Le commerce de l’étain… : un "serpent de mer" ?
Il y avait également des mines de cuivre dans la région gasconne ; quant à l’étain, il était si abondant en Grande-Bretagne que l’île porta durant toute la période antique le nom d’île Cassitéride (cassiter était en grec le nom de l’étain) ; le centre de son commerce remontant à la plus haute antiquité, se trouvait dans l’île de Wight.
Les Gaulois, par Régine Pernoud, Le temps qui court, Éditions du Seuil, 1961, p. 98.
Les maîtres du métal
L’étain ou cassitéride, complément indispensable du cuivre dans la fabrication du bronze, est surtout abondant en Grande-Bretagne, et son commerce a donné dès le Hallstatt une grande richesse aux princes implantés au point de passage obligé ou aux points de rupture de charge.
L’oppidum de Vix (Côte-d’Or), avec ses riches tombes dont la plus célèbre est celle d’une femme enterrée avec son char, ses bijoux, et un cratère de 1.65 m de haut fabriqué en Grande Grèce, montre les bénéfices que pouvaient tirer ces seigneurs des droits de péage et d’escorte.
Cependant en Gaule, l’étain existe en Armorique et en Limousin, et y est exploité intensément. Pour obtenir le métal, une simple réduction par calcification dans un four à charbon de bois suffisait. Le lingot obtenu était alors vendu comme celui de cuivre aux artisans fondeurs.
J.P. Guillaumet, Historia-spécial, n° 2, 1989, p. 44.
Comme on peut le constater les centres de production de l’étain sont multiples. Il devient difficile d’étudier les origines précises de l’étain, les routes empruntées, les quantités fluctuantes exportées, la durée d’exploitation des mines, la nécessité pour l'île Bretagne d’exporter vers le continent en échange d’autres produits...
Il se peut aussi que l’on soit passé d’une modeste production néolithique avec mélange de cuivre et d’étain sur place comme par exemple ces fameuses « haches de guerre » en bronze, servant plausiblement de mesure ou monnaie d’échange à, graduellement, une industrie de masse d’exportation unique des lingots d’étain de l’ouest vers le monde méditerranéen. Trafic trouvant son apogée à l’approche de l’Empire romain.
Une étude particulièrement incisive et détaillée de 17 pages et qui a le mérite de tenter de remettre l’histoire de l’étain, de ses îles et de ses mines à leurs places.
Un aperçu :
Le commerce de l'étain en Gaule préromaine :
un "serpent de mer" ? ...
Conscients ou négatifs vis-à-vis de ces secrets, les historiens et les archéologues contemporains ont, depuis longtemps, essayé de percer le mystère des sources occidentales de l’étain antique. Ce ne fut pas sans difficulté. Car la publicité que les Romains donnèrent à leur découverte, une fois les Cassitérides atteintes, n’est, malheureusement pas passée à la postérité. Compte tenu de la localisation des deux finistères majeurs susceptibles de correspondre aux sources antiques de l’étain occidental, l’Armorique et la Cornouailles (Britannique), le débat prit rapidement l’allure d’une allure d’une inégale compétition franco-britannique dans laquelle S. Lewuillon 44 a retrouvé la trace des batailles du XIXe et du XXe siècles ainsi que des nationalismes réciproques. Et là, il faut bien dire que l’avantage, si l’argument d’autorité 45, ou du nombre d’adhérents à une opinion, a une signification, resta toujours au monde britannique.
N’y avait-il pas, dans cette affaire, un élément exaltant pour un empire soucieux de retrouver dans son passé un reflet de sa réussite maritime contemporaine ? Et les mines de Cornouailles ne faisaient-elles pas figure dans le même temps de l’une des plus grandes exploitations mondiales ? Pour toutes ces raisons, la conclusion de la meilleure étude britannique, celle de T. Rice Holmes, fut largement reprise : les Cassitérides n’étaient autres que les îles Britanniques et ce terme avait fini par s’appliquer à la Cornouailles et aux îles Scilly 46.
[…] Il en résulta entre géologues et philologues une incompréhension qui dure encore, les archéologues ayant pris le relais des premiers et parlant désormais, à propos des Cassitérides, à la suite de P.-R. Giot, « d’un grand serpent de mer pour les journalistes archéologiques en mal de copie ».
44. S. Lewillon, "Polémique et méthode. A propos d'une question historique : pour les îles Cassitérides" DHA; 6, 1980, p. 236 et suiv.
45. Celui-ci est, souvent, tout simplement l’argument du nombre. Claude Mossé parle des « thèses communément admises de l’origine essentiellement britannique de l’étain antique ».
Cl. Mossé, « Les sources de l’étain occidental », Annales ESC, 25, 1970, p. 1313-1314; voir les critiques de S. Lewuillon, art: cit., p. 239-240.
46. T. Rice Holmes, Ancient Britain and the invasion of Julius Caesar, Oxford, 1907, 497-498.
La Gaule et ses mythes historiques : de Pythéas à Vercingétorix
Roman Danièle et Roman Yves, Éditeur L'Harmattan, 1999, p. 73, 75.
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