Taliesin a écrit:Remontage de vieux fil !
Ferdinand Lot (
Romania, 1925) avait émis l'hypothèse que le nom de Lancelot, dériverait de celui de Llenlleawc Gwyddel de la façon suivante :
Llen > Lan
Lleawc > Loch > Loth, Lot
problème : il manque la syllabe
ce. Lot suppose donc que le nom de Lancelot serait une composition de Llenlleeawc avec le prénom franc Lancelin.
Pour Rachel Bromwich (
Trioedd Ynys Prydein, p. 414-415), Lancelot est tout simplement une variante de Lancelin, et il n'y a pas de lien avec un nom celtique insulaire.
Ceci est confirmé par le surnom que le comte d'Anjou Foulque le Réchin donnait vers 1060 à sa femme : Lancelotte, parce qu'elle était la fille de Lancelin de Beaugency. Lancelot semble donc être un surnom ou un sobriquet de Lancelin. Ce nom se retrouve également très tôt en Bretagne armoricaine : Lancelinus, abbé de Landevennec au début du 12ème siècle, mais surtout Lancelin mab Budoer en 1069 à Quimperlé, Lancelin, à Pleubihan (région de Tréguier) vers 1040-1066.
A noter aussi que Lancelin de Beaugency, qui vivait vers 1040, était titulaire d'honores à Vendôme de même qu'un certain
Ingelbaldus Britto,
oppidanus de Vendôme à la même époque.
Le nom de Lancelin, vraisemblablement en provenance d'Anjou, a donc connu une certaine vogue en Bretagne armoricaine, où il aurait pu se substituer à un autre héros de la tradition brittonique.
Mis à part son apparition en guest star dans Erec et Enide, Lancelot est le héros de deux romans du 12ème siècle :
Le chevalier de la Charrette de Chrétien de Troyes (écrit vers 1177-1181) : le cadre est arthurien mais l'influence des valeurs courtoises, véhiculées par les troubadours, est prédominante.
Le second roman est le
Lanzelet de Ulrich von Zatzikhoven. Il s'agit d'une traduction allemande composée vers 1194 à partir d'un original ("welch buch" selon Ulrich : un livre étranger) en langue romane. Le contenu semble plus ancien que
Le Chevalier de la Charrette et aucun des deux romans ne dérive de l'autre.
La façon dont l'original a été transmis à Ulrich est intéressante : cet original était en possession d'un certain Hugues de Moreville, désigné parmi les otages envoyés en Allemagne avec la rançon destinée à libérer Richard Coeur-de-Lion, retenu captif par l'empereur depuis son retour de croisade. Or, Hugues de Moreville, chevalier normand originaire du Cotentin, est l'un des assassins de Thomas Becket en 1170, et l'un de ses complices s'appelait Richard Le Bret.
On pourrait déduire de tout cela, ou tout au moins supposer que :
- le nom de Lancelot vient de Lancelin, sans lien avec un nom d'origine celtique
- ce nom étant connu très tôt des Bretons armoricains, ils l'auraient intégré dans certains récits brittoniques qu'ils partageaient avec leur compatriotes d'Outre-Manche, lui donnant la place d'un héros plus traditionnel.
- ils auraient transmis ces récits dont Lancelot est devenu le héros à leurs voisins de l'Est, Normands, Angevins et autres.