CH.-M. Des Granges, dans son Histoire de la Littérature française, des origines à 1920, 1929, 1042 pages, pp. 53-4 et 59-60, a écrit:
LA LITTERATURE COURTOISE
Le mot roman signifie à l’origine un récit, une narration, en vers, et en langue vulgaire ; c’est une œuvre d’imitation ou d’invention. Le roman s’oppose à la chanson de geste, en ce que celle-ci a toujours, ou prétend avoir, un fondement historique.
Ici, nous entrons, à proprement parler, dans la littérature. Il ne s’agit plus d’œuvres qui prennent racine dans le vieux fonds national et religieux, et qui rappellent au public ému le souvenir de réels exploits. Les romans bretons et les romans d’aventures ont été écrits par des lettrés, qui se sont inspirés de fables étrangères à notre pays. […]
Cette conception de l’amour, auquel tout doit céder, et qui « est plus fort que la mort », semble d’origine celtique, c'est-à-dire d'origine bretonne ou galloise. Mais elle se substitua sous l’influence des imitateurs d’Ovide, auteurs de différents Arts d’amour, André le Chapelain (XIIIe siècle) a écrit en latin un De Arte honeste amandi, qui contient selon G. Paris, « le code le plus complet de l’amour courtois tel qu’on le voit dans les romans de la Table Ronde (1) ».
(1) G. Paris, Littérature française au moyen âge, § 104.
Lancelot ou le Chevalier à la Charrette. Ce roman est beaucoup plus touffu, il n’est pas d’ailleurs tout entier de la main de Chrétien, qui le fit terminer par Godefroy de Lagni. — Le titre vient de ce que l’un des chevaliers de la cour d’Arthur, Lancelot (qui n’est nommé que fort tard dans le poème, pour piquer la curiosité des lecteurs) est parti à la recherche de la reine Genièvre, femme d’Arthur, enlevée par Méléagant, fils de Bademagne, « roi du pays d’où l’on ne revient pas ». En chemin, Lancelot perd son cheval, et, pour ne pas interrompre sa poursuite, il accepte de monter sur une charrette conduite par un nain : c’était une sorte de déshonneur, auquel il se soumettait volontairement « pour le service de sa dame ». Nous avons ici un trait essentiel d’amour courtois. — Lancelot franchit le pont périlleux, tranchant comme le fil d’une épée. Après plusieurs épisodes, il délivre la reine, pour l’amour de laquelle il consent encore à se laisser humilier dans un tournoi, jusqu’à ce qu’elle l’ait autorisé à prendre sa revanche. […]
— Le Chevalier à la Charrette fut mis en prose sous le titre de Lancelot (1220) et jouit jusqu’au seizième siècle d’une réputation européenne (1).
— (1) Voir l’épisode De Françoise de Rimini, dans la Divine Comédie, de DANTE : Enfer, chant V.
F. Gendrot et F.-M. Eustache, dans Auteurs français, Moyen Age, Classique Hachette, 1957, 268 pages, pp. 57-60, a écrit:
3. Le LANCELOT en prose (XIIIe siècle).
Au XIIIe siècle, l'œuvre de Chrétien de Troyes est reprise par les auteurs inconnus du Lancelot en prose, — notre premier roman en prose — et qui regroupe cinq récits [...].
LA CONFESSION DE LANCELOT
Lancelot est celui qui a mis son idéal dans la courtoisie et doit expier ses fautes. Un jour qu’il s’est vu dans un rêve, excommunié, il décide d’aller se confesser à un ermite. [...]
« Sire, fet Lancelot, il est einsi que je sui morz de pechié d'une moie dame que je ai amee toute ma vie, et ce est la reine Guenievre, la fame le roi Artus. »
Sire, fait Lancelot, il est ainsi que je suis mort de péché de ma dame que j’ai aimée toute ma vie, et c’est la reine Guenièvre, la femme du roi Arthur.
* Une vie nouvelle commence pour Lancelot : il lutte durement contre ses démons, mène une vie ascétique, porte la haire, s’abstient de viande et de vin, couche sur la dure ; il en est récompensé par des visions. Un jour il rencontre une nef mystérieuse où est couchée une jeune fille morte.
Chuchotements, larmes, soupirs… , on retrouvera aussi, en passant sous le pont près du bois, l'étude menée par Isabelle Coumert :
« Si ceste amur esteit seüe… »
L’obligation du secret dans la fin’amor(XIIe-XIIIe siècles)