique (~2400-2500 m),
lieue gallo-romaine (2206,5-2222,25 m, valeur variant selon la valeur du pied romain utilisé).
Le mille vaut 5000 pieds romains.
Le pied romain possède des valeurs variables:
le pied "tardif" (dès la fin du 2ème s.) de 29,42 cm,
le pied de 29,445 cm,
le pied officiel dit "monétal" (conservé dans le temple de Junon Moneta) est de 29,57 cm,
le pied "moyen" ou "arrondi" de 29,6 cm (dérivé du pied attique),
le pied issu du pied grec ancien de 29,6296 cm arrondi à 29,63 cm (serait-ce le même que celui dérivé du pied attique?).
La lieue vaut 7500 pieds.
La lieue gallo-romaine LGR du Bas-Empire serait en fait une lieue gauloise LG romanisée. Les valeurs différentes de la lieue gauloise hypothétique seraient dues à des valeurs de pied gaulois différentes.
Le pied gaulois trouvé à Criquebeuf est de 32,4 cm (Duval, p. 133).
Le pied gaulois trouvé (avant 1947 ?, Gallia, V, 1947, fasc. 2, p. 449-451, article de Georges MATHERAT, merci à "Hervé" de Picardie pour ce renseignement) à Senlis mesure 28,2 cm (Duval, p. 133).
Ils donneraient respectivement des lieues gauloises de 2430 m et 2115 m.
Le pied gaulois des Tongres fait 33,2 cm (J. Dassié), la possible lieue gauloise ferait alors 2490 m.
Le pied médiéval de Roy dit aussi "pied de Paris", de 32,48 cm, donnerait une LG de 2436 m. Ce pied est à l'origine, semble-t-il, de la lieue "d'une heure de chemin" de 4872 m.
Charlemagne tenta une unification des mesures de son empire.
Le pied de Charlemagne, 144 lignes pour 32,36 cm, a-t-il eu une réelle existence indépendante du pied de Roy? Il serait encore employé dans la ganterie (parisienne?) (32,4 cm en arrondi? Différent de l'arrondi attendu à 32,5 cm du pied de Roy). 7500 pieds de Charlemagne font 2427 m: je retrouve parfois cette valeur entre mes lignes (Limousin).
Dans le département de la Creuse, entre Guéret et Bridiers (en la Souterraine 23), le lieu dit le Trois-et-Demi en Fleurat rappelle le nombre de lieues pour atteindre Guéret d'un côté, Bridiers de l'autre, soit 17 km de chaque côté. En supposant exact le chiffre de 17 km, la lieue vaudrait ici 4857,14 m, 2 fois 2428,57 m. On serait alors proche de la lieue issue du pied de Charlemagne, mais reste à s'assurer des distances véritables de la voie "romaine"et de son tracé. A priori, il s'agit de sept lieues "d'une heure de chemin" de 4872 m. Existait-il une lieue spécifique à cette région?"

"Nous pensons à l’interprétation de la Troménie de Locronan (29) par Donatien Laurent (des rites de circumambulation (parfois liés aux ostensions?) sont attestés aussi en Limousin). Nous pensons au rite de fondation romain qui fait tracer au sol un carré (ou un quadrilatère?) avec ses diagonales et ses médianes pour consacrer un espace. Pomerium géant ? Des rites proches existeraient aussi en Inde. Mais nous sommes mal documenté sur ces sujets.

OSTENSIONS
Magnac-Laval (87) qui possède une procession "de Neuf Lieues", en fait de plus de 50 km suivant grosso modo les limites communales, dédiée à saint Maximin, le lundi de la Pentecôte, n’est pas à proprement parler une paroisse ostensionnaire.
A Limoges (87), ostension de saint Martial et autres le 12 novembre 994 sur le Montjovis (1263: Monjauvi, 1266: Mons Gaudii), avec guérison miraculeuse de personnes souffrant du mal des Ardents (pour le paysan romain l’hiver débutait le 10 ou le 11 novembre, information tirée de "Les campagnes en Gaule romaine", Alain Ferdière).
A Saint-Junien (87), il y a aussi un Montjovis (de mons gaudii?). La paroisse est ostensionnaire (depuis 1659 officiellement, par imitation de Limoges?) : saint Amand, fêté le 25 juin, saint Junien, fêté le 16 octobre, saint Théodore, fêté le 9 novembre.
Javerdat (87), à ~8 km au nord est de Saint-Junien, est paroisse ostensionnaire: les deux saints Jean solsticiaux et saint Blaise, fêté le 3 novembre.
Ces deux dernières ostensions préexistaient-elles, sous une forme non officielle, à l’autorisation de l’évêque de Limoges?
Les dates des fêtes des saints "ostensés" en ces paroisses sont proches des solstices ou de la Toussaint. De plus, y aurait t-il un lien étymologique entre les deux Montjovis, les deux Puy de Gaudy et la Mijoie (quelles prononciations dialectales?) ? Montagne de Gaudin, de Gauvin, de la Joie, ou du francique "protège pays" comme Anne Lombard-Jourdan interprète les Montjoie ? La légende dorée de Jacques de Voragine parle de saints Jules et Julien, autorisés par l'empereur Théodore à détruire les temples des idoles et à élever des églises (à l'emplacement de ces temples?). Ils bâtirent une église dans un lieu appelé Gaudianum. Il serait question de ce lieu dans Grégoire de Tours au livre de Julien (d'après La Légende dorée, éditée en français par l'abbé Roze, 1902, www.abbaye-saint-benoit.ch). Certains toponymistes soupçonnent une origine gauloise à des noms en gaud- "borne, hauteur", quand il n'y a pas d'évidence pour le germanique –wald "forêt, bois"."

A-galon
GM

MessagePosté: Sam 30 Sep, 2006 11:15
de gérard
Bonjour,

Sur Wikipedia, on dispose maintenant d'articles intéressants sur les unités de mesures romaines, anciennes, et la lieue.
En français surtout, et en anglais, allemand, italien, espagnol (j'ai cherché dans les langues où je me "dépatouille"), en brezhoneg aussi.

Problème:
Comment explique-t-on que la lieue bretonne (environ 4800m) soit la même que
la lieue dite anglo-saxonne de 4828m?
N'aurait-on pas une lieue tout simplement bretonne, voire "celte"?
Il est tout de même frappant que 4828 par deux donnent 2414, soit une des valeurs de la lieue indigène gauloise de Dassié, et soit si éloignée du double de la lieue romaine de environ 2222m qui prévaudrait plutôt en France.

Jéjé

MessagePosté: Sam 30 Sep, 2006 22:03
de Jacques
En tous cas, si l'on en croit maistre François Rabelais, les lieues de son époque n'étaient pas les mêmes partout, et voici l'explication qu'il en donne dans son Pantagruel, chapitre XV :
« Or en cheminant voyant Pantagruel que les lieues de France estoient petites par trop au regard des aultres pays, en demanda la cause & raison à Panurge, lequel luy dit une histoires que met Marotus du Lac monachus es gestes des roys de Canarre. Disant que d'ancienneté les pays n'estoient poinct distinctz par lieues miliaires, ny parasanges, iusques à ce que le roy Pharamond les distingue, ce que fut faict en la maniere que s'ensuyt. Car il print dedans Paris cent beaux ieunes & gallans compaignons bien deliberez, & cent belles garses picardes: & les feit bien traicter & bien penser par huict iours puis les appella & à ung chascun sa garse avecques force argent pour les despens, leur faisant commandement qu'ilz s'en allassent en divers lieux par cy & par là. Et à tous les passaiges qu'ilz chevaucheroient leurs garses qu'ilz missent une pierre, & ce feroit une lieue. Par ainsi les compaignons ioyeusement partirent, et pour ce qu'ilz estoient frays & de seiour ilz chevauchoient à chasque bout de champ et voylà pourquoi les lieues de France sont tant petites. Mais quand ilz eurent long chemin parfaict & estoient ilz las comme pouvres diables & qu'il n'y avoit plus d'olif en ly caleil, ilz ne chevauchoient pas si souvent et se contentoient bien (ientends quant aux hommes) de quelque meschante paillarde foys le iour. Et voylà qui faict les lieues de Bretaigne, d'Elanes, d'Allemaignes, et aultres pays plus esloignez, si grandes. Les aultres mettent d'aultres raisons mais celle là me semble la meilleure. »

MessagePosté: Dim 01 Oct, 2006 2:19
de gérard
Waaah!
A la lecture de Maître Rabelais, je prends toujours mon pied (7500 fois en une lieue, record battu? pour mémoire).
Bon, à la Renaissancee, on était bien conscient de cette incongruité française... inexpliquée et inexplicable.

Jéjé

MessagePosté: Dim 01 Oct, 2006 11:24
de gérard
Qu'est-ce que le pays d'Elanes?
Dans l'édition de Pantagruel dont je dispose (LdP, 1972, "publié[e] sur le définitif établi et annoté par Pierre Michel, édition revue et corrigée), on a p. 303 "de Lanes". La note 13 indique: "La lieue (aujourd'hui 4 kilomètres) était de longueur variable selon les pays: très longue en Bretagne, elle atteignait 7 kilomètres dans les Landes (les Lanes), comme en Prusse.

Elanes & Lanes désignent-ils vraiment les Landes (de Gascogne) qui n'ont jamais été province, je crois?
Gégé

MessagePosté: Dim 01 Oct, 2006 13:03
de Jacques
Dans l'édition que je possède (Garnier, 1962), ce texte se trouve au chapitre XXIII : « Et voylà qui faict les lieues de Bretaigne, de Lanes, d'Allemaigne, et aultres pays plus esloignez, si grandes. » Lanes y est glosé Landes. Une note rapporte les mêmes précisions sur la longueur des lieues que dans l'édition que tu possèdes.

MessagePosté: Dim 01 Oct, 2006 13:42
de gérard
Merci Jacques.

C. Goudineau aborde le pb de la lieue gauloise dans:
http://www.college-de-france.fr/media/a ... dineau.pdf

(attention, en pdf, ouvrir adobe)
A lire, car c'est du "Goudineau", tout de même!

J'ai l'impression que je piétine sur la valeur de la lieue bretonne.

Valeur donnée dans Cartes anciennes de Bretagne (préface de JP Pinot):
4581m (je me demande si c'est pas une coquille pour 4851m, 4851 par 2 font 2425,5m, cf mes 3 lignes St-Michel du morbihan).

Sur un site de généalogie (région de Bannalec):
Lieue commune de Bretagne 2400 toise de moins de 2 m (1,95m, semble-t-il) 4680m? (renseignements "approximatifs" sur ce site il me semble).

Sur wikipedia en français, article "lieue":
"Chez les anglo-saxons, la lieue (English land league) est définie comme valant 3 miles soit exactement 4,828 032 km."
4828 par 2 font 2414, valeur citée dans l'article de Goudineau.

Qui pourra préciser la valeur de la lieue de Bretagne? Proche de 4581m ou de 4851m (et dans ce cas, proche de l'english land league)?

Gégé

MessagePosté: Lun 02 Oct, 2006 16:26
de gérard
Résumée par C. Goudineau, voici l'opinion de G. Walser sur la lieue gauloise indigène:

"la lieue ne saurait être d'origine celtique, car, à l'époque pré-romaine, il n'existait aucune autorité centrale capable d'imposer une unité de mesure pour les distances."


Autorité administrative peut-être, mais autorité morale et culturelle?
Que disent les auteurs anciens sur les druides, par exemple César?
Collège de druides? Réunions périodiques de ce oo ces collèges? Mesureurs de distances, druides arpenteurs?

Gégé

MessagePosté: Lun 02 Oct, 2006 18:07
de gérard
Rebonjour,

Qui pourrait vérifier ce qui est écrit dans le CIL XIII 8911
pour la borne leugaire de Moutier-d'Ahun (Creuse, 23):
33 lieues ou 34 lieues? (vers CL, pour Civitas Lemovicum? Limoges?)

La CAG la Creuse 23 (éd. de 1989, p. 49) donne en effet 33 lieues,

alors que TAL 1995 suppl. 3, 1997 de JM Desbordes écrit p. 36, note 111,
34 lieues (????) avec photo couleur à la même page, mais lecture de la 4ème barre du 34 pas évidente...)

Gégé

MessagePosté: Lun 02 Oct, 2006 18:43
de Patrice
Salut,

Il y a deux bornes citées pour cette cote du CIL:

CIL 17-02, 00354 = CIL 13, 08911 = ILTG 00466 = AE 1948, +00203

[Imp(eratori) Caes(ari)] / M(arco) Ant(onio) Gor/diano Pio / Felici Aug(usto) / p(ontifici) m(aximo) tr(ibunicia) p(otestate) VI co(n)s(uli) / II p(atri) p(atriae) proco(n)[s(uli)] / c(ivitas) L(emovicum) l(eugas) XXXIIII

CIL 17-02, 00355 = CIL 13, 08911a = ILTG 00467 = AE 1929, 00057 = AE 1948, 00204

Impp(eratoribus) / [C(aesaribus) Va]leriano / [et] Gallieno / Augg(ustis) / c(ivitas) L(emovicum) l(eugas) XXXI

La deuxième est au Donzeil, pas à Moutier.

A+

Patrice

MessagePosté: Lun 02 Oct, 2006 18:54
de gérard
C'est bien la première qui m'intéresse, donc: 34 lieues.

Merci, Patrice.
GG