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MessagePosté: Mer 12 Jan, 2005 0:34
de Agraes
Oui, le transférer en partie vers le forum thèmes celtiques par exemple :wink:
Tant que je suis là pour y participer :P

MessagePosté: Mer 12 Jan, 2005 10:11
de Pierre
Marc'heg an Avel a écrit:Ce fil me plait parce qu'il touche à l'intime de la question bretonne.

Je confirme :wink: pour l'instant le propos de Taliesin sur le fait que le nom même de Vortigern, 'dux' des Britto-romains des années 425-450, se traduit par : Superbo Tyranno, (*vir-us *tigern-us / tiern) ce qui signifie, après traduction et interprétation, quelque chose comme : Grand chef respecté.

En breton, ça donne même Saint Gurthiern.

JCE :)



Jean-Claude, Taliésin parle d'un jeu de mot. Je suis surpris de voir qu'en mettant l'équivalent breton, tu n'ai pas vu le piège. :shock:


@+Pierre 8)

MessagePosté: Mer 12 Jan, 2005 10:42
de Taliesin
Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'équivalence exactes entre titres celtiques et latins, et il y a ainsi une double titulature, assez confuse :

"Un des aspects les plus curieux (du bilinguisme latin/vieux-breton) est la double titulature des chefs bretons anciens. En fait, pour les bretonnants, leur souverain n'eut pas d'autre titre que ri "roi", des origines au 11ème siècle au moins. La chancellerie franque, puis française, fit tout pour ne pas employer ce titre, utilisant surtout "comes", "comte". Dans les documents bretons en latin, cette situation entraîne une grande confusion. On trouve : "rex, monarchus, princeps, comes regalis, dux, consul, comes regius" et même "imperator" [...] Au-dessous du roi, le tihern ou tiern, est souvent rendu par le latin tyrannus qui offre une certaine ressemblance extérieure. [...] Quand nous trouvons dans un texte "vicarius, comes, princeps",... souvenons-nous que les bretonnants utilisaient à la place leur propre titulature celtique. Chez les bretons insulaires, F. Kerlouégan retrouve les mêmes fluctuations entre "rex, princeps, tyrannus, imperator" faute d'équivalences exactes entre titres celtiques et latins." Léon Fleuriot - Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, pp. 14-15

Donc "tiern" n'a pas d'équivalent exact dans la titulature latine, mais a été traduit par "tyrannus" par ressemblance. Mais au fait, quel est le sens ou les sens possibles de "tyrannus" ?

MessagePosté: Mer 12 Jan, 2005 10:55
de Marc'heg an Avel
OK Pierre,

Mais quand Gildas parle de : Nostra Lingua, il le dit en tant que Britto-Romain chrétien.

Et moi, j'ai rendu le sens donné par Gildas.

On a, auparavant, qualifié la première moitié du IIIè siècle de : "Epoque des 30 tyrants", formule qui servait à désigner la suite d'empereurs romains éphémères.

Sinon, dans *Tigern, on pourrait voir une racine *tig-, < *attegia, breton ti = maison, donc avec un sens : Maître de maison / de peuple.

C'est alors un équivalent de gWledig < *wlad, en gallois : pays, nation, peuple.

La porte étant ouverte à Ronan pour en dire plus.

JCE :)

MessagePosté: Mer 12 Jan, 2005 13:15
de Gwalchafed
TALIESIN a écrit:Le problème, c'est qu'il n'y a pas d'équivalence exactes entre titres celtiques et latins, et il y a ainsi une double titulature, assez confuse :

"Un des aspects les plus curieux (du bilinguisme latin/vieux-breton) est la double titulature des chefs bretons anciens. En fait, pour les bretonnants, leur souverain n'eut pas d'autre titre que ri "roi", des origines au 11ème siècle au moins. La chancellerie franque, puis française, fit tout pour ne pas employer ce titre, utilisant surtout "comes", "comte". Dans les documents bretons en latin, cette situation entraîne une grande confusion. On trouve : "rex, monarchus, princeps, comes regalis, dux, consul, comes regius" et même "imperator" [...] Au-dessous du roi, le tihern ou tiern, est souvent rendu par le latin tyrannus qui offre une certaine ressemblance extérieure. [...] Quand nous trouvons dans un texte "vicarius, comes, princeps",... souvenons-nous que les bretonnants utilisaient à la place leur propre titulature celtique. Chez les bretons insulaires, F. Kerlouégan retrouve les mêmes fluctuations entre "rex, princeps, tyrannus, imperator" faute d'équivalences exactes entre titres celtiques et latins." Léon Fleuriot - Histoire littéraire et culturelle de la Bretagne, pp. 14-15

Donc "tiern" n'a pas d'équivalent exact dans la titulature latine, mais a été traduit par "tyrannus" par ressemblance. Mais au fait, quel est le sens ou les sens possibles de "tyrannus" ?


Dans l'Antiquité il me semble qu'on trouvait des tyrans élus, non?

Les Poèmes Gallois

MessagePosté: Mer 12 Jan, 2005 14:13
de Gwalchafed
Voici mon Deuxième Chapitre :wink: :

Les Poèmes Gallois
La piste qui, chronologiquement, pourrait être la suivante après celle de Gildas semble résider dans des poèmes gallois. Mis par écrit pour la plupart entre le XIème et le XIIIème Siècle (et écrits dans la langue de cette époque), il est apparemment extrêmement difficile de dater leur composition avec précision. Ils reposent en tout cas sur des traditions orales bien antérieures…Mais de combien ? Le poème à la structure la plus archaïque mentionnant Arthur est le Y Gododdin, relatant des événements du nord de la Bretagne au VIème Siècle. Il est fait mention d’Arthur, probablement pour la rime, sous la forme suivante :

gochone brein du ar uur
caer ceni bei ef Arthur


« Il repaissait les corbeaux sur le mur du fort, bien qu’il ne soit pas Arthur »

Une brève référence martiale. Ce poème, dont il a été retrouvé un manuscrit du XIIIème Siècle, contient des rimes qui ne peuvent être antérieures au IXème . Y a-t-il eu modifications au cours de transmissions orales antérieures, ou le poème remonte-t-il à cette époque ? Personne ne peut l’affirmer avec certitude…
Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’au moins quatre familles royales du Nord de la Bretagne on appelé un enfant Arthur au cours du VIIème Siècle. L’un d’entre eux a-t-il inspiré les légendes arthuriennes, ou ceci est-il la marque laissée sur les prénoms par un héros ?

Tout ce que les poèmes gallois permettent d’affirmer en tout cas, c’est que Arthur était une référence guerrière au IXème Siècle, et certainement avant cela. Mais de combien de temps avant ? Et surtout : l’Arthur auquel il est fait référence n’est-il pas un de ces Arthurs postérieurs au VIème Siècle, et donc à la bataille de Badon, à laquelle, on le verra, les textes postérieurs rattachent le légendaire personnage ?

MessagePosté: Jeu 13 Jan, 2005 1:32
de Rónán
Je confirme pour l'instant le propos de Taliesin sur le fait que le nom même de Vortigern, 'dux' des Britto-romains des années 425-450, se traduit par : Superbo Tyranno, (*vir-us *tigern-us / tiern) ce qui signifie, après traduction et interprétation, quelque chose comme : Grand chef respecté.


Pas viros tigernos mais plutot *ver-tigernos, *ver- étant un préfixe intensif, et *tigernos signifiant seigneur ou chef. *Ver- > *vor- > breton moderne gour- (préfixe intensif).

En breton, ça donne même Saint Gurthiern.


En vieux-breton (faut préciser).


Au-dessous du roi, le tihern ou tiern, est souvent rendu par le latin tyrannus qui offre une certaine ressemblance extérieure. [...]


C'est une coïncidence. Tyran vient du grec tyrannos (=maître absolu, maître tout-puissant). *Tigernos vient du celtique: Delamarre propose soit une étymologie par *(s)teg- = maison, soit par *(s)tig- = pique, pointe (>sommet > chef).

Donc "tiern" n'a pas d'équivalent exact dans la titulature latine, mais a été traduit par "tyrannus" par ressemblance. Mais au fait, quel est le sens ou les sens possibles de "tyrannus" ?


Grec tyrannos =
1, maître absolu, maître tout-puissant, (en parlant des dieux, de l'amour)
2, celui qui usurpe le pouvoir dans un Etat libre, d'où tyran, despote. Par extension, en parlant de la famille d'un tyran, o tyrannos, le fils d'un tyran, le jeune prince; ê tyrannos, la femme ou la fille d'un tyran, la princesse.
(Source: Abrégé du dictionnaire grec-francais, de A. Bailly)

Latin tyrannus=
1, tyran, roi, souverain, monarque
2, despote, usurpateur
(Source: Gaffiot).


Sinon, dans *Tigern, on pourrait voir une racine *tig-, < *attegia, breton ti = maison, donc avec un sens : Maître de maison / de peuple.


Quelle est ta source pour *attegia ? Maison et peuple, c'est pas la même chose...

C'est alors un équivalent de gWledig < *wlad, en gallois : pays, nation, peuple.


Gwlad = pays; Gwledig = souverain.

MessagePosté: Jeu 13 Jan, 2005 14:51
de Gwalchafed
Troisième chapitre :
Note : Bede le Vénérable et la Chronique Anglo-Saxonne
Les textes saxons de l’Histoire Ecclésiastique du Peuple Anglais de Bede, et la Chronique Anglo-Saxonne sont deux textes qui permettent de préciser le contexte historique de la fin du Vème Siècle, mais ne mentionnent pas Arthur, ni n’apportent quoi que ce soit qui confirme ou infirme son existence…

Nennius
Rédigée au IXème Siècle, l’Historia Brittonum de Nennius est la première réelle contribution à la légende du Roi Arthur. On en connaît plusieurs manuscrits, dont le plus célèbre est le fameux Harleian 3859. Une partie de cette Histoire des bretons est consacrée à Arthur. Il y est d’ailleurs dit qu’Arthur combat « avec les rois bretons, mais lui-même est dux bellorum » (chef des guerres).
On y trouve une énumération de batailles auxquelles Arthur aurait combattu ; cette énumération (les hypothèses concernant les lieux de ces batailles sont aussi nombreuses que les cerveaux à l’œuvre) nous apporte deux points essentiels. Premier point, elle semble composée d’un ancien poème gallois. La datation de ce poème semble relativement difficile. Deux écoles s’affrontent. La première, celle des linguistes, le place relativement tard car les noms cités dans cette section ne présentent pas de terminaison caractéristique des nombreux cas du brittonique. On aurait donc un poème composé au moins à la fin du VIème Siècle, voire plus tard. La deuxième école s’intéresse à la composition en elle-même et dit qu’étant donné la fascination des bardes de l’époque pour les élégies, comme le texte ne mentionne pas la mort d’Arthur, il est possible que le poème ait été un panégyrique destiné à être déclamé devant Arthur lui-même.
Rien de certain ne ressort en tout cas.
Le deuxième point concerne la religion. En effet, il est dit dans l’énumération des batailles qu’à la huitième bataille, celle de Guinnion, Arthur porta l’image de la Vierge Marie « super humeros suos », sur ses épaules. Certains y voient une mauvaise traduction du gallois par un scribe latin. En effet, le mot scuid est traduisible par épaule, tandis que scuit est traduisible par bouclier. Cela renforcerait la thèse du poème gallois.
Quoi qu’il en soit, dans ce texte, Arthur est représenté comme un champion du christianisme, et la douzième bataille est celle de Badon mentionnée par Gildas.
On a donc dans ce texte un Arthur qui n’est pas encore Roi, qui est chrétien, et qui est présent à la bataille de Badon…


Les Annales de Cambrie
Les Annales de Cambrie sont une série d’Annales que l’on trouve sur le Harleian 3859, et qui couvrent 533 ans, c’est-à-dire exactement un Grand Cycle de Pâques, plus un an. Elles sont donc probablement tirées de l’une de ces tables servant à calculer la date de Pâques, auxquelles on ajoutait fréquemment une brève note sur les événements de l’année. Elle semble commencer en l’année 447 ou 446, date calculée d’après la date de fin, et l’entrée pour l’année numéro 9 : « Cette année la date de Pâques fut changée par le Pape Léon », ce qui correspond à l’année 455.
Or, la composition d’une de ces tables pour un grand cycle fut souvent accomplie en réunissant des tables de divers époque différentes, et en les mettant bout à bout. Ceci est confirmé dans les Annales de Cambrie par le fait que les entrées événementielles concernent des faits géographiquement éloignés ; ainsi, des événements concernant le Nord du Pays de Galles apparaissent en salve à certaines époques, indiquant que pour combler un trou dans ses tables, la compilateur a dû utiliser des tables provenant d’un scriptorium de Gwynedd.
Ajoutons à cela que les entrées faites dans les tables de Pâques furent souvent faites l’année suivante ou deux ou trois ans après les faits, que les calculs se trouvant en préambule concernent la date de Pâques avant le changement effectué par Léon, il est possible que les entrées des Annales concernant les premières années aient été contemporaines des faits…Tous les arguments concernant le rajout éventuel d’entrées beaucoup plus tard peuvent être contrés par des arguments équivalents en sens inverse, ce qui fait que l’on ne sait en fait, rien sur le siècle où elles ont été écrites en premier. Les Annales, qui se terminent au Xème Siècle, pourraient en fait être un témoin contemporain des faits du Vème Siècle…
Concernant les entrées arthuriennes, elles sont au nombre de deux : la première, concernant la 72ème année du cycle, dit : « Bellum Badonis in quo arthur portavit crucem domini nostri jesu christi tribus diebus & tribus noctibus in humeros suos & brittones victores fuerunt », « La bataille de Badon où arthur porta la croix de notre seigneur jesus christ trois jours et trois nuits sur ses épaules et où les brittons furent victorieux ». Arthur est de nouveau associé à Badon, et cette fois, c’est dans cette bataille qu’il porte un symbole chrétien…
La deuxième entrée : « Gueith camlann in qua arthur & medraut corruerunt, et mortalitas in britannia et in hiberna fuit » : « Le combat de Camlann où arthur et medraut périrent, et il y eut mortalité en bretagne et en ireland », pour l’année 93.
Il est possible de voir dans l’utilisation d’un mot latin, bellum, puis d’un mot gallois, gueith, la preuve que la rédaction de ces entrées se fit à des époques différentes, ce qui confirme la compilation.
Mais encore une fois, rien n’est certains quand aux datations de ces entrées. Il est même possible qu’elles aient été fait à postériori, et avec les changement de calculs dans la date de Pâques, on peut avoir un décalage de 28 ans qui se rajoutent aux habituels un ou deux ans que l’on trouve sur de telles tables…

Note pour Agraes : mes sources disent que Llongborth correspond malheureusement plus au style en vigueur à la cour d'Hywel Dda au Xème siècle (L.Alcock, G.Ashe)

MessagePosté: Dim 23 Jan, 2005 20:33
de Gwalchafed
Le Problèmes des Sources Galloises

Les sources galloises posent un grave problème, car elles sont inexploitables. Comme le Y Gododdin, elles sont mises par écrit tardivement, souvent entre le Xème et le XVème Siècle, mais appartiennent à une tradition orale antérieure. Mais de combien ? Peu de structures ou de thèmes persistent vraiment, cependant les allusions à Arthur sont difficilement datables. En effet, les Triades de l’île de Bretagne, dont on connaît plusieurs manuscrits, montrent bien une incorporation progressive du nom d’Arthur, soit en rajout à une triade, soit en lieu et place d’un autre nom de guerrier. Ainsi, en l’espace de quelques siècles, les entrées comprenant Arthur se sont multipliées.
On comprend dès lors qu’à l’intérieur de poèmes ou de contes, le même genre de phénomène se soit reproduit.
Les Mabinogi présente un parfait exemple de ce genre de problème. En effet, ceux traitant de Peredur et d’Owein, par exemple, suivent les romans de Chrétien de Troyes de Perceval et d’Yvain. Or, les romans de Chrétien datent de la fin du XIIème Siècle, les manuscrits gallois souvent du début du XIIIème, voire plus tard. Ceux-ci sont-ils inspirés de Chrétien, ou au contraire suivent-ils une tradition orale qui, elle, aurait inspiré le romancier ?
Kulhwch et Olwen, à l’inverse des précédents, n’a pas d’équivalent roman ; de plus, la figure d’Arthur y est présente comme celle d’un chef de guerriers, qui, avec sa troupe, va accomplir de nombreux hauts faits pour aider son neveu. À l’inverse de chez Chrétien, on a là un Arthur bien plus actif, et partie prenante de l’aventure…Certains veulent y voir une antériorité. C’est possible, mais pas certain. Dans ce cas, il est également possible que les contes de Peredur et d’Owein aient été rajoutés par la suite dans les contes gallois.
On voit donc que l’exemple des Triades permet facilement de contester l’image d’Arthur donnée par n’importe quel conte ou poème gallois.

MessagePosté: Dim 23 Jan, 2005 21:28
de Gwalchafed
Les Débuts d’une Légende

Les Vies des Saints

Arthur apparaît à plusieurs reprises dans les Vies des Saints de Petite et de Grande Bretagne. Le jour sous lequel il apparaît est généralement négatif. Ce n’est pas un cas isolé, dans ce genre d’œuvre on a généralement un affrontement entre le saint et un chef séculier paré de tous les attributs du tyran.
Dans la Vie de Saint Cadoc (fin du XIème Siècle), par exemple, Arthur, dans une première partie de l’histoire, commence par convoiter une jeune femme qui a trouvé refuge chez lui avec son amant. Puis, plus tard, voyant un fugitif se réfugier dans un monastère, se met en colère et exige une compensation. Dans d’autres Vies, comme celle de saint Carannog, de Saint Padarn, Saint Efflam, ou de Saint Gildas*, Arthur est paresseux, faible, et même voleur.

* Il s’agit de celle de Caradoc de Llancarfan (XIIème Siècle). Dans celle écrite par Vitalis, de Saint-Gildas-de-Rhuys (XIème Siècle), c’est à Conomore que Gildas s’oppose, et Arthur n’apparaît pas.

L’enlèvement de Guenièvre

Il s’agit maintenant de parler d’une légende arthurienne mal connue, mais importante parce que les sources remontent avec certitude à une époque précédant Geoffrey. Il est fait mention dans la vie de Gildas de Caradoc de Llancarfan (XIIème Siècle) du roi Melvas, Roi de la Cité de Verre, qui enlève Guennuvar, la femme du Roi Arthur, et du siège de la cité par Arthur. Ce qui pourrait n’être qu’un épisode de plus dans une Vie de Saint, prend toute son importance au XIXème Siècle, lorsqu’on remarque sur l’archivolte de la porte nord de la cathédrale de Modène, une scène sculptée, sous-titrée des noms des personnages. Deux sont dans un donjon, Winlogee et Mardoc, les autres se livrent bataille dehors, Artus de Bretania, Isdernus, un chevalier non nommé, Galvaginus, Galvarium et Ché, chargent par trois deux êtres nommés Burmaltus et Carrado.
Cette scène se reproduit à Bari, sur la basilique San Nicola. Il est possible de voir dans ces deux sculptures une représentation de l’épisode de l’enlèvement de Guenièvre/Guennuvar/Winlogee.
Or, la construction de ces édifices commence à la fin du XIème Siècle, pour se poursuivre par après, et pour Modène, une pierre se trouvant à gauche du portail, et portant la date de fondation de la cathédrale, porte aussi le nom d’un sculpteur célèbre.
On a donc ici un faisceau de présomptions tendant à faire penser que l’enlèvement de Guenièvre par Melwas est un épisode célèbre soit juste avant Geoffrey, soit juste après. Or, Geoffrey, lui, ne parle que d’un adultère commis par Guenièvre avec Mordred. Est-ce le même épisode, auquel cas Geoffrey aurait pu inspirer les deux sculptures, si celles-ci ont été faites après lui, ou un épisode différent ?
La légende arthurienne ne laisse pas la porte ouverte à la certitude. En tout cas, l’enlèvement de Guenièvre a été un épisode largement diffusé…

MessagePosté: Lun 24 Jan, 2005 21:02
de Taliesin
Il serait intéressant d'approfondir la question de la transmission orale de la Matière de Bretagne avant Geoffroy, notamment par le biais des bretons armoricains, si le sujet n'a pas déjà été abordé...

MessagePosté: Dim 17 Juil, 2005 19:23
de Professeur Cornelius
A tous ceux qui veulent étudier avec sérieux la Légende arthurienne, sa littérature et ses thèmes, je conseille vivement la lecture de l'ouvrage de Jean Marx, La légende arthurienne et le Graal, édité en 1952 chez PUF et réédité en 1996 chez Slatkine Reprints.
Vous y trouverez ce qui, dans les éléments littéraires transcrits au Moyen-Âge, provient très vraisemblablement d'anciens thèmes celtiques, et aussi ce qui n'en provient pas.
Ca nous change de la pauvreté des interprétations courantes, des délires celtomaniaques comme de ceux qui voudraient réduire l'immensité mythique de la légende arthurienne à quelques souvenirs déformés d'évènements historiques.


LA LEGENDE ARTHURIENNE ET LE GRAAL

par Jean MARX
éd. PUF, Paris, 1952
rééd. Slatkine Reprints, Genève, 1996
410 p., ISBN 2051013632
(env. 60 euros)


Table des matières :

Introduction

I. – Le problème de la « matière de Bretagne » et de la littérature arthurienne.
II. – La transmission des textes littéraires arthuriens (gallois, français, anglais, germaniques, et de l’Europe méridionale).
III. – Le problème arthurien à travers l’histoire.
IV. – Conclusion et méthode de la présente étude.

PREMIERE PARTIE
LES ELEMENTS ET LES RESSORTS DU CYCLE ARTHURIEN ET LES AVENTURES DE LA TABLE RONDE

Chapitre Premier. – Constitution et développement de la légende arthurienne
I. La légende arthurienne
II. La figure d’Arthur
III. L’entourage arthurien
IV. Les personnages de la légende arthurienne
V. Des institutions sociales et des notions morales fondamentales en pays celtique constituent le ressort permanent des légendes arthuriennes
VI. Persistance des croyances religieuses celtiques. L’Autre Monde et le merveilleux féérique.
VII. Persistance des modèles d’histoire et des types de récits celtiques dans la littérature arthurienne.

Chapitre II. – La Cour du roi Arthur. Les aventures de la Table Ronde et leur base celtique.

Chapitre III. – Les Objets Merveilleux de l’Autre Monde et les Talismans Royaux.
I. La Coupe merveilleuse de l’Autre Monde
II. La Pierre de Souveraineté
III. La Corbeille merveilleuse
IV. La Corne à boire
V. L’Epée
VI. La Lance
VII. L’Ecuelle inépuisable
VIII. Le Chaudron d’abondance

Chapitre IV. – Le palais féérique de l’Autre Monde ; ses hôtes, ses épreuves et ses enchantements.

Chapitre V. – Les noms, les figures et les formes.


DEUXIEME PARTIE
LES ENCHANTEMENTS DE BRETAGNE ET LA QUÊTE DU GRAAL

Chapitre Premier. – Les enchantements de Bretagne, le Coup douloureux et le Gaste Pays
- Le récit de Chrétien de Troyes
- L’Appel de l’Autre Monde et le Gaste Pays
- Le Coup Douloureux

Chapitre II. – Le Roi-Pêcheur, le Roi-Méhaigné et la lignée des Rois du Graal.
I. Roi-Pêcheur et Roi-Méhaigné
II. Les noms du roi et sa lignée
III. La porteuse du Graal et ses aspects

Chapitre III. – Le héros du Graal.

Chapitre IV. Le cortège des Talismans Royaux et le cortège du Graal.
I. Le cortège du Graal dans Chrétien de Troyes
II. Le cortège du Graal dans les continuateurs de Chrétien de Troyes
III. Le cortège du Graal dans le Didot-Perceval et dans le Lancelot en Prose
IV. Cortège du Graal et procession byzantine

Chapitre V. – Le Graal

Chapitre VI. – La Lance

Chapitre VII. – Les Questions, les Epreuves et les Périls du Château du Graal et la conquête de la Souveraineté.
I. Les Questions et les Epreuves et leur signification. Sens et solidarité des trois questions.
II. Les Epreuves du Château du Graal.
a. L’aventure de la chapelle et de l’aître périlleux
b. Les épreuves nocturnes du Palais Aventureux et du Lit des Merveilles.
III. Le jeu du décapité
IV. Le héros dans la forêt et le héros nommé
V. Les deux alternatives de la Quête

Epilogue. – La christianisation du Graal. Le rôle des Plantagenets et de Glastonbury.

Appendice. – Analyse des principaux textes arthuriens relatifs au Graal.
I. Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes
II. Les deux Premières Continuations de Chrétien
III. La Continuation de Manessier
IV. La Continuation de Gerbert de Montreuil
V. L’Elucidation
VI. Le Chevalier de la Charrette ou le Lancelot de Chrétien de Troyes
VII. Le cycle de Robert de Boron : le Joseph et le Merlin de Robert de Boron. Le Didot-Perceval.
VIII. Le Lancelot en prose. Généralités
a. L’Estoire del Saint-Graal
b. L’Estoire de Merlin
c. Le Lancelot proprement dit
d. La Queste del Saint-Graal
e. La Mort du Roi Arthur
IX. Le Perlesvaus
X. Le Parzival de Wolfram d’Eschenbach
XI. Le Peredur gallois
XII. Les romans anglais de Sir Gawain et de Sir Percyvelle

Index alphabétique

MessagePosté: Lun 18 Juil, 2005 14:01
de Marc'heg an Avel
Salut Professeur,

Voici ce qu'écrivait naguère Fergus, l'un des meilleurs correspondants de l'Arbre celtique :

---------


"La littérature arthurienne comprend de nombreux textes disparates aussi bien au point de vue du genre littéraire que du contexte social, historique et culturel auquel ils appartiennent. Elle s'inscrit principalement dans le contexte de la fin du XII° et du début du XIII° siècle, dont elle exprime les valeurs et les préoccupations, mais ses racines sont anciennes, les influences qu'elle a reçues sont nombreuses, et sa postérité est d'une grande richesse.

Elle est fondée à la fois sur le souvenir déformé d'évènements historiques anciens, sur un substrat légendaire transmis oralement par des conteurs et des bardes, et sur des motifs folkloriques bien identifiés. Au XII° siècle, des auteurs s'emparent de cette matière pour créer des oeuvres littéraires qui seront sans cesse reprises, amplifiées et complétées, tout en faisant l'objet d'une réinterprétation dans un sens chrétien, dans le contexte de la réforme cistercienne entreprise par saint Bernard de Clairvaux.

C'est ce métissage de souvenirs historiques bretons, de motifs mythiques d'origine celtique, de thème folkloriques, d'idéologie chevaleresque et d'amour courtois, et d'interprétation chrétienne qu'on appelle "littérature arthurienne", "romans de la Table Ronde" ou "Matière de Bretagne
".

----------

Voici ce qu'on trouve dans ton message :

"Ca nous change de la pauvreté des interprétations courantes, des délires celtomaniaques comme de ceux qui voudraient réduire l'immensité mythique de la légende arthurienne à quelques souvenirs déformés d'évènements historiques".

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Dommage que Fergus ne soit plus là pour te répondre. Ca aurait probablement donné lieu à de belles joutes.

Ps : j'ai souligné ce qui me paraissait intéressant de mettre en exergue.

JC Even ( ... plutôt 'historien' que romancier) :wink:

MessagePosté: Lun 18 Juil, 2005 18:22
de Professeur Cornelius
J'aurais sans doute adoré parler avec lui...

Il me semble toutefois que mes propos ne sont pas contradictoires avec les siens.

Il dit : la littérature arthurienne "est fondée à la fois sur le souvenir déformé d'évènements historiques anciens, sur un substrat légendaire transmis oralement par des conteurs et des bardes, et sur des motifs folkloriques bien identifiés."

et moi je dis : "Ca nous change de la pauvreté des interprétations courantes, des délires celtomaniaques comme de ceux qui voudraient réduire l'immensité mythique de la légende arthurienne à quelques souvenirs déformés d'évènements historiques."

Bonjour chez vous.

MessagePosté: Lun 18 Juil, 2005 18:29
de Agraes
quelques souvenirs déformés d'évènements historiques."


En fait c'est ça qui dérange :)
C'est un point de vue, certes, mais ce n'est pas très gentil pour tous ceux qui s'intéressent à la période 'Arthurienne' qui, si l'on manque de sources sures, n'en demeure pas moins très riche.

Et nous sommes nombreux à nous y intéresser :twisted: