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Pont du secret

MessagePosté: Dim 09 Oct, 2011 17:25
de Claudine
Bonjour,
On lit partout que le Pont-du-secret (Paimpont) désigne le lieu où Lancelot et Guenièvre s'avouèrent et/ou cachèrent leur amour. Quelqu'un peut-il me donner les références précises des passages (Dans Lancelot du lac ou le Lancelot en prose, ou ailleurs) où il est question de ce fameux pont ?
Question annexe : Ce pont avait-il un nom avant qu'on le "baptise"ainsi?
Merci.

Re: Pont du secret

MessagePosté: Ven 21 Oct, 2011 9:12
de Kambonemos
Ca fait douze jours que Claudine est au secret :
Li-bé-rez Claudine ! Li-bé-rez Claudine !


Cordialement

@+

Re: Pont du secret

MessagePosté: Ven 21 Oct, 2011 9:33
de Séléné.C
Malheureusement...
Je n'ai aucune idée de la réponse ! Du moins, comme ça... Et pas le temps de relise les romans que j'ai dans l'étagère.
Si ma mémoire est bonne dans le chevalier à la Charette il y a le passage de l'aveu mutuel et tout ça, mais la descriptions des lieux ne m'est plus assez précise pour dire s'il y a un pont dans les environs

Question relative à la question annexe = il date de quand, ce pont ?

Re: Pont du secret

MessagePosté: Ven 21 Oct, 2011 10:52
de Claudine
Merci pour cette contribution.
Je suppose que le nom du pont est une réinterprétation d'un ancien toponyme. Il doit dater de la construction de la route "royale" qui figure sur la carte de Cassini. Le toponyme à cet endroit n'y est malheureusement pas très lisible (du moins dans les exemplaires que j'ai pu consulter), quelque chose comme La Souscouet. Dans les parages on trouve sur les cartes IGN La Secouette, autre toponyme réinterprété, dans lequel on doit pouvoir retrouver le "Koad" breton. Il y a d'ailleurs un(e) autre Secouette en Paimpont, aussi en limite de forêt.
Est-ce que les "érudits" du XIXe siècle qui ont voulu retrouver dans la forêt de Paimpont les mythes de Brocéliande n'ont pas récupéré et transformé le mot en "Secret"? Je sais aussi que Markale parle d'un épisode des guerres de Vendée.
Quant aux rencontres de Lancelot et de Guenièvre près d'un pont, je n'ai pas encore trouvé de passage précis. Il y a bien des ponts dans les aventures de Lancelot, mais pas de rendez-vous amoureux près de l'un d'eux (ceci dit, je n'ai pas lu tous les Lancelot).
Cordialement

Re: Pont du secret

MessagePosté: Ven 21 Oct, 2011 16:03
de Séléné.C
De toutes façons... La geste arthurienne est-elle à situer entièrement ou principalement en Bretagne continentale ? Je n'en suis pas certaine du tout.

L'Histoire des Rois de Bretagne (antérieure à Chrétien de Troyes et à l'invention du personnage de Lancelot) fait clairement traverser la mer à Arthur pour aller se battre sur le continent, laissant Guenièvre et Mordred en Angleterre
Je me souviens avoir lu des articles qui faisaient de Lancelot un armoricain, par opposition à la majorité de ses collègues chevaliers (et c'est en tous cas en Armorique qu'il conduit Guenièvre après l'avoir arrachée à la justice royale). Sorry, là je m'embrouille sévère dans les romans, j'ai plus les références qui vont avec...
Quand au "Chevalier à la Charrette", il est difficile à situer géographiquement : on part du royaume d'Arthur (Logres) mais on réussit à aller se balader dans un endroit qui a des airs d''Autre Monde...


PS = :wink: Pierre, faudrait-y pas techniquement déplacer ce fil ?

Re: Pont du secret

MessagePosté: Ven 21 Oct, 2011 17:48
de Claudine
Faut-il chercher une localisation? Les romans arthuriens sont évidemment la réécriture aux XIIe et XIIIe siècles de mythes celtiques adaptés à l'idéologie de l'époque. Ces mythes ont pour cadre les Bretagnes (Grande et Petite). Il me semble un peu vain de chercher si tel ou tel héros est ou non armoricain ou si tel épisode se passe dans tel lieu précis. Brocéliande est d'abord un espace littéraire et poétique.
La question que je me pose actuellement porte sur la façon dont on a implanté ces toponymes arthuriens autour de Paimpont au XIXe siècle: pour les uns, c'est complètement arbitraire (Le Val sans retour); pour d'autres, on a "récupéré" des mégalithes (Le Tombeau de Merlin). Dans le cas du Pont du secret, faute d'autre explication, je pense à la réinterprétation d'un toponyme ancien, et je ne vois pas exactement lequel.
A suivre ,
Cordialement

Re: Pont du secret

MessagePosté: Ven 21 Oct, 2011 18:11
de Séléné.C
Toponyme ancien réinterprété...
Ou bien il y a eu un secret autour de ce pont (mais lequel ? Il a été bien gardé, puisqu'on ne sait plus !)
Ou encore, un pont dans un endroit reculé, d'où le secret...

MessagePosté: Dim 23 Oct, 2011 20:18
de ejds
CH.-M. Des Granges, dans son Histoire de la Littérature française, des origines à 1920, 1929, 1042 pages, pp. 53-4 et 59-60, a écrit:
LA LITTERATURE COURTOISE

Le mot roman signifie à l’origine un récit, une narration, en vers, et en langue vulgaire ; c’est une œuvre d’imitation ou d’invention. Le roman s’oppose à la chanson de geste, en ce que celle-ci a toujours, ou prétend avoir, un fondement historique.
Ici, nous entrons, à proprement parler, dans la littérature. Il ne s’agit plus d’œuvres qui prennent racine dans le vieux fonds national et religieux, et qui rappellent au public ému le souvenir de réels exploits. Les romans bretons et les romans d’aventures ont été écrits par des lettrés, qui se sont inspirés de fables étrangères à notre pays. […]

Cette conception de l’amour, auquel tout doit céder, et qui « est plus fort que la mort », semble d’origine celtique, c'est-à-dire d'origine bretonne ou galloise. Mais elle se substitua sous l’influence des imitateurs d’Ovide, auteurs de différents Arts d’amour, André le Chapelain (XIIIe siècle) a écrit en latin un De Arte honeste amandi, qui contient selon G. Paris, « le code le plus complet de l’amour courtois tel qu’on le voit dans les romans de la Table Ronde (1) ».

(1) G. Paris, Littérature française au moyen âge, § 104.

Lancelot ou le Chevalier à la Charrette. Ce roman est beaucoup plus touffu, il n’est pas d’ailleurs tout entier de la main de Chrétien, qui le fit terminer par Godefroy de Lagni. — Le titre vient de ce que l’un des chevaliers de la cour d’Arthur, Lancelot (qui n’est nommé que fort tard dans le poème, pour piquer la curiosité des lecteurs) est parti à la recherche de la reine Genièvre, femme d’Arthur, enlevée par Méléagant, fils de Bademagne, « roi du pays d’où l’on ne revient pas ». En chemin, Lancelot perd son cheval, et, pour ne pas interrompre sa poursuite, il accepte de monter sur une charrette conduite par un nain : c’était une sorte de déshonneur, auquel il se soumettait volontairement « pour le service de sa dame ». Nous avons ici un trait essentiel d’amour courtois. — Lancelot franchit le pont périlleux, tranchant comme le fil d’une épée. Après plusieurs épisodes, il délivre la reine, pour l’amour de laquelle il consent encore à se laisser humilier dans un tournoi, jusqu’à ce qu’elle l’ait autorisé à prendre sa revanche. […]
— Le Chevalier à la Charrette fut mis en prose sous le titre de Lancelot (1220) et jouit jusqu’au seizième siècle d’une réputation européenne (1).

— (1) Voir l’épisode De Françoise de Rimini, dans la Divine Comédie, de DANTE : Enfer, chant V.

F. Gendrot et F.-M. Eustache, dans Auteurs français, Moyen Age, Classique Hachette, 1957, 268 pages, pp. 57-60, a écrit:
3. Le LANCELOT en prose (XIIIe siècle).
Au XIIIe siècle, l'œuvre de Chrétien de Troyes est reprise par les auteurs inconnus du Lancelot en prose, — notre premier roman en prose — et qui regroupe cinq récits [...].

LA CONFESSION DE LANCELOT

Lancelot est celui qui a mis son idéal dans la courtoisie et doit expier ses fautes. Un jour qu’il s’est vu dans un rêve, excommunié, il décide d’aller se confesser à un ermite. [...]
« Sire, fet Lancelot, il est einsi que je sui morz de pechié d'une moie dame que je ai amee toute ma vie, et ce est la reine Guenievre, la fame le roi Artus. »
Sire, fait Lancelot, il est ainsi que je suis mort de péché de ma dame que j’ai aimée toute ma vie, et c’est la reine Guenièvre, la femme du roi Arthur.

* Une vie nouvelle commence pour Lancelot : il lutte durement contre ses démons, mène une vie ascétique, porte la haire, s’abstient de viande et de vin, couche sur la dure ; il en est récompensé par des visions. Un jour il rencontre une nef mystérieuse où est couchée une jeune fille morte.

Chuchotements, larmes, soupirs… , on retrouvera aussi, en passant sous le pont près du bois, l'étude menée par Isabelle Coumert :

« Si ceste amur esteit seüe… »
L’obligation du secret dans la fin’amor

(XIIe-XIIIe siècles)

Re: Pont du secret

MessagePosté: Mar 25 Oct, 2011 14:27
de Claudine
Tout-à-fait d'accord pour la thématique du secret dans la littérature courtoise. Ce qui m'intrigue ici, c'est le "pont". A ma connaissance, la traversée du pont, dans les romans arthuriens, représente une épreuve pour le héros. C'est parfois, comme le gué, un point de rencontre, mais Guenièvre est-elle une de ces "demoiselles" qu'on rencontre en chemin ? ; et l'idée de rendez-vous amoureux me semble bien anachronique ! C'est le jardin clos qui abrite les amours secrètes.
Cordialement.

Re: Pont du secret

MessagePosté: Mar 25 Oct, 2011 15:04
de Séléné.C
Il y a des rendez-vous amoureux, dans la litérrature courtoise...
Mais pour moi, le nom "pont du secret" vient d'ailleurs

Re: Pont du secret

MessagePosté: Mer 26 Oct, 2011 11:54
de DT
Salut à tous,
pont et secret dans la fin'amor:
http://expositions.bnf.fr/arthur/arret/06_2_3.htm
A+

Re: Pont du secret

MessagePosté: Mer 26 Oct, 2011 12:53
de DT
Salut à tous,
on peut joindre à cette discussion, cet ancien fil du forum:
http://www.arbre-celtique.com/forum/viewtopic.php?f=11&t=3504
A+

MessagePosté: Lun 07 Nov, 2011 11:01
de ejds
Kambonemos, le Ven. 21 Oct. 201, a écrit:Ca fait douze jours que Claudine est au secret :
Li-bé-rez Claudine ! Li-bé-rez Claudine !

Séléné.C, le Ven. 21 Oct. 2011, a écrit:PS = :wink: Pierre, faudrait-y pas techniquement déplacer ce fil ?

Pendant que Pierre, notre galant et fougueux chevalier de l’Arbre, s’empresse, au retour de ses maintes aventures, de libérer Claudine du site "assistance technique" où elle s’est égarée et « d’où l’on ne revient pas » :(

Légendes et traditions confirment le symbolisme du pont, lieu de passage et d’épreuve, et dont la construction relève déjà de l’exploit. Il existe deux pages pleines dans le Dictionnaire de Symboles, A. Gheerbrant et J. Chevalier, 1974, Éditions Seghers, tome 4, pp. 47-8.

Guenièvre s’étonne et se moque de Lancelot d’hésiter à se couvrir de ridicule à grimper et voyager dans la charrette ; et, pour venir la libérer, au péril de sa vie et de se couvrir de blessures, de ne pas hésiter à choisir entre le pont sous l’eau (ou pont perdu) et le pont de l’épée.

G. Lanson et P. Tuffrau, dans leur Manuel illustré d’histoire de la littérature française, Librairie Hachette, 1938, 814 pages, pp. 27-28, impriment ainsi leurs impressions :

---------------------------------LES ROMANS BRETONS

--------------------------------- Image

Analyse de Lancelot,
le Chevalier
à la charrette.

---------------------------------La reine Guenièvre, femme d’Arthur, a été enlevée par un prince étranger. Gauvain, le neveu d’Arthur, par à sa recherche ; un chevalier inconnu se joint à lui. En route, l’inconnu perd son cheval. Alors un nain passe, conduisant une charrette ; il promet au chevalier démonté de lui faire voir la reine le lendemain matin s’il consent à prendre place près de lui. L’inconnu hésite : faire route dans une charrette étant le pire déshonneur pour un chevalier ; puis il accepte. Le nain le conduit dans un château mystérieux où l’inconnu subit l’épreuve du « lit périlleux » : à minuit une lance empennée de flammes descend sur lui comme la foudre, mais l’épargne. Et le lendemain matin, du haut du château, il voit passer au loin la reine prisonnière qu’emmène un grand chevalier.

— La poursuite reprend. Une belle demoiselle apprend aux deux poursuivants que la reine est au pouvoir de Méléagant, fils du roi qui règne sur le pays « d’où l’on ne revient pas ; » deux ponts y conduisent : le pont sous l’eau et le pont de l’épée. L’inconnu choisit ce dernier, réputé plus dangereux. Il le franchit, défait successivement des adversaires toujours plus redoutables, et finalement Méléagant : un instant cependant il est en péril parce que, fasciné par la vue de la reine qui est apparue à une fenêtre, il oublie de se défendre. Ce héros mystérieux c’est Lancelot.

— Or la reine, pour laquelle il a bravé tant de périls, le reçoit fort mal. De quoi lui en veut-elle ? Ce n’est pas d’être monté en charrette, mais d’y être monté « moult à regret, en hésitant. » Le crime de Lancelot, c’est donc d’avoir eu honte…
Il ne faut rien moins que la fausse nouvelle de sa mort pour que Guenièvre lui pardonne et lui accorde son amour. Il la délivre de sa prison ; mais ce n’est pas lui, mais son compagnon Gauvain qui la reconduit à la cour d’Arthur. Quand Lancelot y parvient, après de nouvelles aventures, un grand tournoi va avoir lieu. Il porte une armure d’emprunt qui le rend méconnaissable aux yeux de tous, sauf à ceux de la reine. Pour éprouver une fois de plus sa parfaite docilité, elle lui fait dire à deux reprises de « faire au pis, » c’est-à-dire d’être aussi couard et aussi ridicule qu’il se pourrait ; c’est seulement au bout de trois jours qu’elle l’autorise à « faire au mieux, » et il prend alors une splendide revanche.

— Lancelot, qui n’agit qu’en vue de complaire à sa dame, est par excellence le type de chevalier courtois.


Chrétien de Troyes
esprit positif,
poète courtois.

----------------------------------Chrétien de Troyes est un adroit faiseur de vers, sans conviction, sans gravité ; à les bien prendre, ses poèmes sont des contrefaçons des légendes celtiques. Il est entièrement dépourvu du sens du mystère. Il dessèche tout, il clarifie tout. Sous sa plume, les légendes et les rêves, dépouillés de leur âme profonde, deviennent des fictions vides, purement extravagantes. Ne lui demandez pas ce que sont ces pays d’où l’on ne revient pas, ces ponts périlleux tranchants comme l’épée, ces chevaliers qui retiennent tous ceux qui pénètrent dans leurs châteaux, ces lois de ces étranges lieux que, si une fois l’un en sort, tout le monde en sort ; il n’en sait rien ; le madré compagnon a simplement vu là une matière neuve propre à recréer les dames ; il serait bien étonné d’apprendre qu’il a parlé de l’empire des morts.

Pourtant il a du talent. Mais son talent est juste contraire à son sujet. Il a le sens des réalités prochaines, et son sujet et tout mystère et toute poésie. Aussi le conte-il comme il peut, le rapetissant, l’aplatissant, le piquant de mille petits détails communs et vrais qui en font de prosaïques absurdités. Dans cette observation réaliste et légère qui est la sienne, il va quelquefois assez loin : telle scène décrivant l’éveil de l’amour (dans Yvain, le Chevalier au lion) atteste d’une fine connaissance des âmes moyennes. Du reste les contemporains ont dû prêter peu d’attention à ces qualités, — les plus appréciées aujourd’hui.

Re: Pont du secret

MessagePosté: Mar 08 Nov, 2011 10:22
de Claudine
Des ponts périlleux, oui, mais pas de pont près duquel Lancelot et Guenièvre se rencontrent ou se retrouvent secrètement.

Re: Pont du secret

MessagePosté: Mar 08 Nov, 2011 16:32
de Séléné.C
As-tu remarqué, Claudine, que le lieu dit "Pont du Secret", de nos jours, sont... Des chambres d'hôtes ? :mrgreen: Y aurait-il eu auberge sous roche ?