Bois,
nemos en grec,
nemus en latin, on ne peut que s' s'extasier devant la liste que l'on peut dresser concernant les noms (
nemo) de villes ou de personnes.
Ainsi,
Nemetona ou Nemetonea : déesse germano-celtique (?), éponyme du peuple des Némètes, particulièrement vénérée en Germanie, dans l’est des Gaules et dans l’île de Bretagne. Parèdre de
Mars Loucetius, une représentation dans la pierre, qui a été retrouvée à Angers, est exposée dans le petit musée archéologique d’Orléans.
Culte des arbres et des forêts, ou bien "culte du dieu ou des dieux qui habitent la forêt", à la lisière des faits, des littératures et légendes comparées, des commentaires plus ou moins tangibles concordent ou divergent :
J. Chevalier et A. Gheerbrant a écrit:BOIS
3. Chez les Anciens, Grecs et Latins, comme chez d’autres peuples, des bois (non plus le bois) étaient consacrées à des divinités : ils symbolisaient la demeure mystérieuse du Dieu. Sénèque en a fait une belle évocation :
.....Ces bois sacrés peuplés d’arbres antiques d’une hauteur inusitée, où les rameaux étaient superposés à l’infini dérobent la vue du ciel, la puissance de la forêt et son mystère, le trouble que répand en nous cette ombre profonde qui se prolonge dans les lointains, tout cela ne donne-t-il pas le sentiment qu’un Dieu réside en ce lieu ?
(Lettres à Lucilius, 41, 2 in LAVS, traduction révisée).
.....Chaque dieu a son bois sacré : s’il y inspire une crainte référentielle, il y reçoit aussi les hommages et les prières. Les Romains ne pouvaient ni couper, ni émonder les arbres des bois sacrés sans sacrifice expiatoire. […]
FORÊT
1. En diverses régions, notamment chez les Celtes, la forêt constituait un véritable sanctuaire à l’état de nature : ainsi de la forêt de Brocéliande, comme de la forêt de Dodone chez les Grecs. En Inde, les samnyâsâ se retirent dans la forêt, de même que les ascètes bouddhiques : Les forêts sont douces, lit-on dans le Dhammapada, lorsque le monde n’y entre pas ; le saint y trouve son repos*. […]
3. Il y a une stricte équivalence sémantique, à l’époque ancienne entre la forêt celtique et le sanctuaire, nemeton. L’arbre peut être considéré, en tant que symbole de vie, comme un lien, un intermédiaire entre la terre où il plonge ses racines, et la voûte du ciel qu’il rejoint ou touche de sa cime. Les temples de pierre ne se construiront en Gaule que sous l’influence romaine, après la conquête (OGAC, 12, 185-197).
Dictionnaire des symboles, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Éditions Seghers, 1973.
V. Kruta a écrit:Bois sacré. Les textes attestent chez les anciens Celtes l’existence de sanctuaires constitués par des bosquets sacrés, délimités probablement par un enclos (nemeton). C’est une explication possible de la fonction de certaines enceintes quadrangulaires dont l’espace intérieur apparaît à la fouille comme à peu près vide de constructions (voir VIEREKSCHANZE).
[…] Le seul témoignage archéologique direct du culte celtique des arbres, bien attesté par les textes (voir GUI), pourrait être constitué par la découverte du site de Burkovák en Bohème.
Nemeton, ou peut-être nemetos.
Nom celtique du sanctuaire, équivalent du grec temenos. On considère généralement que le nemeton était un espace sacré délimité par une enceinte. Les enceintes quadrangulaires sont connues surtout à partir du IIIe s. av. J.-C. (voir GOURNAY-SUR-ARONDE, MŠECKÉ ŽEHROVICE et VIEREKSCHANZE) mais il existe également de plus anciennes (voir ZẢVIST). Rien n’indique toutefois le plan exclusivement quadrangulaire du nemeton (l’enceinte circulaire de Navan Fort devrait pouvoir être qualifiée de nemeton), ni même la nécessité d’une matérialisation complète des limites de l’espace sacré qui pouvaient être signalées également par des stèles (voir VERCEIL).
Bibl. Piggott 1978 ; Prosdocimi 1989 ; Vendryes 1948.
Les Celtes, Histoire et dictionnaire, Venceslas Kruta, Éditions Robert Laffont, 2000, pp. 480 et 751—752.
J. P. Picot a écrit:Nemeton
Mot celtique qui désigne le sanctuaire : enceintes sacrées, clairières à ciel ouvert, où les Gaulois* venaient vénérer et écouter leurs druides*. Les druides interdisent toute architecture* consacrée aux dieux. V. Mythologie celte.
« Il y avait un bois sacré, qui depuis un âge reculé, n’avait jamais été profané. Il entourait de ses rameaux entrelacés un air ténébreux et des ombres glacées, impénétrables au soleil. » Lucain, Pharsale, I. 453).
Dictionnaire historique de la Gaule, Jean-Pierre Picot, Éditions La Différence, 2002.
Dans ses lettres, le philosophe
Lucius Annaeus Seneca ou
Senèque le jeune (v. 4 av. – 65 ap. J.-C.) dépeint d’une manière divine la forêt aux arbres séculaires.
Mieux connu est le texte suivant qui a été rédigé par son neveu,
Marcus Annaeus Lucanus ou
Lucain (39 – 65 ap. J.-C.). Alors qu'il ne l'a jamais vu, puisqu'elle aurait été détruite par César, Lucain assombrit et fournit une description particulièrement effrayante et désenchantée de la forêt située aux pieds de Massalia (Marseille) ; colonie phocéenne vieille de près de six siècles et dont le culte était dédié depuis sa fondation à Artémis :
Lucain a écrit:LA PHARSALE
LIVRE IIIhttp://remacle.org/bloodwolf/historiens ... livre3.htmRésistance de Marseille et discours de ses députés à César.Mais tandis que les autres nations frémissent au nom de César, Marseille, colonie de Phocée ose rester fidèle à son alliance
(55), garde la foi jurée ; et toute grecque qu'elle est, préfère le parti le plus juste au plus heureux.
Description de la forêt sacrée de Marseille que César fait abattre.Non loin de la ville était un bois sacré, dès longtemps inviolé, dont les branches entrelacées écartant les rayons du jour, enfermaient sous leur épaisse voûte un air ténébreux et de froides ombres. Ce lieu n'était point habité par les Pans rustiques ni par les Sylvains et les nymphes des bois. Mais il cachait un culte barbare et d'affreux sacrifices. Les autels, les arbres y dégouttaient de sang humain ; et, s'il faut ajouter foi à la superstitieuse antiquité, les oiseaux n'osaient s'arrêter sur ces branches ni les bêtes féroces y chercher un repaire ; la foudre qui jaillit des nuages évitait d'y tomber, les vents craignaient de l'effleurer. Aucun souffle n'agite leurs feuilles ; les arbres frémissent d'eux-mêmes. Des sources sombres versent une onde impure ; les mornes statues des dieux, ébauches grossières, sont faites de troncs informes ; la pâleur d'un bois vermoulu inspire l'épouvante. L'homme ne tremble pas ainsi devant les dieux qui lui sont familiers. Plus l'objet de son culte lui est inconnu, plus il est formidable. Les antres de la forêt rendaient, disait-on, de longs mugissements ; les arbres déracinés et couchés par terre se relevaient d'eux-mêmes ; la forêt offrait, sans se consumer, l'image d'un vaste incendie ; et des dragons de leurs longs replis embrassaient les chênes. Les peuples n'en approchaient jamais. Ils ont fui devant les dieux. Quand Phébus est au milieu de sa course, ou que la nuit sombre enveloppe le ciel, le prêtre lui-même redoute ces approches et craint de surprendre le maître du lieu.
Ce fut cette forêt que César ordonna d'abattre, elle était voisine de son camp, et comme la guerre l'avait épargnée, elle restait seule, épaisse et touffue, au milieu des monts dépouillés. À cet ordre, les plus courageux tremblent. La majesté du lieu les avait remplis d'un saint respect, et dès qu'ils frapperaient ces arbres sacrés, il leur semblait déjà voir les haches vengeresses retourner sur eux-mêmes.
César voyant frémir les cohortes dont la terreur enchaînait les mains, ose le premier se saisir de la flache, la brandit, frappe, et l'enfonce dans un chêne qui touchait aux cieux. Alors leur montrant le fer plongé dans ce bois profané : "Si quelqu'un de vous, dit-il, regarde comme un crime d'abattre la forêt, m'en voilà chargé, c'est sur moi qu'il retombe." Tous obéissent à l'instant, non que l'exemple les rassure, mais la crainte de César l'emporte sur celle des dieux. Aussitôt les ormes, les chênes noueux, l'arbre de Dodone, l'aune, ami des eaux, les cyprès, arbres réservés aux funérailles des patriciens ; virent pour la première fois tomber leur longue chevelure, et entre leurs cimes il se fit un passage à la clarté du jour. Toute la forêt tombe sur elle-même, mais en tombant elle se soutient et son épaisseur résiste à sa chute.
À cette vue tous les peuples de la Gaule gémirent, mais captive dans ses murailles, Marseille s'en applaudit. Qui peut se persuader, en effet, que les dieux se laissent braver impunément et cependant combien de coupables la Fortune n'a-t-elle pas sauvés ! Il semble que le courroux du ciel n'ait le droit de tomber que sur les misérables.
Quand les bois furent assez abattus, on tira des campagnes voisines des chariots pour les enlever ; le laboureur consterné vit dételer ses taureaux, et, obligé d'abandonner son champ, il pleura la perte de l'année. [...]
Les événements se passaient en 49 av. J.-C., et César, dans
La Guerre civile, Livre I, 1, 34-36, 1, 56-58, en fait peu de cas de cette forêt sacrée. Ses commentaires précisent les préparatifs et la destruction des forêts environnantes indispensables pour effectuer le siège de la ville et la construction de la flotte de galères.
En 60 ap. J.-C., lors de l'invasion de l'île de Bretagne par les troupes de
Gaius Suetonius Paulinus, on retrouve aussi cette coupe des bois consacrés de l’île de Mona, et où l'on abat les arbres comme l’on abattrait les dieux.
Publius Cornelius Tacitus ou
Tacite (v. 55 – 120 ap. J.-C.) raconte :
Tacite a écrit: Annales - Livre XIV[14,30] http://bcs.fltr.ucl.ac.be/TAC/AnnXIV.html(1) L'ennemi bordait le rivage: à travers ses bataillons épais et hérissés de fer, couraient, semblables aux Furies, des femmes échevelées, en vêtements lugubres, agitant des torches ardentes; et des druides, rangés à l'entour, levaient les mains vers le ciel avec d'horribles prières. Une vue si nouvelle étonna les courages, au point que les soldats, comme si leurs membres eussent été glacés, s'offraient immobiles aux coups de l'ennemi. (2) Rassurés enfin par les exhortations du général, et s'excitant eux-mêmes à ne pas trembler devant un troupeau fanatique de femmes et d'insensés, ils marchent en avant, terrassent ce qu'ils rencontrent, et enveloppent les barbares de leurs propres flammes. On laissa garnison chez les vaincus, et l'on coupa les bois consacrés à leurs atroces superstitions; car ils prenaient pour un culte pieux d'arroser les autels du sang des prisonniers, et de consulter les dieux dans des entrailles humaines.
e.