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rite initiatique gaulois

MessagePosté: Dim 09 Jan, 2005 19:05
de Pan
Dans la Guerre des Gaules, César fait mention de sacrifices humains. Quelqu'un pourrait-il me retrouver le passage exact?

J'y verrais plutôt un rite d'initiation avec feu de chanvre. Les archéologues ont-ils trouvé des sites correspondants?

Merci.

MessagePosté: Dim 09 Jan, 2005 19:24
de Pierre
Jules césar, Guerre des Gaules, VI, 13: "Partout en Gaule il y a deux classes d'hommes qui comptent et sont considérés. Quant aux gens du peuple, ils ne sont guère traités autrement que des esclaves, ne pouvant se permettre aucune initiative, n'étant consultés sur rien. La plupart, quand ils se voient accablés de dettes, ou écrasés par l'impôt, ou en butte aux vexations de plus puissants qu'eux, se donnent à des nobles ; ceux-ci ont sur eux tous les droits qu'ont les maîtres sur leurs esclaves. Pour en revenir aux deux classes dont nous parlions, l'une est celle des druides, l'autre celle des chevaliers. Les premiers s'occupent des choses de la religion, ils président aux sacrifices publics et privés, règlent les pratiques religieuses ; les jeunes gens viennent en foule s'instruire auprès d'eux, et on les honore grandement. Ce sont les druides, en effet, qui tranchent presque tous les conflits entre États ou entre particuliers et, si quelque crime a été commis, s'il y a eu meurtre, si un différend s'est élevé à propos d'héritage ou de délimitation, ce sont eux qui jugent, qui fixent les satisfactions à recevoir et à donner ; un particulier ou un peuple ne s'est-il pas conformé à leur décision, ils lui interdisent les sacrifices. C'est chez les Gaulois la peine la plus grave. Ceux qui ont été frappés de cette interdiction, on les met au nombre des impies et des criminels, on s'écarte d'eux, on fuit leur abord et leur entretien, craignant de leur contact impur quelque effet funeste ; ils ne sont pas admis à demander justice, ni à prendre leur part d'aucun honneur [...]"

Jules césar, Guerre des Gaules, VI, 16: "Tout le peuple gaulois est très religieux ; aussi voit-on ceux qui sont atteints de maladies graves, ceux qui risquent leur vie dans les combats ou autrement, immoler ou faire voeu d’immoler des victimes humaines, et se servir pour ces sacrifices du ministère des druides ; ils pensent, en effet, qu’on ne saurait apaiser les dieux immortels qu’en rachetant la vie d’un homme par la vie d’un autre homme, et il y a des sacrifices de ce genre qui sont d’institution publique. Certaines peuplades ont des mannequins de proportions colossales, faits d’osier tressé, qu’on remplit d’hommes vivants : on y met le feu, et les hommes sont la proie des flammes. Le supplice de ceux qui ont été arrêtés en flagrant délit de vol ou de brigandage ou à la suite de quelque crime passe pour plaire davantage aux dieux ; mais lorsqu’on n’a pas assez de victimes de ce genre, on va jusqu’à sacrifier des innocents."


@+Pierre

MessagePosté: Dim 09 Jan, 2005 22:17
de lopi
Ou alors, un truc du genre Hymne VI, 8 du Rig Veda ?: O Agni, l'holocauste a été jeté dans ta bouche, comme le ghrita est versé dans la cuiller, et le soma dans le vase sacré. Donne nous une large et glorieuse opulence, qui nous assure l'abondance, la renommée et la puissance.

MessagePosté: Dim 09 Jan, 2005 22:25
de Pierre
lopi a écrit:Donne nous une large et glorieuse opulence...


Je ne penses pas que ce soit le professionnel qui s'exprime :lol:

MessagePosté: Dim 09 Jan, 2005 23:11
de lopi
Non, le processionnel.

Pan, tu parles d'initiation, il ne peut s'agir alors que d'initiation à la mort, fouler le seul de Proserpine, une eucharistie...
Au Congo, les garçons entre 10 et 12 ans avalent une boisson qui leur fait perdre connaissance. Ils sont alors emportés dans la jungle pour être circoncis. Ils sont enfermés dans la maison des fétiches. Cet enfermement a valeur d'inhumation. Pendant leur réclusion dans la jungle, ils sont peints en blanc comme les morts.

Post Tenebras Lux

Ou suivre le cours du Livre de Daniel?

Ordo ab Chao

A+
Lopi

MessagePosté: Lun 10 Jan, 2005 13:51
de Pan
Merci beaucoup Pierre, tu es si serviable :75: .

Au sujet de ces sacrifices, n'a-t-on pas de traces archéologiques montrant des sortes de trous avec galeries qui donneraient sur une autre sortie. En ce sens que l'on mettait les mystes dans ce trou qu'on recouvrait d'un tas de chanvre et auquel on mettait le feu? On sait que les Scythes utilisaient le cannabis sativa, qui n'est pas le nôtre mais tout de même. Rester enfermé là-dedans et inhaler cette fumée devait vous monter au crâne (même si le THC n'est pas aussi fort). En Carnaval, on brûle la chénevotte à cette période de l'année.
Le grand mannequin décrit par César est troublant, ça me fait penser plus à un rite qu'à une exécution. Sans parler des géants/rois qu'on brûle en période carnavalesque.

Lopi, j'apprécie que tu me fasses part de tes lectures ethnologiques :wink: .

Pan, tu parles d'initiation, il ne peut s'agir alors que d'initiation à la mort, fouler le seul de Proserpine, une eucharistie...


C'est un pléonasme! Une initiation est toujours une mort/résurrection. On meurt à quelque chose pour naître à un autre niveau, qu'il soit spirituel ou social.

Je vous parle de cela car je l'ai vu quelque part, je cherche et je reviens car ça me titille.

MessagePosté: Lun 10 Jan, 2005 13:58
de Fergus
On sait que les Scythes utilisaient le cannabis sativa, qui n'est pas le nôtre

Ah oui ? C'est un aveu ?
Parle nous de tes rites personnels, Pan :lol:

MessagePosté: Lun 10 Jan, 2005 14:12
de Pierre
Saint-Maclou :lol:

MessagePosté: Lun 10 Jan, 2005 15:26
de lopi
C'est un pléonasme!
Je sais, je sais...
Je voulais dire que, s'il s'agit d'un rite, il devait être très important. Si j'ai choisi l'expression fouler le seuil de Proserpine, c'est qu'il s'agit de l'expression utilisée dans l'äne d'or d'Apulée pour les rites d'entrée dans les cultes à mystères, donc pas rien.
Le feu, et le chanvre (par exemple utilisé en breuvage) entraient dans des rites très importants, en Inde par exemple, avec le rite de renoncement.

MessagePosté: Lun 10 Jan, 2005 15:44
de Pan
:lol: :lol: :lol:

Je vous vois venir bande de galopins :roll: . De plus, certains d'entre-vous doivent être plus au courant que moi :) , n'est-ce pas?

Le chanvre européen, depuis l'Antiquité jusqu'au Moyen Âge, n'avait pas la teneur en THC (tétrahydrocannabinol, principe actif :wink: ) du chanvre indien. Les toponymes en canebières sont nombreux en France, on faisait de tout avec (surtout des cordes pour les pendus). Le pantagruelion cher à Rabelais nous en dit long!

Ils (les Scythes) récoltent une sorte de chanvre que produit la contrée, comparable au lin, sauf la force et la longueur, car sous ce rapport il l'emporte de beaucoup sur lui... Les Scythes donc prennent de la graine de ce chanvre, ils entrent sous les pieux qu'enveloppent leurs manteaux et jettent cette graine sur les pierres rougies au feu; elles fument aussitôt et répandent une vapeur plus abondante qu'aucune étuve hellénique; les Scythes excités par cette vapeur se mettent à hurler, elle leur tient lieu de bain, car jamais ils ne plongent leur corps entier dans l'eau. in Hérodote, Histoires, IV, 74-75; Mircea Eliade, De Zalmoxis à Gengis Khan. Etudes comparatives sur les religions et le folklore de la Dacie et de l'Europe oreintale., , Paris, Payot, 1970.

Parmi les différentes séries de noms qui servent en France à désigner le bûcher, Van Gennep note chevanne, chavanne, tchavanne, tchavoine (dérivé du nom latin du chanvre, cannabis).

Or, le chanvre "tué", arraché en pleine canicule, est entreposé dans des bacs d'eau afin qu'il pourrisse et s'amollisse (bain de sirènes et bains menstruels! :wink: ), puis est peigné (sirènes et Mélusine, iconographie :wink: ) pendant les veillées d'hiver (martyr de saint Blaise :wink: ) et enfin brûlé pendant la période carnavalesque avec magie imitative (plus on saute haut au-dessus du feu, plus les plantes textiles seront hautes, fortes et abondantes).

D'où cette question qui me brûle les lèvres: n'y avait-il pas en Europe (au sens large) des rites initiatiques autour du chanvre et l'exemple des Gaulois jetés dans des mannequins brûlés n'évoquent-ils pas ces mêmes rites auxquels César n'avait pas compris grand chose? Cette période clé entre la fin de l'hiver et le début du renouveau, càd Carnaval et imbolc, était propice aux initiations et à l'imolation du chanvre.

Où passés les archéologues sont-ils?

Si j'ai choisi l'expression fouler le seuil de Proserpine, c'est qu'il s'agit de l'expression utilisée dans l'äne d'or d'Apulée pour les rites d'entrée dans les cultes à mystères, donc pas rien.


Que de bonnes lectures Lopi :wink: .

MessagePosté: Lun 10 Jan, 2005 17:08
de Adcanaunos
Ici revenus les archéologues sont (du moins l'un d'entre eux).

Ces fameux "mannequins à sacrifice" en osier ont fait beaucoup gloser, alors que rien ne vient étayer leur existence sur le plan archéologique.

J.-L. Brunaux (Les religions celtiques, Errance 2002) y voit un lointain équivalent de ses échafaudages à charognes fouillés à Ribemont, chargés de dépouilles ennemies décapitées et accrochées en hauteur. Il fait l'impasse sur la fin de la phrase de César, qui précise qu'ils étaient brûlés.

:99:
Un tas de bois et des corps humains immolés : réduits en cendre, ces holocaustes ne ressemblaient-ils pas, en définitive, aux bûchers des nécropoles décrits par le même César lorsqu'il parle des funérailles des Gaulois ?

:105:
Partant de là, le rapport avec le chanvre me semble un peu tiré par les cheveux. Selon Pline, les Celtes étaient plutôt amateurs de décoctions de glands...

Sur les sacrifices humains en Gaule, voir l'ouvrage cité de Jean-Louis Brunaux. S'armer d'un bon dictionnaire grec (genre Bailly) et d'une épaisse cotte de mailles contre la mauvaise foi.
Je résume, pour faire vite : l'ampleur de ces pratiques de sacrifice est sciemment exagérée par les auteurs gréco-latins, alors que l'archéologie tend à indiquer qu'ils sont beaucoup moins généralisés qu'ils ne le prétendent, ce qui n'interdit pas... d'utiliser ces mêmes textes pour prouver qu'il s'agit en fait de condamnés de droit commun ou d'ennemis exécutés et abandonnés aux vautours.

L'archéologie a pourtant beaucoup plus à dire, à ce sujet, que des textes accomodables à toutes les sauces (au chanvre, au gland ou au guano, au choix)...

A +

MessagePosté: Lun 10 Jan, 2005 19:46
de Thierry
Bonsoir, ce que l'archéologie semble avoir mis à jour, en tout cas à Fesques, c'est un phénoméne d'éxécution publique et d'exposition des exécutions, assez proche tout compte fait du système romain d'éxécution publique (la crucifixtion).

Si on voit en Fesques, un lieu de réunion des hommes en armes, il paraît assez logique d'y voir un lieu de décision politique et judiciaire et de voir dans les suppliciés, qui semblent avoir été passablement nombreux (17 paires de pieds retrouvées sur une fouille très partielle permettant de porter l'estimation à environ une centaine de personnes).

Maintenant, en l'absence de textes, bien malin, vu de l'extérieur, celui qui pourra faire la distinction entre une condamnation (certainement) au nom des Dieux et un sacrifice au nom des mêmes Dieux......

MessagePosté: Mar 11 Jan, 2005 9:51
de lopi
Il semble que le chanvre gaulois était bien connu dans l'Antiquité puisque Hiéron de Syracuse faisait venir, selon Moshion, du chanvre par le Rhône pour ses navires.
Mais ce chanvre là ne contient que 0,3% de delta 9 THC.
Les formes "consommables" en contiennent 2 à 6%. A partir de ces formes, il faut ensuite des préparations pour faire monter la concentration du produit jusqu'à 20%.
L'utilisation à des fins de modification de l'état psychique était donc peu probable. Ils avaient d'autres substances...

MessagePosté: Mar 11 Jan, 2005 10:17
de Muskull
"Le pavot, plante cultivée pour ses graines alimentaires, oléagineuses, plusieurs millénaires avant notre ère dans l'Est méditerranéen, d'où elle est vraisemblablement originaire (le type primitif est le pavot à feuilles velues, Papaver setigerum L., à capsule munie d'orifices sous le disque stigmatique). L'Iliade en parle et il semble qu'elle entrait dans la composition du breuvage de L'Odyssée (IV, 221), "procurant l'oubli de tous les chagrins". Les médecins grecs et latins des premiers siècles de notre ère connaissaient les pouvoirs narcotiques du pavot (Papaver somniferum ), mais n'en tiraient parti qu'avec une grande circonspection, tout comme les Arabes du haut Moyen Âge. Des accidents mortels ont été rapportés par Pline (Ier s.). Le médecin alchimiste Paracelse (1491-1541) introduisit l'usage de l'opium dans la matière médicale moderne. Les usages médicaux de l'opium datent de la haute Antiquité: une tablette sumérienne mentionne le pavot à opium comme "plante de la joie" et son exsudat, ou "graisse de lion". Certains écrits égyptiens datant d'Aménophis Ier (XVIIIe dynastie) et de Ramsès II vantent expressément les vertus "dormitives" et analgésiques de la plante et de son produit. Par la suite, Hippocrate et Théophraste en firent un médicament contre la douleur. Au Ier siècle, Dioscoride dans son De materia medica , qui fut un manuel traditionnel de pharmacologie pendant des siècles, décrit le pavot avec précision et, pour la première fois d'un point de vue chimique, distingue la plante elle-même de son latex, seul efficace. "
http://users.skynet.be/toxicomanie/socio.htm

MessagePosté: Mar 11 Jan, 2005 10:32
de Pan
Merci à vous tous pour vos contributions :D ,

Je pensais bien que ce ne serait pas simple, juste une hypothèse en partant du fait que l'on connaissait l'usage du chanvre en Gaule, comparé à des pratiques scythes et au texte de César, et que Van Gennep (bien plus tard je le concède, mais la tradition populaire!) nous parle de feu de chanvre autour du carnaval.

Voilà tout un ensemble assez cohérent mais qui manque de concret et de matériaux explicites (archéo, texte,...). A mettre de côté donc.